A Nice, les noms de rue honorant la mémoire de gens de peu de bien sont légions. Alors qu’il venait d’être condamné à 5 ans de prison de ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy a vu son caniche préféré en la personne du maire de Nice, Christian Estrosi, voler à son secours pour proposer de nommer le parvis du futur hôtel des polices au nom du désormais taulard à la prison de la Santé. Une énième outrance pour l’espace public qui recense déjà le nom d’un bon paquet d’escrocs, de tortionnaires, et d’événements catastrophiques pour la mémoire collective.
Pour cette raison, Nice Front Populaire (NiFP), liste candidate pour les élections municipales de mars 2026, a lancé un appel ce mardi 21 octobre à 17h30, jour de l’incarcération de Sarkozy, pour une manifestation contre ce choix déplorable. Une visite guidée des rues portant le nom d’escrocs patentés par Jonathan, comédien et membre actif du collectif. Parapluie et micro en main comme un guide touristique, il amène la centaine de personnes, au son des Portes du pénitencier de Johnny Hallyday, devant la rue Jacques Médecin, maire de Nice de 1966 à 1990. Condamné pour corruption, prise illégale d’intérêts et détournements de fonds publics, il avait fui la justice en Uruguay comme le vulgaire néo-nazi qu’il était (il avait déclaré être en accord avec 99,9% des thèses du Front national). Puis la troupe se dirige vers le cours Jacques Chirac, condamné pour prise illégale d’intérêts, corruption, abus de confiance. Chaque fois, une affichette est scotchée pour rappeler les condamnations et renommer l’impasse. Quelques passants applaudissent, d’autres font des doigts d’honneur remplis de haine, et de peine pour leur idole tombée trop tard, après dix ans de procédure. Pendant ce temps, l’un des manifestants, a filé à l’allée Charles Pasqua, condamné lui dans huit affaires pour à peu près les mêmes motifs.

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Une manifestation pantaï comme on dit ici, dans la pure tradition carnavalesque niçoise, festive drôle et revendicative, qui s’est donc terminée devant le chantier de l’hôtel des polices. En dénonçant l’injure faite aux Niçois et Niçoises, d’honorer l’ancien président qui est allé s’acoquiner avec un terroriste responsable de la mort de 170 personnes dont 54 Français dans l’attentat de l’avion DC-10 d’UTA en 1989, pour quelques millions d’euros afin de financer sa campagne électorale de 2007.

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Si cette liste parvient au pouvoir local en mars prochain, c’est une grande partie de l’espace public qu’il faudra réagencer et renommer, notamment par des figures féminines qui font cruellement défaut. La ville compte ainsi des rues comme celle du Maréchal Bugeaud, artisan de la colonisation algérienne, un monument à la gloire de ces mêmes colons sur la Promenade (« Ils ont construit un pays, l’ont quitté dans la douleur », est-il écrit), l’avenue Adolphe Thiers, le boucher de la Commune, la rue des Boers, colons sud-africains pour n’en citer que les plus abjectes. Les choix de noms de rue sont un enjeu éminemment politique, et la mémoire, une bataille culturelle.
Par Edwin Malboeuf
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