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Une expression entendue récemment. Dans la bouche d’une trentenaire. Elle évoquait un homme politique bouffant à tous les râteliers de la République, avant peut-être de glisser ses « convictions de service public » dans des chaussons aux couleurs du privé. Pas le premier, ni le dernier dans ce cas. Les multi-râteliers(fort bien formés pour être à l'aise et efficaces dans tous les grands écarts) sont nombreux. Donner son nom ? On ne tire pas sur un homme si pathétique. Même plus de colère contre ce genre d’individu sans scrupules. Plutôt une forme d’apitoiement. Contrairement à la trentenaire qui ne lui faisait pas de cadeau. Elle décortiquait sa trajectoire. Lui taillant un costard pour l’éternité avec sa veste tant de fois retourné qu’il ne sait même plus qu’elle est le vrai envers et endroit. Très drôle comment cette jeune femme le décrivait. Avec beaucoup d’humour. Mais aussi une grande lucidité. Et intelligence. Puis elle a taillé des costards à d’autres nés avant la honte. Certains ayant son âge.
Sa critique en creux de la mesquinerie et de la vanité des hommes (les femmes et autres genres dans le même panier). Rien de très nouveau dans sa parole ? C’est vrai. Néanmoins, ses propos apportaient un peu d’air frais. À cet instant-là, j’aurais ouvert ma bouche pour tenter de dire la même chose ; mon haleine aurait pué le vieux monde. Celui qu’elle mettait en pièces avec des arguments qui faisaient mouche. Sans doute pareille « halitose du vieux monde » si une femme de mon âge avait parlé. Ce n’était pas une question de sexe, d’origine, de milieu, etc. Juste l’âge du regard sur l’époque. Autant se taire et l’écouter avec mes oreilles nourries à la musique du vieux monde. Pour ne pas le regretter. En effet, je me suis régalé. Un festival de subtilités. Le monde d’aujourd’hui a de la chance de l’avoir, me suis-je dit. Et d’être habité et défendu par d’autres comme elle. Merci à cette bouffée d’oxygène mentale. Et à toutes les paroles qui disent mieux que moi ce que j’essaye de penser. Sans elles, je serai encore plus imparfait.
Tout est poétique. Le détournement d’un ado rêveur élevé plus par les poèmes d'Arthur Rimbaud que par des essais politiques. Pourtant dans des écoles d’une ville rouge sensible à tous les damnés de la terre. Grâce à la commune de Montreuil sous Bois que j’ai croisé l’immense poète de Charleville-Mézières ; il traînait dans la bibliothèque municipale avec une bande de fêlés qui me plaisaient bien. En quelque sorte des punks d’encre de leur époque. Déjà, la poésie et la fiction me paraissaient au-dessus de nombre de théories. En fait, le terme le plus adéquat est : ailleurs. Ni en dessous ni au-dessus des idéologies. Sur l’éternel bord. Dans la marge ou l’idéal - jamais mu en idéologie - et poésie pouvaient faire un bout de chemin ensemble. Avec quelques pavés communs dans la gueule des conventions. Un demi-siècle plus tard, ma position s’est confortée. De plus en plus enclin au poétique. Sans pour autant nier l’importance du politique
Et de celles et ceux qui s’en réclament et veulent représenter les autres. Pareil pour les journalistes et autres membres des médias. Eux aussi ont une grande importance en démocratie. Mais force est de constater que la sincérité des convictions (quel que soit le bord) est très vite étouffée sous le mouchoir de l’entre-soi et de l’ego. Certes – fort heureusement - pas tous et toutes malhonnêtes. Toutefois indéniable que le virus du buzz et du pouce bleu a pris un gros pouvoir sur la parole. La répercussion de ce qui est dit ou écrit devenant plus important que son sens. Ne parlons même de pas de la parole donnée qui n’engage que celui qui acceptera de la prendre pour, argent comptant. Au commencement était le verbe. Puis un jour est arrivé la Com. Elle a débarqué avec toute son équipe. Une arrivée avec une très grosse machinerie. Et la langue n'a plus été la même. Tout est désormais Com ?
