Depuis l’enfance le Général de Gaulle a été présent dans ma vie, quand mon père évoquait avec émotion ses souvenirs de guerre. Jeune sous-officier dans l’Armée de l’Air, il s’était évadé d’un train le conduisant vers l’Allemagne pour rejoindre le Maquis dans le Sud Ouest de la France. Il discutait avec passion les Mémoires du Général, sa lecture favorite après l’Histoire de l’Empire Ottoman qu’il aimait aussi à commenter. Il demeura un fervent gaulliste et admirateur du Général durant toute sa vie.
Étrangement je devais plus tard séjourner dans deux maisons où avait vécu le Général. La première fut une villa sur la Côte d’Azur, quand adolescente je découvris la Provence, son passé romain, son art et son architecture durant un voyage culturel. La seconde fut la maison à Hampstead où il vécut de 1942 à 1944 pendant son séjour à Londres. Frognal House est une maison géorgienne du 18e siècle bâtie au milieu d’un parc et d’un jardin, sur un site datant du 15e siècle situé sur l’une des collines de Hampstead. Du haut du toit en terrasse qui domine tout Londres, le Général était aux premières loges pour observer les bombardements allemands sur la Cité de Londres durant le Blitz.
Une plaque commémorative perpétue sa mémoire.
La maison abrite désormais un couvent, et j’y séjournai à plusieurs reprises au début des années 2000 quand je vivais à Rome. Les salons sont toujours là, mais le Cabinet de Travail du Général au rez-de-chaussée a été transformé en chapelle.
La bibliothèque lambrissée du premier étage était la pièce où je ressentais le plus régner son esprit quand j’y travaillai seule tôt le matin. Sa présence était tangible, une énergie masculine dans cet environnement féminin, une intensité intellectuelle et une détermination qui me portaient dans mon propre travail. J’en chéris la mémoire qui est associée dans mon esprit avec la brise fraîche du matin qui m’apportait par les fenêtres ouvertes le parfum de miel des glycines et le chant euphorique des oiseaux. Dans le jardin fleurissaient des roses que je dessinais et peignais en fin d’après-midi, quand l’ombre des arbres s’allongeait sur la pelouse. Son esprit flottait là aussi. Et j’imaginais que souvent il avait dû venir se délasser dans ce lieu au retour de son quartier général de Carlton Gardens fatigué et accablé de soucis, et s’évader dans la paix ombreuse des charmilles pour rafraîchir son âme et son esprit. Son souvenir y demeure encore.
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J’imagine aussi que cet endroit où les Forces Françaises Libres se réunirent autour de leur chef pour défendre les valeurs nationales de Justice et d’Humanisme contre l’inertie, le laxisme et les compromissions envers la Barbarie, vit aussi passer ces vaillants Résistants, hommes et femmes tel Stéphane Hessel, que j’ai connu et soutenu à mon retour à Paris dans son combat pour les Droits de l’Homme. L’un des co-auteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, il me dédicaça son pamphlet Indignez vous en ces mots ‘ …Poétesse émouvante et précieuse défenderesse des causes essentielles’. J’inscris mes pas dans les siens et ceux de ses compagnons d’armes.
Monique Riccardi-Cubitt http://www.monique-riccardi-cubitt.com/
Membre du Comité des British Conservatives in Paris
Paris, 21 avril 2018