Le billet de Maurice Ulrich. Tutututut
Les 10 % les plus riches sont responsables de dix fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que les 90 % restants, et, en même temps, ils sont déjà dans les canots de sauvetage face au réchauffement climatique, disait hier sur France Inter le réalisateur et député FI François Ruffin.
Mais alors, dit Nicolas Demorand, « vous voulez faire quoi, les humilier en place publique, les décapiter, les spolier par l’impôt comme Thomas Piketty » ? Non ce n’est pas de cela qu’il s’agit dit Ruffin, « je suis pacifiste ».
« Tutututut », dit Léa Salamé pour l’interrompre, avant de poursuivre : « Vous dites que la vertu sociale ne suffit pas, vous voulez une écologie punitive et de la contrainte, des lois qui peuvent être liberticides… »
On a donc appris (encore une fois), sur la première radio du service public, que toute volonté de justice sociale était une atteinte à la liberté, voire à l’intégrité des riches et que les lois tuent la liberté. Ça va continuer encore longtemps, ce cirque ?
(Vérification : à 8'28 sur la vidéo de France-Inter :)
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La chronique de Francis Combes et Patricia Latour. Raconter l’info
« Plus de trente minutes pour vous raconter le monde. » Le fringant journaliste de France 2 Jean-Baptiste Marteau ne présente pas l’information au 20 heures, ce mercredi 30 octobre. Lui, il nous la « raconte », comme une belle ou tragique histoire.
Il déroule le fil de son conte de fées. « Il était une fois… » Trente policiers font l’objet d’une enquête (ne peut-on pas être policier et musulman ?)… SNCF : appliquer la réforme uniquement aux nouveaux entrants, des trains pour acheminer nos clients (et non les usagers comme dit le gréviste interrogé). Un mariage XXL dans l’automobile, est-ce risqué pour l’emploi ? Rassurez-vous, l’État sera particulièrement vigilant. Et ça peut marcher, croyez-en le « spécialiste » économique… Etc.
La méthode du storytelling, importée des USA, commence à faire recette.
La mise en récit ou l’accroche narrative est, au départ, une technique de communication. Objectif : rallier le public au discours en lui racontant une histoire, vraie ou fausse. Il faut mobiliser les émotions pour faire passer le message. Séduire, convaincre, embobiner, quitte à déformer quelque peu la réalité.
Marteau semble coutumier du fait. Il a déjà été accroché pour son reportage pro-Copé en 2014. En novembre 2017, il falsifie l’intervention de Jean-Luc Mélenchon à la convention de la France insoumise, en supprimant des mots et en ajoutant des applaudissements, ce qui modifiait sensiblement ses propos.
Dernière affaire en date : au 20 heures du 10 août 2018 qu’il présente, une infox, ou fausse nouvelle (fake news comme on dit en français !), sur Vladimir Poutine est diffusée par une de ses collègues. Alors que Poutine participe à une opération de communication pour la préservation du tigre de Sibérie, la journaliste décrit le président russe comme un chasseur de tigres. La chaîne est contrainte de s’excuser mais le mal est fait.
En français, « raconter » et « informer » sont deux verbes différents. Un certain sens commun ne s’y trompe pas. Quand les gens disent qu’on leur « raconte des histoires », voire « des salades », c’est pour dire qu’on leur vend des boniments, des « craques » (« craque », mot familier d’origine occitane, « craca », peut-être en référence à la formule traditionnelle « cric crac », par laquelle se concluaient les contes).
Entre l’infantilisation permanente, le bourrage de crâne systématique, la flagornerie, les mensonges et les petites histoires, l’information télévisée est devenue un moyen de formater les esprits. Jean Yanne le disait à sa façon : « Cette manière d’élever le journalisme à la hauteur d’un spectacle permet à ses promoteurs de laisser croire qu’ils ont du talent. »
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Des Gueules cassées aux dividendes. À sa création, la Loterie nationale, devenue la Française des jeux, avait été pensée pour venir en aide aux « blessés de la face et de la tête », autrement dit aux anciens combattants de la Première Guerre mondiale et rescapés de la grande boucherie.
