« McCarthy no more, reinstate the fired four » (« McCarthy plus jamais, réintégrez les quatre virés »). C’est le slogan qu’un groupe de professeur·es, d’étudiant·es et d’activistes a scandé, jeudi 31 juillet à partir de 16h, sur le campus de Brooklyn College. Réuni.es sous une pluie battante, ils et elles protestaient contre l’éviction de quatre intervenant.es régulier.es, aux contrats précaires, dont le seul point commun est d’avoir exprimé leur soutien au peuple palestinien.
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                    Après les premières clameurs - amplifiées au mégaphone —, les organisateur·rices ont invité la foule, de plus en plus dense, à s’abriter sous des échafaudages percés pour écouter les prises de parole. Des professeur·es ont raconté leur passion pour l’enseignement, leur sidération de voir leurs quatre confrères et consoeurs exclu.es sans justification, par des procédures qui violent leur liberté d’expression et relèvent selon eux.elles de la « purge idéologique ».
Puis est intervenue Ellen Schrecker, historienne majeure de la gauche américaine, célèbre pour son ouvrage de référence sur le maccarthysme. À 87 ans, elle ne refuse aucune tribune : « Ce que traverse l’Université américaine aujourd’hui n’est pas un retour du maccarthysme, c’est pire », affirme-t-elle dans la presse comme au micro.
La comparaison est frappante. « Dans les années 1950, on dénonçait la menace — fantasmée — des enseignant·es communistes. Aujourd’hui, on dénonce la prétendue radicalité et l’incapacité supposée de l’université à combattre l’antisémitisme. »
Mais cette comparaison ne suffit plus. Deux différences majeures aggravent, selon elle, la situation actuelle. D’abord, le maccarthysme s’attaquait à des individus — leurs passés, leurs affiliations, leurs idées. Ce que Donald Trump et ses complices visent aujourd’hui, c’est l’Université comme institution. Ensuite, « cette guerre ouverte menée par Trump contre la communauté académique et ses connaissances survient à un moment où l'enseignement supérieur est déjà considérablement affaibli, attaqué par des milliardaires de droite et des politiciens ambitieux".
« Aux États-Unis, explique-t-elle (mais c’est un phénomène qu’on observe aussi en France NDLR), les universités ont dû supprimer tellement de postes de titulaires que plus de 75 % des enseignant·es sont désormais précaires : non titulaires, sous-payé·es, souvent sans temps ni moyens suffisants pour accompagner des étudiant·es eux-mêmes en difficulté ».
Eloquente, l’interpellation d’Ellen Schrecker se conclut sur une note d’espoir. « Pendant le maccarthysme, rappelle-t-elle, la plupart des universitaires gardaient le silence ». Aujourd’hui, l’historienne voit s’organiser chaque jour, dans sa boîte mail, une résistance encore balbutiante, mais courageuse et de plus en plus intransigeante.
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                    « Résistance ! » lance-t-elle finalement dans son micro, laissant tomber la feuille de papier où son discours était écrit — trempé, emporté par la pluie.« Résistance ! », reprend la foule à l’unisson, parapluies et pancartes levés.
La résistance a-t-elle fourbi ses armes depuis 1940, à la mesure de la répression qui veut l’anéantir ? Elle a, en tous cas, appris à faire résonner ses voix sous la tempête et peut-être même à poursuivre ses combats après le déluge.
Par Lauren Malka
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