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Billet de blog 2 mars 2025

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Droit dans ses pinceaux

Naître libre c’est facile. On a rien rien à faire. Contrairement à vivre libre. Le cas de cet homme-pinceaux que j’ai découvert récemment. Un type libre à temps complet. On le sent à travers le cheminement de sa parole. Elle avance à son rythme. Un chemin ponctué sans doute d’égarements et hors sentier battu. Sans obéissance à une signalétique. Ses pinceaux incapables de marcher au pas ?

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Frédéric Brandon - Serial artiste (sans Bach / Carnets montreuillois) © Grégory Protche

Merci à G P, le raclo de la littérature

           Naître libre c’est facile. On a rien rien à faire. Contrairement à vivre libre. Dans certains pays, c’est une résistance. Avec risque de perdre sa vie. Ce n’est pas le cas de nos jours sous le ciel de France et d’autres pays du même genre. Même si parfois, on éborgne, arrache des mains, etc. Mais rien à voir avec d’autres pays du monde. Ici, la liberté s’apparente à un chantier. Rarement simple. Certains êtres ouvrent ce chantier. D’autres jamais. Ou de brèves opération « portes ouvertes ». Ce qui n’est pas le cas de cet homme-pinceaux que j’ai découvert récemment. Un type libre à temps complet. On le sent à travers le cheminement de sa parole. Elle avance à son rythme. Un chemin ponctué sans doute d’égarements et hors sentier battu. Sans obéissance à une signalétique. Ses pinceaux incapables de marcher au pas ?

            Certains de ses propos pourront choquer des oreilles. Sans les filtres contemporains. Un homme parlant avec l’accent du vieux monde. Ici et là quelques paroles à la mode Tonton Flingueurs ou Mozart. Pas que du très dur bu au petit-déjeuner par une Polonaise.  Parfois du «câlin » décliné avec une douceur dans la voix et le regard d’un vieux gosse qui connaît le prix de ce qui ne reviendra pas ou rarement. La tendresse des hommes qui éteignent la lumière pour chialer ou se camouflent derrière l’humour pour ne pas éclabousser leurs contemporains. Toutefois important de rappeler qu’un être ne se réduit pas à quelques phrases. Sauf pour les raccourcisseurs d’histoires, et autres colleurs d’étiquettes. De plus, la vulgarité n’est pas toujours qu’au bout de l’index moralisateur. Nombre d’arbitres des élégances sont de grossiers personnages de l’âme. Chaque autre est souvent plus complexe que le scan de notre éducation. Et de nos à priori. Tournez sept fois son regard dans ses paupières avant de juger l'autre.

           Pourquoi les mots de ce type me touchent ? Sans le connaître. Si ce n’est à travers cette vidéo et son boulot. Une parole qui me touche donc bien sûr par sa liberté qui peut être dérangeante. Irréductible. Sa gouaille de titi parisien se trouve dans mon ADN urbain. Touché aussi, parce que nous partageons une relation similaire à cette ville de Montreuil. Celle où son grand-oncle – médecin résistant – ouvrit une salle de boxe mythique. Des hommes et des femmes avec des couilles et des ovaires pour défendre l’essentielle, encore elle, toujours elle : la liberté. Je crois que, outre sa propension à rester libre, ce qui m’a séduit dans sa parole, c’est une forme de simplicité. Ce que d’aucuns confondraient avec le simplisme. Sûrement les mêmes persuadés qui ne font pas de différence entre compliqué et complexe. Ce qui n’est pas son cas. Pour lui, nul besoin de circonvolution ou tortillage sémantique pour parler de la vie, de l’art, etc. Un mec simple.

           Parmi les huit milliards de sacs de nœuds à ciel ouvert. Toutes ces fourmis sans ailes expulsées du paradis amniotique pour venir se cogner aux murs de la réalité. Et de sa grande patronne universelle : la mort. Celle qui nous fout la trouille. Certaines chairs mortelles plus inquiètes que d’autres. Came, alcool, religion, isme de tout bord, yoga, écriture, peinture, musique, danse, boxe, alpinisme, frime, sexe… Une liste non-exhaustive des rustines disponibles contre la peur de crever. Elles n’empêcheront pas la crevaison finale. Mais nous aide à rouler, même sur la jante des cœurs meurtris. Bref, on fait comme on peut après sa première expulsion. Toutes proportions gardées, toutes et tous des exilés d’un ventre. Comme lui. Avec sa rustine colorée. Juste un mortel imparfait face au monde. Et aux humains. Les trouvant souvent cons. Désespéré de ses semblables. Et toujours un grand amoureux de l’humanité.

