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Billet de blog 1 mai 2025

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Reculer pour mieux penser

S’éloigner de la lumière. Qu’elle soit petite ou grande. Certains êtres ne le feront pas. Pas par choix. Mais parce que déjà loin de toute source de lumière.Pouvoir reculer est un luxe. Dans quel but ? Déplacer son angle de vue. Sur les autres et le monde. Reculer avant le pathétique ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Photo: Marianne A

        S’éloigner de la lumière. Qu’elle soit petite ou grande. Certains êtres ne le feront pas. Pas par choix. Mais parce que déjà loin de toute source de lumière. Ici et là, des semblables sont comme des ombres. Parfois absentes au monde, assises sur les ruines de leur maison. Une absence ricochant d’écran en écran. Avec dans la doublure de leurs chairs meurtries quelques vestiges d’enfance et miettes de leur histoire passée. Pouvoir reculer est un luxe.

        Dans quel but ? Déplacer son angle de vue. Sur les autres et le monde. Avec bien sûr une tentative de regard sur soi. Une tarte à la crème de notre époque ? Le recul sur soi est un bon filon business ? C’est vrai. Même dans le village le plus isolé, vous tomberez sur un coach.  Un ou une pro de vos émotions. Des charlatans ? Comme dans toutes les corporations. Et souvent, comme pour les psys et les garagistes, le charlatan, c’est celui ou celle qui a échoué sur notre souci. Dénigrer  toutes ces nouvelles pratiques ? Si ça fait du bien, c’est bien. La relève des rebouteux et sorcières ?

         Toutefois aucune obligation de passer entre leurs mains  et oreilles. On peut arriver à se mettre à distance, sans aide extérieure. Même si ce n’est jamais simple de se retrouver face à un intime étranger. Être dedans et dehors. Pour essayer de déceler des travers - invisibles de la place où l’on se trouve au quotidien. Difficile de les voir, encore plus de poser un regard critique dessus. Notamment sa propension à la certitude. La plupart du temps, elle est jumelée avec le radotage. Répétant et assénant pour affirmer sa ou ses certitudes. Ne jamais se taire. Pour faire barrage au moindre doute.

        Personne n’est à l’abri de cette espèce de psittacisme de sa pensée. Quand un perroquet a pris le pouvoir de son cerveau. Parfois couplé avec un psittacisme du cœur. Penser et aimer mécaniquement. Des femmes, des hommes, d’autres genres ; n’importe quel individu peut se couler dans une forme d’automatisation de lui. La plupart du temps, c’est sans grande gravité. Si ce n’est pour soi. Mais dangereux quand ce processus de pensée mécanisée touche des personnages susceptibles d’influencer telle ou telle population. Comme certains politiques, de tout bord. Mais ça peut atteindre des enseignants, des religieux, des coach, des psy, des artistes… Tous les individus dont la parole a un poids sur l’autre. Et avec un pouvoir d'influence..

         Plus facile de reculer pour les « sans visibilité » ? Sans doute. Personne ou que quelques proches à constater leur éloignement. Voire à s’en inquiéter. La difficulté de s’éloigner est sûrement proportionnelle à la taille de la lumière sur soi. Avec en plus, une certaine responsabilité. Parfois la culpabilité de s’effacer et lâcher celles et ceux qui nous ont fait confiance et alimenter la lumière dont on bénéficie. Plus complexe de s’éloigner quand on est au centre de regards. Toutefois, personnalité publique ou parmi les qualifiés d'anonymes ; la démarche est similaire. Certes avec quelques différences d’ordre pratique. Mais le but est le même. Trouver sa faille pathétique.

      Quand le sens déserte sa parole et ses actes. Arrêter avant le dernier de trop. Celui qu’on ne voit pas venir. Mais qui pèsera plus ou moins lourd sur sa trajectoire. La parole de trop, l’écrit de trop, l’image de trop, la campagne politique de trop, le match de trop, etc. Cet instant qui nous fait basculer dans l’image pathétique de soi. Passant d’un être à l’autre risible, sous la même peau. Parfois, un pathétique passager et peu vu. Comme le verre de trop qui fait trop parler.  Des paroles défiltrées pouvant plombant une soirée entre amis. Souvent rien de dramatique. Si ce ne sont quelques désagréments. Dont la culpabilité d’avoir été lamentable.

