Le fric finit toujours par gagner. Même sur les voix dénonçant la main mise et rapacité de la finance sur toute la planète. Le fric siphonnant tout sur son passage. Incroyable. Les fondateurs et le reste de l’équipe de Mediapart ont décidé de vendre leur journal. Son seul moyen de survivre. Une somme importante pour le rachat. Avec en plus la promesse d’une « Quotidienne Mediapart » sur CNews. Malgré leur tristesse, rage, colère, toutes et tous néanmoins satisfaits de leur futur salaire. Jamais ils n’auront autant gagné de fric. Incroyable mais faux. La fake news autorisé et sans danger annuel. Le fameux poisson d’avril désormais surtout numérique.
Demain, c’est le 2 avril. Les poissons vont être rangés jusqu’à l’année prochaine. Chacun et chacune d’entre nous va continuer de vaquer à ses occupations dans son aquarium. Gosse, je pensais que nous nagions tous et toutes dans le même aquarium géant nommé République. Jeune naïf croyant ses instits et prenant au pied de la lettre les trois mots au-dessus du fronton des écoles et autres sites officielles. En fait, à chaque quartier son aquarium. Plus encore de frontières visibles et invisibles de nos jours ? D’aucuns le prétendent en évoquant l’arrivée de tous les communautarismes : avec moi ou contre moi. Certains de ses aquariums bénéficient une eau plus souvent changée et très oxygénée. En bref, bien entretenus.
Tandis que d’autres aquariums ont toujours la même eau croupissante depuis des décennies. Pourquoi sont-ils si mal entretenus ? Trop loin des aquariums du centre. Une population ne comptant que les jours d’élection ou remplir le caddie. De lin en loin, des femmes et des hommes se penchent sur les aquariums au bord de l’asphyxie et promettent de changer l’eau. Puis ils s’en vont. L’eau continue de stagner. D’autres femmes et hommes, des politiques, des artistes, des journalistes, reviennent au bord de l’aquarium… Souvent de nouveaux visages, mêmes promesses. Puis ils repartent toujours. Et l’eau continue encore de stagner. De temps à autre, il y a de gros remous dans les aquariums en périphérie. L’eau à de la mémoire. Et les poissons en colère bougent encore.
Certains habitants et habitantes sautent d’un aquarium à l’autre. Un voyage dans d’autres eaux que celles de son enfance. Découvrir d’autres modes de vie. Transgressant leur éducation et les us et coutumes de leur eau d’origine. En général, celles et ceux venus d’aquarium à l’abandon n’y retournent pas. Jusqu’à parfois nier leurs eaux d’origine. Leur jeter la pierre ? Rien de plus naturel. Qui aurait envie de survivre dans des eaux croupies et laissées à l’abandon même à quelques km de l’Aquarium Capitale ? Préférant tirer un trait définitif sur le quartier de leurs premières nages. Contrairement à celles et ceux, issus des bonnes eaux, retrouvant quasiment tout le temps l’aquarium doré de Papa et Maman. Après une escapades dans les eux usées de la République. Nulle égalité entre les aquariums sous le ciel de France ?
Quel que soit son aquarium d’origine, il faut apprendre à nager. Parmi ses contemporains. La plupart du temps, on est éduqué par ses parents, instruits par l’école, et d’autres enseignement au fil de son histoire. Même si les écoles ne sont pas dans le même état d’un aquarium l’autre. Mais tous et toutes, survivant dans des eaux croupis ou vivant sur de belles ondes, ont un point commun. Lequel ? La solitude. Vécue le plus souvent hors de l’aquarium collectif. Quand on se glisse dans son bocal. À l'abri des regards.
Certains et certaines vont vouloir nager à contre-courant. Souvent des poissons qui doutent. Refusant de suivre le flux imposé de génération en génération. Les plus soumis vont finir par reprendre le « bon courant ». Les rebelles vont se briser contre la vitre de l’aquarium. On ne fait pas de cadeau à celles et voulant perturber le courant dominant. Parmi eux, les survivants et survivantes iront s’éteindre seuls dans leur coin. Peu de place pour les rebelles et les fragiles. Ni pour le doute. La plupart finissant dans une double solitude.
Pour conclure, une immersion dans un aquarium intime. Des photos et images m'accompagnant depuis une trentaine d'années. Quelques-unes ont illustré ce blog. Comme une petite fille verte avec son ballon vert, un petit garçon devant un « soleil électrique » sur une scène de tournage, des danseurs sur une palissade, le gamin géant adossé à un immeuble, les trois sourires dans un quartier périphérique d’une ville de banlieue, les danseurs et danseuses devant la façade d’un livre ouvert sous le ciel de Paris…
Parfois, je repense à ces trois gosses. Très souriants. Des gueules de Guerre des boutons ou Huckleberry Finn . Un trio de Gavroche plus basanés que Lebrac et P’tit Gibus, et d'autres jeunes figures populaires de l’histoire de France. Des années durant, tous les trois ont traîné immobiles dans mon bureau. Nos regards se croisaient de temps à autre. Depuis, ils ont déménagé. Le cadre avec leur photo sur un autre bureau. La force et l’insouciance de leur jeunesse, les ont-elles projetés sur quel orbite? Leur sourire n’a pas vieilli. Comme chaque saison. Que sont devenues leurs trognes souriantes ?
Un trio sous le ciel de notre jeune siècle. Refusant de n'être assignés qu'à la place de remplaçants sur le terrain de la République. Certains et certaines restent encore confinés sur la touche. Plus complexe de se nommer Mamadou que Michel sur un CV. Cependant indéniable que ça change de plus en plus. Toutes sortes de couleurs, sexe, genre, sont visibles sur le terrain. Comme preuve les acteurs, les actrices, les journalistes, les écrivains, les cinéastes, les sportifs, les médecins, les profs... Nombre d'hommes et de femmes basanés sont visibles sur le petit et grand écran, à la radio, sur le web, dans les pubs, les ministères, etc. Les temps ont changé. Et tant mieux. Mais il me semble que la majorité des basanés ne demandent pas la visibilité mais l'égalité. Comme les femmes avec les hommes. L'égalité d'abord et toujours. Liberté, Égalité, Fraternité, Sororité, et une belle vie pour 68 014 000 habitants et habitantes du pays. Et hors de nos frontières. Le trio sur la photo avaient d'autres préoccupations. Les yeux chargés des rêves de leur âge. Un jeune sourire made in France.
Nageant aujourd'hui dans quel aquarium ?