         Présente dans la lumière de son regard. Un type qui ne veut pas lâcher l’essentiel. Encore là, elle. Impossible de faire un pas sans qu’elle ne se rapplique. Il ne veut pas lâcher sa liberté. Visiblement pour lui plus importante - il l’évoque dans la vidéo - qu’un mur et des pierres ou du fric. Facile à dire quand on est un grand propriétaire comme lui. Il cache bien son jeu. Propriétaire de la beauté et de l’éphémère. Sans l’oublier elle, inutile de rappeler son nom - inscrit ici et là par un certain Pablo Neruda. On sent qu’il a besoin de tous ces éléments - souvent impalpables - pour rester debout. Et continuer d’avancer, reculer, avancer encore… Shadow boxing avec ses ombres et fantômes. Dans le ring de son atelier. Parfois, les cordes s’effacent.

        Le ring se transforme en piste de danse. Pas n’importe laquelle. Une immense piste de danse en orbite autour du soleil. Guère un lieu pour un désespéré ? Au contraire. Son désespoir joyeux ne l’empêche pas de danser sur le chaos. Le sien et celui du monde. Danse de l’homme et du peintre. Au rythme des doutes et interrogations. Sur la musique du grand Bach. Prénom Jean-Sebastien. À ne pas confondre avec les sirènes deux tons de la BAC. Leur philharmonie mobile a débuté ses concerts en 1971 notamment en terre séquano-dionysienne. Avant des tournées en province.

        Fin de digression ? Non. Une nouvelle digression avec un mot en trois syllabes. Très raccord avec notre époque. Confusion. Prononcer ce vocable avec un silence entre la première et deuxième syllabe. Nous voici avec deux mots. Difficile aussitôt de ne pas penser à la fusion des cons. Et s’interroger sur la connerie qui fusionne. Avec toujours des questions récurrentes sur : qu’est-ce qu'un con, une conne, ou d’un autre genre ? Chacun et chacune aura sa définition. En général le con ou la conne, c’est toujours in fine l'autre ne pensant pas comme moi. Banale classification. De plus, elle est rassurante. Les mauvais sont d'un côté. Bien repérés. Et les bons toujours de son côté.

       Parfois, dans cette confusion que nous alimentons de notre propre connerie égotiste, on découvre une belle surprise. Tout n’est pas foutu. Notre espèce mourra, mais de connerie lente. On tombe sur un article ou une voix pensant plus loin que son pré-carré mental et de ses obsessions. Ma dernière belle surprise est ce type. Un homme de 80 ans avec des initiales très numérique : FB. Mais pas le genre à se laisser engluer dans une toile. Sauf celle qu’il a choisi de peindre. Une sorte de « ferrailleur des émotions » récupérant ici et là des bouts d’être pour tenter de leur redonner vie. Offrir un panthéon à l’indicible de chaque traversée humaine jusqu’à sa nuit ultime. Des hommes, des femmes, autres genres, des gosses, nous lançant une invitation. Pas nécessairement des artistes et des personnalités publiques. Mais tous ces êtres avec un point commun.

       Des porteurs d’une invite à se remettre en question. Sortir de sa zone bien balisée. La signalétique de Papa-Maman, le reste de la famille, les autres proches, les copains et copines de classe, les profs, les artistes, les journalistes, les religieux, les istes de tout bord, les psys, et de tous les autres influenceurs et influenceuses autour de son histoire. Pas facile de quitter tous ces enfermements plus ou moins doux. Quand tu aimes, il faut partir écrivait un poète pesant 80 kilos. Nul besoin d’un billet d’avion. Parfois, juste s’extraire de soi. Balancer toutes les injonctions et, à l’instar d’une autre solitude libre, faire son virage à 80 à tout âge. Cesser de baliser.

         Toutefois pas une obligation de vouloir s’extraire de soi. Mais pour certains êtres, un acte mental qui est vital. Besoin de créer des brèches inédites dans les murs et murets entre soi et l’horizon. Pas uniquement un chantier d’artistes. Toutes sortes de gens ressentent le besoin d’ ouvrir les fenêtres de leur tête pour l’aérer. En quelque sorte un nettoyage de printemps de ses neurones. Changer l’eau de son regard sur le monde. France Culture à la poubelle. Même geste pour Mediapart, Libé, le Monde, l’Obs, le Point, etc. Sans oublier ses chaînes de télé habituelles. CNews et BFM au vide-ordures. Dans la foulée, balancer aussi Twitter ou Mastodonte, son Instagram, sa page FB, etc. Incroyable tous ces fils auxquels nous sommes reliés. Certes pas toujours des laisses. Nous ne sommes quand même pas menottés.