Radotage de début d’année. Tout ça a été dit et redit. Et avec beaucoup plus de sens et de profondeur que dans un billet d’humeur. Ne plus radoter ni décliner en boucle des constats sans proposition de solution ; ça pourrait être une des résolutions pour 2025. Autrement dit : se taire de plus en plus. Ou signaler chaque radotage par un bip. Pour prévenir ceux et celles refusant d'écouter un disque rayé. Celui de notre radotage version grande impuissance. Celle de la majorité de la planète. Des milliards d’êtres se pressant à la fenêtre de leur écran, condamnés au voyeurisme. Quel que soit le filtre choisi pour prendre des nouvelles - souvent mauvaises - du monde. Des impuissants, des impuissantes, d’autres genres, qui ont très peu de marge de manœuvre. Même certains, plus puissants, ne peuvent pas faire grand-chose. Tant les nœuds sont désormais planétaires. Tous les êtres pris dans la même toile sombre. Celle du - bip radotage - fric à tout prix. L’un des grands obscurantismes de notre jeune siècle.
Combattre les intégrismes religieux n’est pas important. Il reste une priorité. Sans toutefois penser que les minorités d’intégristes et autres guerriers messianiques du siècle représentent la majorité des adeptes de telle ou telle religion. Tous les musulmans ne sont pas des islamistes assoiffés du sang des mécréants. Tous les Juifs ne sont pas des missionnaires de Dieu prêts au génocide d’une population pour occuper un « espace biblique ». Tous les chrétiens ne sont pas d’ignoble identitaires racistes et antisémites. Tous les bouddhistes ne sont pas … Se méfier des raccourcis que la « com diviseuse » a réussi à installer comme une réalité inamovible. Pour ça qu’il y a urgence à remettre Dieu à sa place. Où ? Pas au centre du village ni de la planète. Sa place est dans les têtes qui veulent l’héberger et les lieux de culte que ses adeptes ont choisi. Dieu chez lui. Avec ses proches. Pas Dieu chez tout le monde. En tout cas pas sous le toit des athées, des agnostiques ; sommes-nous la majorité de la planète ? Chaque être libre de sa vision du ciel. Avec ou sans Dieu au-dessus de son histoire. Libre aussi de choisir son remède contre la peur de la mort.
Mais Dieu est petit bras. En tout cas, face à CAC 40. C’est lui le plus fort. Divinité de la religion la plus dominante du siècle. Et déjà très implantée dans les précédents. Avec le même objectif : toujours plus de profit en un minimum de temps. Un dieu CAC gagnant. Chaque jour encore plus. Pourquoi plus performant en ce moment ? Car il a réussi à générer encore plus de divisions. Il fut une époque avec nettement moins de lignes de fractures. Dont l’essentiel des frictions était le rapport de force entre les pauvres et les riches. Les adversaires identifiables de part et d’autre. Et dont la possibilité aux pauvres de pouvoir se fédérer et lutter contre un adversaire identique. Bien ciblé. C’est fini tout ça. Les luttes sont devenus des niches. Moimadouleurmacommunauténousmoi d’abord Chaque combat mené par des « traders idéologiques » avec des parts de marché. Pendant ce temps, le Dieu CAC se frotte les dividendes. Réussissant à détourner le regard de ses agissements. Après celui des femmes ( plus vieux damnée de la terre), le principal écrasement reste celui des pauvres( de toutes les couleurs, sexes, etc). Le Dieu Cac a-t-il gagné le combat ? En partie. Transformant l’humanité en ressources humaines.
Néanmoins avoir perdu n’est pas perdre. Même si les nés avant la honte occupent bien le pouvoir. Des hommes et des femmes de tout âge, sexe, genre, couleur de peau, bord politique ; une minorité au service du Dieu gagnant. Avoir gagné ne veut pas dire gagner toujours. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas lâcher le gouvernail de notre jeune siècle. Bien que nos petites mains ne pèsent pas très lourd dans la direction du navire planétaire. Contrairement à quelques-unes en train de nous faire traverser une mer de sang et de plastoc mêlés. Pour accélérer notre arrivée contre un mur sans horizon. Nos petites mains ne pèsent en effet rien. Mais les ôter du gouvernail aura du poids. Celui de le laisser le navire planétaire à quelques mains destructrices du vivant sous toutes ses formes. Quelles que soient les difficultés, restons au gouvernail. Même sans se faire de grandes illusions. Mais notre miroir nous en saura gré. Ainsi que la jeune trentenaire critiquant les « né avant la honte ». Petites mains mais tête et cœur haut.
