À Awdeh Al-Athaleen, camarade Palestinien tué par un colon israélien à Um al-Kheir (Palestine occupée).
Awdeh al-Hathaleen était un activiste Palestinien qui luttait pour protéger son hameau, Um al-Kheir (« mère du bien »), des attaques répétées des colons israéliens. Sa région, Masafer Yatta (aussi connue comme les collines du sud d’Hébron), au sud de la Cisjordanie occupée, est en proie à une véritable annexation de la part des colons, protégés par les forces de police et d’armée israéliennes.

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Il a été tué hier soir par Yinon Levi, un colon qui a été sanctionné par les États-Unis et l'Union européenne en 2024 pour ses attaques violentes contre les Palestiniens et leurs biens, avant que Trump ne lève les sanctions américaines récemment.
Dans plusieurs vidéos, on voit Levi devant un engin de chantier, venu construire une nouvelle caravane juste derrière la maison d’Awdeh, menaçant les habitants d’Um al-Kheir avec son pistolet. Awdeh s’interpose et lui crie en anglais « Kill me ! Kill me ! » - ce seront ses derniers mots. Levi tire. Une balle du colon est venue mettre fin à la vie du jeune activiste, mort dans la nuit suite à ses blessures.
À seulement 30 ans, Awdeh laisse derrière lui une communauté endeuillée. Il avait une femme, Hanady, et trois enfants, tous âgés de moins de dix ans. Il était professeur d'anglais, écrivain et footballeur dans le club local de Masafer Yatta.

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Il n’est pas le premier à être assassiné par des colons – son oncle Soleiman, chef de la communauté, avait été écrasé par un tractopelle juste 3 ans auparavant – et il ne sera pas le dernier, tous le savent. Mais sa mort blesse tous ceux qui l’ont connu, dont un grand nombre d’activistes anti-occupation internationaux et israéliens.
Car Awdeh, c’était celui qui coordonnait leurs activités, qui les hébergeait, qui donnait des interviews. C’était un pilier de la lutte, toujours entouré d’activistes juifs, musulmans, chrétiens et athées, toustes réunies pour défendre la Palestine face à au déchaînement de violence sioniste.
J’avais passé trois jours chez Awdeh à Um al-Kheir, pendant le ramadan en mars 2024. Il semblait alors déjà doucement perdre espoir face à l’ampleur des attaques, qui ne cessaient d’augmenter et atteignent aujourd’hui un pic historique, alors que la Knesset a approuvé une motion symbolique pour l’annexion de la Cisjordanie occupée dans son ensemble.

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Lors de nos repas partagés de rupture du jeûne, il semblait absorbé, fatigué même. J’aurais aimé le revoir.
Awdeh nous envoyait des messages sur WhatsApp lors de chaque incident avec des colons. Ils étaient presque quotidiens. Hier, il m’a écrit :
« Comme prévu, la pelleteuse des colons se trouve derrière la maison de Salim. Il semble qu'ils vont travailler là-bas. Ils ont fait appel à un ingénieur pour installer des panneaux sur le terrain. On verra bien ce qui se passe. »
Puis, un peu plus tard :
« *APPEL URGENT* Les colons travaillent derrière nos maisons et, pire encore, ils ont tenté de couper la canalisation d'eau principale de la communauté. Ils construiront des caravanes. Nous avons besoin de tous ceux qui peuvent agir. Si vous pouvez contacter des personnes comme le Congrès, les tribunaux, etc., faites tout votre possible. S'ils coupent la canalisation, la communauté sera littéralement privée d'eau. »
Puis, il a été tué.
J’aimerais publier ici ce texte que j’avais écris un matin, levé à l’aurore, alors que je regardais les bergers réunir leurs troupeaux à Um al-Kheir.
La paix. Celle des moutons dans la prairie, entre deux collines en fleurs. Ils mastiquent l’herbe fraiche du printemps avec un son doucement répétitif, leurs bêlements emportés par la douce brise.
La paix des chats des enfants qui jouent entre les masures d’un hameau menacé de démolition, leurs cris et leurs rires recouvrent la peur et la tristesse. La joie des adolescents qui jouent au foot à deux mètres des colons, leur énergie et leur vitalité mettent en échec le culte de la mort,
La paix des oliviers, dont les feuilles valsent dans la brise sur une colline recouverte de coquelicots et de marguerites. Tout est comestible ici, du aacoub au zaatar, du pissenlit à la sauge, parfums d’une terre millénaire.
La paix, finalement, des humains qui vivent sous ce ciel bleu ponctué de nuages, sous cette occupation maudite, elleux qui aimeraient juste boire un thé ou un café avec ces colons pour comprendre pourquoi ils les détestent tant.
Awdeh a été tué par cette haine, par le fanatisme des colons sionistes, mais aussi par la complicité des Etats-Unis, de l’Europe et des pays arabes, par l’impérialisme et par la soif de profits qui est le combustible de l’occupation israélienne.
Rest in power, Awdeh. Tu es mort pour que la Palestine vive, pour ta communauté survive. Nous ne t’oublierons pas.

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Extraits de notre interview, le 9 mars 2024.
Ma communauté vit à Masafer Yatta depuis notre expulsion des terres d’Arad (aujourd’hui en Palestine de 1948, a.k.a en Israel) en 1948. Les colons sont arrivés en 1982 avec un premier checkpoint sur le haut de la colline, qui s’est étalé année après année jusqu’à devenir une grande colonie sous le nom de Carmel.
Ils nous ont expulsés dès les premiers mois après leur arrivée, mais nous nous sommes réinstallés quelques centaines de mètres plus loin et avons refusé de bouger. Maintenant, nous ne vivons qu’à quelques mètres de leurs maisons. Ils nous coupent l’eau et l’électricité et nous vivons dans mes masures temporaires, alors que leurs maisons sont en dur avec tout le confort moderne.
109 de nos maisons ont été démolies depuis 2007, mais nous les avons reconstruites. Comme nous sommes en zone C, chaque bâtiment palestinien peut être détruit sur ordre des autorités. Aucune des maisons du hameau n’est celle d’origine !
Avant, c’était déjà difficile. Ils ont écrasé notre chef de communauté, Soleiman, avec une tractopelle en 2022.
Mais le 7 octobre 2023, c’est devenu bien pire. Les attaques sont devenues quotidiennes, il était devenu dangereux de dormir la nuit, et nous étions assiégés, sous cloche, tous les checkpoints israéliens autour de nous étaient fermés.
Avant, c’était surtout l’armée qui venait nous embêter, mais depuis, ce sont les colons qui sont devenus vraiment agressifs.
Nous n’avons de l’eau courante que 7 heures par semaine, car les colons contrôlent nos arrivées d’eau.
Ils nous empêchaient d’aller à notre terrain de foot jusqu’à ce que nous ayons tenu tête, il y a trois semaines, nous leurs avons dit qu’ils pouvaient tous nous tuer mais que nous y retournerions, alors on est revenus et on joue de nouveau. C’est très important pour nos jeunes.
Par Pluto