       Néanmoins, au fil du temps, ne finit-on pas par se laisser guider dans la direction de nos « maîtres et maîtresses à penser » ? Si ma radio préférée l’a dit, je n’ai même pas besoin de réfléchir et questionner plus loin. Suffit de faire confiance  à cette voix familière et à domicile. Tout le prêt à penser que nous bouffons au quotidien. Souvent, des infos intéressantes qui nourrissent nos têtes. Mais susceptibles aussi de nous faire ronronner. Comme de bonnes pantoufles mentales. Prendre ou non ma dose d'actus ce matin ? Une question qu’on peut se poser avant d’ouvrir sa radio et son ordi. Pas longtemps. S'interroger c’est déjà faire un pas de côté. En quelque sorte se « délaisser ». Puis, après un instant en suspens, se déplacer. Pour se rapprocher de la fenêtre. Pas celle de l’écran. La fenêtre sur soi.

       Et là, que découvre-t-on? La confusion. Celle du monde bien installée sous sa peau. Avec des espèces de petits mouchards disséminés un peu partout ; la plupart du temps avec notre consentement. Rien de nouveau sous le ciel des sacs de nœuds nommée humain. Guère un scoop. Mais changer de fenêtre nous plonge dans une autre confusion que celle du monde. Avec une multitude de trous noirs sur la voûte de notre crâne. Avec bien sûr les étoiles de la voie lactée. Pas que de la nuit noire et triste dans nos têtes. Aussi de la joie et matière grisée. En fait, un paysage fort intéressant. Entre autres, parce qu’il est unique. Et éphémère. Comme la beauté. Et le temps qui ne repasse pas.

         Un ciel intérieur qui vaut le détour. Même si, de temps à autre, on aperçoit des ombres. Pas toujours à notre honneur. Nos fantômes peu recommandables. II font partie de notre papier peint mental. Certains refusent de faire cette visite seule. On peut le comprendre. Le voyage intérieur n’est pas si simple. Pourquoi pas prendre comme guide un psy un ambassadeur de telle ou telle religion. On peut aussi trouver d’autres accompagnateurs ou accompagnatrices. Chacun et chacune libre de la visite de son intérieur.

       Pour ma part, j’opte de plus en plus pour la poésie. Avec des lectures au quotidien. Parfois plusieurs fois par jour. Comme une espèce de gym du cœur et du cerveau. J’y ajoute souvent la musique. Toutes sortes de sons. De moins en moins d’infos France Inter-Culture, de plus en plus de France Musique. Avec bien sûr de très longues plages d’absence de bruit. La planète en orbite sous silencieux. Pour se consacrer à sa solitude en voyage immobile. Certes, un régime de nanti. Une grande partie  de la planète- sous les bombes ou écrasés différemment - ne bénéficie pas de ce luxe. Surtout le silence.

         Une denrée qui se faire rare. Encore plus en une ère de grandes gueules (j'en fais parfois partie, même si j’essaye de me soigner du « désir pathétique d’occupation du centre » ).  Tas de molécules fébrile persuadé que son existence, son travail, ses déplacements, ses opinions, sont essentiels pour l’ensemble des contemporains. Comment sortir de cette course au « bruit de soi » ? Que faire pour cesser certains de nos bavardages sans grand sens ? Comment retrouver la puissance de l’écoute sans commentaire ? Des questions que se posent des internautes. Certains coupent le maximum de fils-laisses numériques. Un premier pas.

         Au fond, le souci n'est pas ces fils de la toile autour de nos histoires. Le numérique est une aussi belle avancée que Gutenberg. Certes avec beaucoup de défauts pour l’instant. Sans doute que ce nouvel jeune outil se bonifiera au fil des époques. Laissons-lui un peu de temps. Si ce n’est pas le numérique le souci ; où est le problème ? Très près. Encore plus. Dedans. Un souci prometteur. Pourquoi ? Parce qu’il va nous obliger à chercher des réponses. Et après, les avoir trouvées, se remettre au boulot. Dans quel but ? Retrouver un goût au pluriel. Et essentiel. Vital pour les cherche-liberté.

Le goût de la joie.

Du doute.

De la question.

De l’ivresse.

De sa connerie.

De sa poésie.

De ne pas savoir.

De chercher.

De tâtonner.

Le goût de etc.

Et de...

Coupez !

On ne la refait pas.

Pourquoi ?

Dépassé largement le taux de digression.

Le titre ne me plaît pas.

Pourquoi ?

Ce peintre n’est pas toujours droit dans ses pinceaux. Souvent une démarche bancale. Il a l’air de souvent tituber. Sans doute aussi sous sa peau.

Bancable sans le second b.

Je ne comprends pas.

Ça peut-être un titre.

Je trouve ça mauvais.

On verra après.

Quelle musique pour le générique de fin de digression ? 

Pau Casals: Bach Cello Solo Nr.1, BWV 1007 (8.1954) © win081

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