        Quel que soit le trop, on est souvent le dernier averti de son pathétique. Certains ne pourront s’imaginer un instant être devenu risible. Dans le déni total. D'autres voient bien leur ridicule, mais n'en tiendront pas compte. Inquiets à l’idée de perdre le centre. Et prêts à tout pour s’accrocher à sa petite ou grande lumière. Sans se rendre compte du spectacle infligé aux autres. Leur déchéance déballée parfois en direct à ses proches et des inconnus. Avec la déception de celles est ceux les ayant admirés. Pitoyable spectacle de soi.

       Des exemples ? Nous en avons de nombres. Parmi nos proches ou des personnalités publiques importantes dans notre trajectoire. Quelques « dégringolades de cerveau » m’attristent plus que d’autres. Que ce soient de vieux amis ou des paroles publiques. Notamment des têtes bien pleines, éclairantes, qui ont basculé dans le pire. Ayant cédé à la pression de l’époque. Des têtes qui ont préféré opté pour les raccourcis et ne pas s’engager dans les très longues avenues de la pensée complexe. Leur jeter la pierre numérique ?

      En ces temps troubles, tous et toutes ont fait ce qu’on peut. Pas si simple le frottement de son histoire à confusion de notre jeune siècle. Encore plus compliqué quand son intime - la boîte noire de ses émotions - vient s’en mêler. Et puis qui suis-je pour les juger ? Un mortel imparfait dans un monde qui va plus vite que mes neurones. Avec plein d’éléments qui m’échappent. Une situation sans doute due au phénomène naturel du vieillissement. Aussi paumé qu’un grand nombre d’entre nous. Et enclin aussi à penser et dire des conneries. Quelqu’un s’attriste peut-être de ma « dégringolade de cerveau » ?

      Quand tu te répètes, il faut te taire. Désolé Blaise Cendrars d’avoir détourné votre superbe poème. Quelques phrases qui m’ont souvent secoué. Certes pas le seul texte à venir foutre un coup de pied dans la fourmilière des certitudes et radotage. Mais un poème qui me semble raccord quand le sens et le désir semblent en pilote automatique. Dans une mécanique si bien réglée que personne ne peut se rendre compte de la supercherie. Même soi. Que faire quand le sens et le désir sont des masques bien imités ce qu’ils ont été ? Une question à se poser avant « le ou la » de trop.

        Enfonçage de porte ouvertes ? Sûrement. Pendant que d’autres enfoncent des portes fermées pour ouvrir de nouveaux horizons. Parfois l’impression ressentie en conclusion d’un texte de ce blog. Le billet de trop ? D’un seul coup, la sensation de l’inutile et d’une perte de temps ; notamment pour l’internaute de passage ici. Une poignée de minutes qui auraient pu être concentrées à telle ou telle beauté du monde, la lecture d’un livre essentiel à soi, un corps aimé à caresser, l’écoute d’une chanson, un bon verre de vin… Et bien d’autres choses plus essentiels qu’une porte ouverte enfoncée des centaines de fois. Qui sommes-nous pour se croire plus important que le silence ? Une question à me poser sur l’oreille. Pour l’allumer plus tard.

      En attendant, nous sommes présents ici-bas. Avec notre petit ou gros poids sur la balance de la planète. Une présence à habiter le mieux possible. Sans obligation de vouloir changer le monde. Ni de le pourrir plus. Ici et là, certains vont essayer de convaincre que leurs idées sont les meilleures. Avec ou non des oreilles et donc une capacité à être convaincu par des visions différentes de siennes. D’autres ne parlent pas ; ils tuent. Avec arme blanche ou missile bourrée de technologie. Rien de nouveau sous le ciel des échanges humains. La routine de notre espèce en voie de disparition.

       Comment conclure ce tissu de digressions ? Possible de rajouter une circonvolution de plus. Voire même une pincée de radotage, répétitions, redondances, et autres « déjà pensés et écrits » avec plus de sens qu’un billet d’humeur. Une fois n’est pas coutume, une suggestion pour clore.  Les ombres sur les ruines me riraient au nez. Peut-être me traiteraient-elles d’égoïste déconnecté de la réalité du monde. En effet, des ombres qui auront autre chose à penser. Des urgences plus urgentes. Mais je n’ai que cette proposition en magasin.

         Reculer pour mieux rêver.

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