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Billet de blog 1 décembre 2016

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Les saisons d'Alep

Les acteurs de cette série sont vraiment très bons. Surtout les gosses qui ont un grand avenir cinématographique. Leurs yeux sombres, d’une profonde détresse, prennent si bien la lumière. Indéniable que la douleur et le désespoir sont extrêmement bien interprétés. Une formidable direction d’acteur. Excellents aussi les décors qui donnent l’impression d’être dans une ville en guerre.

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© makelbe

Les acteurs de cette série sont vraiment très bons. Surtout les gosses qui ont un grand avenir cinématographique. Leurs yeux sombres, d’une profonde détresse, prennent si bien la lumière. Indéniable que la douleur et le désespoir sont extrêmement bien interprétés. Une formidable direction d’acteur. Excellents aussi les décors qui donnent l’impression d’être dans une ville en guerre. Le seul bémol c'est les dialogues; souvent pauvres. Les scénaristes pourraient se creuser la tête pour faire parler les acteurs. En tout cas, nous donner plus que des cris de colère ou de souffrance. Cela dit, les silences apportent beaucoup à cette série. Des silences parfaits. Que manque-t-il pour que ce soit encore plus réaliste. Les odeurs des cadavres ? Qui produit cette série ? Apparemment une coproduction internationale. Actor Studios délocalisé en Syrie ? Une série en tout cas visionnée par la planète entière. Un succès digne de Star Wars. Encore combien de saisons pour Alep ?

À force de voir et entendre mourir Alep, on finit par s’habituer. Une mort quotidienne livrée chaque matin à nos oreilles et yeux. Puis, de temps à autres, elle revient au gré d’un tweet ou la lecture d’un article de presse. Derniers souffles, blessures, tout en direct ou léger différé, font partie de l’horizon de nos écrans. Une mort quasi de proximité. Elle se glisse entre d’autres nouvelles plus ou moins importantes. Chacune et chacun la commentant à sa sauce.Moi je pense que… Pas d’accord avec toi… Ifaut… Yaka… J’ai lu un super papier dessus. Ecoute cette émission, la meilleure sur Alep.Un sujet qui, fort heureusement, ne laisse pas indifférent. La plupart d’entre nous révoltés par ce drame humain. Et complètement impuissants.

Qui pourrait faire cesser ce carnage ? Certains pensent que l’opinion publique internationale a du poids. Je doute que ceux qu’on nomme grands en tiennent compte. Notre avis ne les intéresse que quand nous devons les remettre en selle sous les ors de la République. Le reste, les intérêts géopolitiques, le pétrole, les légions d’honneurs pour nos amis barbares, ne sont pas pour nous. Le peuple est trop infantile pour s’occuper des affaires des grands. Mais pas une raison pour ne pas tenter le coup. Vaut mieux gueuler et échouer que se taire pour arriver au même résultat. Celles et ceux qui écrivent, hurlent, parlent, ont une chance, aussi minime soit-elle, de déchirer le linceul de silence espéré par les tortionnaires. Se relayer pour souffler sur les braises de la mémoire. Ne pas laisser la mort et son meilleur allié l’oubli occuper le terrain. Être présent à sa manière sur le terrain.

Tous, journalistes ou simples spectateurs d’une ville transformée en cimetière, désignons des responsables. Ces meurtriers de masse qui nous sont souvent indiqués par la presse. Pourquoi cette presse titre très rarement sur la folie meurtrière se déroulant au Yémen ou ailleurs ?  Certains journalistes nous servent le salaud qui sert les intérêts de leurs actionnaires ou des gouvernants en place. Des morts plus bancables que d’autres ? Heureusement de nombreux autres journalistes, portant la plume dans la plaie sans tenir compte du désir des princes payeurs, ne se contentent pas de relayer la com officielle. Cela dit, c’est encore une vaine polémique. La presse, surtout papier, a de moins en moins d’effet sur le réel. Suffit de voir l’élection de Trump ou la victoire de Fillon en France. Une constatation qui ne changera rien sur le terrain des opérations. Des mots, toujours des morts…

Pendant ce temps là, des gens crèvent, sont amputés… Pas des acteurs de cinéma. Aucun d’entre ne remerciera  ses parents et l’équipe technique pour un quelconque César ou Oscar. Chaque seconde peut-être le générique de fin d’un gosse, d’une femme, d’un homme. Des larmes, du sang, de la merde - sans odeur- sur nos chers écrans plasma. La vie et la mort pour eux à Alep et d’autres pays en guerre. Ici, nous combattons à grands coups de consultants et de spécialistes;  une course à la montre pour avoir le dernier mot. Le mot de la fin tweeté et retweeté ad libitum. Certes important de débattre en démocratie. Un privilège à défendre bec et ongles. Mais eux, là-bas, n’ont guère le temps et l'énergie de gloser sur telle ou telle responsabilité à l'origine de ce conflit. Fort difficile de philosopher sous une pluie de bombes ou de roquettes. Quel espoir pour ces êtres piégés à Alep?

Juste courir plus vite que la mort.

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