Avec sa privatisation, il s’agit de faire tourner la machine aux œufs d’or qu’elle est devenue pour servir les actionnaires. La participation de l’État à 72 %, complétée précisément par des associations mutualistes ou d’anciens combattants, devrait être, à l’issue du processus ouvert hier, ramenée à 20 %.
Alors, bien sûr, Bruno Le Maire le clame : « Les Français seront les futurs actionnaires de la FDJ. » Il en appelle à l’actionnariat populaire, laissant espérer des gains substantiels, en tout cas supérieurs à ce que peut rapporter aujourd’hui le Livret A, pour ne prendre que cet exemple. Encore faut-il que ce soit le cas, ce qui n’est pas assuré. Mais on peut tout de même avoir face à cela une réaction d’abord morale. En clair, on va inviter les Français, s’ils veulent gagner plus, à encourager le jeu.
Mais que dit l’État de ces chiffres, rappelés par l’économiste Christophe Ramaux : « 1 % de chiffre d’affaires en plus réalisé par la FDJ, c’est 1 000 joueurs pathologiques en plus et 6 500 personnes à risques en plus. Le coût direct pour l’État des addictions aux jeux, c’est 1 milliard d’euros. »
Au lieu de cela, on essaie de nous faire croire que ce serait un bien pour la nation. La réalité, c’est que la forêt qui se cache derrière l’arbre de l’actionnariat populaire, c’est celle des grands intérêts privés qui ne demandent qu’à croître.
La religion du macronisme, c’est le culte du capital. Il en va de même avec la privatisation d’Engie, comme avec celle d’Aéroports de Paris, dont la seule raison est d’offrir au groupe Vinci un fructueux monopole de fait sur l’aménagement du territoire, des boutiques de luxe de Roissy et Orly aux autoroutes, parkings urbains et autres. L’enjeu de la bataille contre la privatisation d’Aéroports de Paris, c’est aussi de freiner en Macronie l’addiction aux dividendes.
Par Maurice Ulrich - l'Edito de l'Huma du 7 novembre 2019
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Immigration. Roussel tacle le président
Jeudi, 7 Novembre, 2019 -Tania Meller
Pour le secrétaire national du PCF, « Macron fait le perroquet de l’extrême droite ».
«Ras le bol que l’immigration obsède et occupe la totalité du débat public. Si des quotas doivent être instaurés, c’est sur les heures de TV consacrées à la question. »
Invité hier de l’Association des journalistes parlementaires, qui n’ont pas manqué de l’interroger sur les annonces du premier ministre en matière de politique migratoire, Fabien Roussel a vivement regretté le « climat malsain » instauré par la majorité.
Pour le secrétaire national du PCF, « Le président de la République fait le perroquet de l’extrême droite, c’est extrêmement préoccupant pour l’avenir, estime-t-il. Pendant que l’on agite le foulard de l’immigration, on ne parle pas du budget de la France, discuté en ce moment même à l’Assemblée nationale, des nouveaux cadeaux aux plus riches ; on ne parle pas de la convergence des salariés en lutte qui se donnent rendez-vous le 5 décembre, ni des réformes alternatives des retraites, des factures qui augmentent », a-t-il énuméré, rappelant, contrairement à ce qu’avance le gouvernement, que ce sont la santé et les inégalités qui arrivent largement en tête des préoccupations des Français.
Alors qu’Édouard Philippe venait de confirmer la mise en place « d’objectifs quantitatifs en matière d’immigration professionnelle », Fabien Roussel a rappelé que le PCF y est totalement opposé.
« Parlons plutôt de la régularisation des sans-papiers ! invite le député du Nord. On ne parle de frontières que lorsqu’il s’agit d’êtres humains, mais jamais pour l’argent et les milliards perdus par l’évasion fiscale. L’ennemi, il ne vient pas en bateau mais en jet privé. »