Utopiste ! Idiot utile de (rajouter le terme que vous voulez) ! Bisounours ! Bobos hors-sol ! Sans doute que ce billet peut générer ce genre de retour. Libre aux internautes de lire ce qu’ils veulent et d’exercer leur droit de critique. C’est le jeu de toute expression publique. Dans tous les cas, ça ne m’empêchera pas de vouloir rester le plus optimiste possible. Ne serait-ce que pour ne pas servir la soupe aux marchands du temple des idées creuses. Ni d’alimenter la caisse - déjà bien pleine – des vendeurs de pire de notre siècle. Replier son désespoir et ne pas l’afficher. Sans pourtant le nier. Mais tenter de le transformer. Chaque être désespéré de notre espèce a ses moyens et outils de transformation. Un chantier au quotidien. Avec première base : porter un masque sous sa peau. Pour ne pas inoculer son virus du désespoir. Ne jamais bousiller le rêve des autres qui ont envie de croire en notre putain d’humanité. Espérer encore malgré notre connerie humaine. Continuer d’être des « désespérés actifs » ?
Pour ma part, la politique - disons le spectacle affligeant de certains politiciens et autres personnalités publiques - est un sujet qui m’intéresse de moins en moins. Peut-être à tort. Au fil du temps, nombre de politiques, de journalistes, de penseurs, sont devenus un des multiples bruits de fond d’un monde bruyant d’ego et de nombrils. À mon petit niveau, je participe aussi à cette vaste confusion sonore. Un des milliards de membres de la confrérie du vide et du bruit pour dire « coucou, j’existe » dans le spectacle du paraître généralisé. Difficile d’y échapper ; surtout avec le fil à la patte de nos « boîtes à images » sans fil. Néanmoins, on peut faire des hiérarchies dans les choix de son histoire unique. Préférer offrir son regard et ses oreilles à tel ou tel spectacle (humain, paysages, livres, peinture….) plutôt qu’à d’autres. Un choix sans doute parfois égoïste. Mais plus de temps à perdre à écouter les « nés avant la honte » de tout bord. Chaque seconde de nos vies vaut plus que la parole et les calculs cyniques de certains, capable de tout puisqu’ils ne sont pas doués de honte. Le temps est le trésor de chaque solitude. Évitons de le brader.
Ma mine de survie est désormais poétique. De plus en plus à essayer d’exploiter ce filon à ciel ouvert qui nous est offert le temps du passage sur notre veille terre. Pour continuer de rêver, de douter, de se surprendre au coin de ses certitudes ; changer l’eau de mon regard sur le monde. Certes pas facile de nos jours. En une ère de brouillard mental. Plus toutes les horreurs et abominables dégueulés au quotidien de nos écrans. Malgré les difficultés, je continue de creuser. Avec mes petits outils solitaires. Continuant de tenter d’œuvrer. Même sur notre terre qui se fissure de partout. Jeune siècle déjà usé. Et dont l’horizon est saturé des mauvais traitement de notre espèce. Malgré tous les malgré, ne pas lâcher son outil.
Pour fouiller le chaos. Avec quel objectif ? Trouver l’or bleu. Et de toutes les autres couleurs qui apportent de la lumière poétique. Fouiller pour extraire le minerai de nos histoires passagères. Une extraction visible ou invisible. Celle de l’or de nos fêlures. Fractures individuelles ou collectives. Nos fêlures bleues, noires, rouges, vertes, blanches, multicolores… Autant d’histoires que de mode d’extraction de l’or de soi. Avec toujours un principe de base.
Extraire de la vie.