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Depuis Paris, j’ai eu au téléphone, grâce à la SIM directe, un ami à Kaboul, quelques minutes après la coupure. Sa voix tremblait dans l’urgence. « On ne saura plus rien de nous », a-t-il soufflé.
Netblocks, une organisation de cybersécurité, parle d’une connectivité réduite à moins de 1%. Plus de 8 000 pylônes hors service, et un pays soudain figé. Les banques, les hôpitaux, les écoles, tout dépendait de ce fil invisible qui s’est rompu. Aujourd’hui, il n’y a plus rien.
L’#Afghanistan plongé dans un blackout total d’Internet. Les talibans, au nom de la “moralité”, ont coupé les réseaux étape par étape depuis ce matin. Même les services téléphoniques commencent à être touchés. https://t.co/grEdKfAKF1
— Mortaza Behboudi (@mortazabehboudi) September 29, 2025
Le prétexte ? Prévenir le « vice ». C’est l’argument officiel. Mais en réalité, c’est la peur qui dicte cette mesure. Peur des images, des voix libres, des récits qui s’échappent.
Déjà, au début du mois, plusieurs provinces avaient été privées d’Internet haut débit. Le chef suprême, Hibatullah Akhundzada, avait ordonné ces restrictions au nom de la loi islamique. Hier, c’est tout un peuple qui s’est retrouvé coupé du monde.
Je pense à des milliers d’Afghanes, privées d’école depuis 2021, pour qui les cours en ligne étaient le dernier recours. Depuis hier, même cet espoir s’est éteint. Une des filles que j’ai eu au téléphone me dit : « Sans Internet, je ne suis plus qu’une ombre. » Pour des millions d’Afghans, cette phrase est devenue réalité. Le blackout n’est pas seulement technique : il est existentiel. Plus de réseaux sociaux, plus de voix qui franchissent les frontières. Le pays se replie sur lui-même, étouffé par le silence.
Les conséquences sont immenses. Le système bancaire paralysé, les familles séparées sans moyens de se joindre, les humanitaires incapables de coordonner leurs secours. Et au milieu, les jeunes, plus de la moitié de la population. Ils vivaient déjà sans école, sans avenir, désormais ils vivent sans voix. « Nous sommes effacés, pixel après pixel », m’a confié une étudiante à Kaboul, une heure après la coupure d’internet.
Quatre ans après leur retour au pouvoir, les talibans n’imposent plus seulement la disparition physique des femmes et des opposants. Ils effacent maintenant la parole, la connexion, la moindre étincelle de liberté. L’Afghanistan est plongé dans un silence forcé. Et ce silence-là, comme la nuit, risque de durer.
Dans notre film co-réalisé avec Marine Courtade, Afghanistan : l’impossible voyage des femmes, nous montrons combien l’accès à Internet est vital pour les filles afghanes. Diffusion samedi 11 octobre à 18h50 sur ARTE Reportage et en replay sur arte.tv/arte-reportage