Douze millions d’histoires vont se lever. Chacune sous un toit différent. En ville ou dans un village. Dans des quartiers favorisés ou sur le bas-côté de la République. Sans doute des gosses sans toit. Pas la même rentrée pour tous. Certaines se dérouleront dans de bonnes conditions. Avec des parents présents et de bonnes écoles. Pour d’autres, la rentrée des impasses. Rien de nouveau sous le ciel de début septembre. Mais un point commun entre toutes ces histoires. Chacune est une planète en chantier.
Radio-réveil aussi pour des millions d’hommes, de femmes, et autre genre. Partout dans le pays. Un réveil pour aller prendre en charge ces millions de chantiers. Tous uniques. Sacré gageure. Monter sur scène chaque jour. Avec ses hauts et ses bas. Certains ayant toujours rêvé de transmettre. D’autres dans une classe qu’ils auraient pu être ailleurs. Nombre de passionnés continuent de l’être. Mais certains sont usés. Ils l’écrivent et le disent. Rien de nouveau non plus sur l'état des troupes. Un marronnier comme disent les journalistes. L’arbre qui cache une forêt d’intimes.
Comme demain sous l’abri-bus. Toutes sortes de visages à attendre le ramassage scolaire. Un quart de siècle que je les regarde. Les observant mon café à la main, debout devant la fenêtre. Des générations sont passées sous cet abri-bus. Chaque année, de nouveaux élèves. Facilement reconnaissable ; il donne l’impression d’oisillons tombés du nid. Tour à tour patauds et inquiets. Les plus rassurés sont ceux accompagnés de grands frères ou grandes sœurs. L’inquiétude aussi des parents. Pour moi, ce sera la dernière rentrée du regard. Je vais déménager. Changer de point de vue.
Rassurante récurrence de la rentrée des classes. Sans doute un des derniers liants dans le chaos actuel. Même si on sait que l’égalité des chances est un leurre. Pas la même école selon son quartier et ses origines. Gosse de prolos ou de bobos pas logés à la même enseigne républicaine. Mais, à cet instant précis de la rentrée, une magie s’opère. Tous et toutes attendris par les visages et les mots d’enfants entendus à la radio et vus à la télé. D’un seul coup, l’impression que c’est possible. Ça va le faire, comme on dit de nos jours. Bien sûr que tous ces gosses – sans exception - vont pouvoir accéder au meilleur que peut offrir l’école de la République. Une jeunesse avec la même qualité d’éducation. La magie retombe très vite.La réalité reprend sa place. Avec des murs visibles et invisibles.
Pour autant ne pas bouder son plaisir. Profiter de ce moment de communion de tout le pays. Ils se font de plus en plus rares. Excepté les coupes du monde de foot, de rugby, ou les Jeux olympiques. Sans doute que la rentrée des classes est une des dernières parenthèses enchantées du pays. En une époque où les diviseurs – cathodiques et autres – ont le vent en poupe. Même eux semblent en trêve de haine. Redevenus un bref moment le gosse qu’ils ont été. Sans doute qu’ils ne rêvaient pas de devenir les vendeurs de haine et de division qu’ils et elles sont devenus. Qu’est-ce que tu veux devenir quand tu seras grand ? Jamais entendu un gosse répondre : Je rêve d'être spécialiste de la haine et de la division. Toutefois, en voyant certains politiques, animateurs télé-radio, artistes, penseurs, on peut se poser une question. Quel est le grand ratage de l’éducation pour arriver à un tel résultat ?
La psychanalyse ne peut rien contre la connerie. C’est Lacan qui le dit. Il n’a peut-être pas tort. Et nous sommes toutes et tous bien placés pour en parler : chaque individu est dépositaire d’une plus ou moins grande part de la connerie humaine. Voire même pire. Mais c’est là où l’éducation, assisté de la culture, peut avoir son rôle à jouer. Supprimer la connerie humaine de chaque individu ? C’est impossible. Comme d’éradiquer la connerie humaine qui pense et agit en meute (parfois avec des intentions bienveillantes). La suppression totale est impossible. Mais l’éducation peut offrir des outils pour la tempérer. Au moins tenir notre connerie en laisse. Pour qu’elle ne fasse pas trop de dégâts. Une école de rattrapage pour toutes les personnalités publiques diviseuses et porteuses de haine ?
Pour réapprendre quelques valeurs mal enseignées ou pas bien intériorisées. Quels seraient ces élèves - adultes en une sorte de rattrapage ? Certains politiques, journalistes, agitateurs et agitatrices du bocal médiatique… Cette liste attend d’autres invités. Quel serait l’enseignement ? Le même que celui qui est normalement transmis dans toutes les écoles du pays. Un enseignement censé nous transformer en citoyennes et en citoyens doués d’esprit critique. Pour faire bref : toutes les bases pour vivre le plus possible en bonne intelligence de voisinage avec ses semblables. Sans nécessairement être contraint de les aimer. Ni non plus de les haïr. Juste cohabiter. Une cohabitation éphémère de chairs mortelles.
Revenons à notre école de rattrapage pour certaines personnalités publiques. La plupart du temps brillantes. Mais avec un double manque. Sans doute important de mettre particulièrement l’accent sur cette part d’éducation qui semble faire défaut dans leur cursus humain. Peut-être que certains l’ont eu et oublié en cours de route. Dans ce cas, quelques cours de remise à niveau ne seront pas inutiles. Pour que ces adultes en difficulté puissent bénéficier d’un des musts de l’éducation. Une matière double. Pas que les personnalités publiques diviseuses qui devraient avoir droit à une piqûre de rappel. Chacun d’entre nous aussi. Même si nous faisons moins de dégât de masse que ces voix qui portent loin et font mal à tout le pays. Dans le monde entier, le même genre de personnalités destructrices. Quelle est cette matière à mettre en avant dans cette école de rattrapage ?
L’empathie et l’humilité.
Pour éviter le désastre ?