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Billet de blog 3 janvier 2025

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La conquête de l'élégance

Le temps ne gagne jamais. Pas non plus de défaite. Il n’est pas en guerre. Ni en paix. Il avance au fil de lui-même. Imperturbable ligne droite. Son activité est non-stop. Avec un chantier sur chaque être vivant. Qui qu’on soit. Et où qu’on soit. Un chantier ouvert du premier souffle jusqu’à la fermeture des paupières. Quel degré de gâchis de chair-temps lié à notre espèce ?

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                Le temps ne gagne jamais. Pas non plus de défaite. Il n’est pas en guerre. Ni en paix. Il avance au fil de lui-même. Imperturbable ligne droite. Son activité est non-stop. Avec un chantier sur chaque être vivant. Qui qu’on soit. Et où qu’on soit. Un chantier ouvert du premier souffle jusqu’à la fermeture des paupières. Avec une construction des saisons pour chaque individu. Jusqu’à la dernière. Personne n’aura plus que sa part de temps dévolue à son histoire. Sauf peut-être pour les êtres croyant à un au-delà avec rallonges d'éternité. Mais pas sûr du tout qu’il y ait du rabe au ciel. Revenons au plancher des vaches éphémères. Et au gâchis de temps.

          Autrement dit de la chair.  Les deux sont indissociables. Toute chair tuée ou blessée volontairement est du gâchis de temps. Les accidents aussi ? Certes, mais il n’y a pas de volonté d’arrêter l’œuvre du temps. Il aurait pu continuer, plus ou moins longtemps. Une érosion seconde par seconde. Mais la folie humaine en a décidé autrement. Elle a brutalement  arrêté le cycle d’une histoire en cours. Balayant d’un geste violent et criminel le processus naturel de l’existence. Rien de nouveau. Notre espèce a un long passé de destruction de ses semblables. En plus de tout ce qui est vivant sur la planète. Pourquoi en parler puisque tout le monde le sait ? En effet, pas un scoop. La machine à destruction tourne en flux tendu. Encore un enfonçage de porte.

            Faire semblant de rien ? Non ; il ne s’est rien passé lors de mon passage sur notre vieille terre bien usée. Ou uniquement des belles choses. J’ai traversé l’époque sur un tapis de roses. Sans doute vrai que certaines et certains ont été préservés de la folie contemporaine et de tous les écrasements. Tant mieux pour elles et eux. Pour autant, être privilégié n’empêche pas de vivre avec les yeux ouverts sur l’autre. Pas que nos clones - plus ou moins - heureux partout sur la surface du globe. Ici et là, des visages de gosses tordus de souffrance, les yeux bouffés par la faim, la trouille, et l’appréhension d’un nouveau pire. Sous le ciel carnassier, des silhouettes en ruines. De toutes les tailles. Elles vont et viennent sur les plaies de leur territoire dévasté. La douleur de monde dans le miroir du siècle.

              Des hommes vont l’augmenter. Et ils ont le pouvoir de le faire. Certains sont élus. D’autres non. Mais tous avec un point en commun : des êtres visiblement pas venus au monde pour l’améliorer. Ni ne pas rajouter au pire déjà enraciné. Au contraire. Débarquant sur terre pour inscrire leur signature-trace dans la boue. Avec bien sûr le sang des autres et de la division. Que de gens de pouvoir à augmenter la douleur du monde ? Non. Mais les dégâts des « destructeurs sans bras long » sont plus circonscrits. Même si ce n'est pas négligeable. Des destructeurs de proximité. Contrairement à celles et ceux ayant une force de frappe destructrice. Ils peuvent frapper à distance. Sans le moindre risque pour eux. Télécommandant le chaos de leurs abris. Avec une découpe de la planète au gré de leur volonté. Et du gain potentiel. Peu importe le prix humain et environnemental à payer. Ils marquent notre siècle de leur empreinte mortifère.

            Loin de la superbe signature-trace de mains multimillénaires. Où se trouvent ces empreintes ? Des signatures sur des parois de grottes. Ces traces nous faisant rêver quand nous étions gosses ; les yeux grands ouverts devant nos bouquins d’histoire. Des gravures qui continuent de fasciner certains vieux gosses. Conscient de cette belle transmission à travers les temps. Des mains anonymes nous léguant la beauté et le témoignage d’un geste de l’ombre. Une œuvre souvent solitaire. Puis passé de regard en regard. Avant qu’une autre main ne rajoute un peu plus loin sa signature-trace. La première flamme olympique de l’humanité est-elle partie d’une grotte ?

               Sortons de l’ombre pour la lumière. Conquérir les étoiles ne semble pas nous élever. Déjà par la terminologie. Après le colonialisme sur terre, celui du ciel. Jamais les étoiles n’ont cherché à nous conquérir. Si ce n’est à travers leur beauté immobile et parfois fugace. Le pire de notre espèce n’a pas dit son dernier mot. Désormais, il a de nouveaux visages. Et une technologie de pointe. Avec une capacité de destruction jamais égalée. En quelques clics, l’équivalent de morts, de blessés, sur plusieurs siècles. Cette capacité de destruction peut être dirigée dans un autre sens. Les mêmes outils pouvant servir à construire, guérir, reconstruire. Quel sens allons-nous prendre ? Notre espèce réussira-t-elle à conquérir l’élégance ? 

               Pour l’instant, c’est mal barré. Au regard des fêlés (sans la lumière de la citation) qui président aux destinées de la planète. Des obscurcisseurs de présent et d’horizon. Pourquoi un tel désir d’instaurer partout de la division et de la confusion ? Nul besoin d’avoir fait de grandes écoles pour affirmer que c’est pour engranger plus encore plus et conserver le plus longtemps possible leur pouvoir. Même scénario récurrent depuis des siècles. Avec une différence contemporaine. Laquelle ? Jamais les puissants n’ont eu une telle puissance de nuisance planétaire. Avec à la clef la destruction de notre espèce. Avant même sa date de péremption.

Soudaine présence.

        « Hé, M’sieur ! ».

 Coup d’œil à droite et à gauche. Personne. Sans doute les effets des bulles du duo de réveillons arrosés. Et la fièvre de la crève.

       « Hé, M’sieur ! ».

Toujours personne.

        « Qui vous êtes ?».

  Silence.

       « Je ne suis pas encore.»

       « Comment ça ?  »

       « Je ne suis pas encore né.  »

      « Quoi ? «

      « Je ne suis pas né, mais j’arrive cette année. »

     «  Ça suffit ces conneries ! ».

      «  Vous énervez pas. C’est bien la vérité. Mais pas d'inquiétude, M’sieur.  Je vais pas trop vous prendre de temps. »

     Silence.

       « Qu’est-ce-ce qu’il me veut le pas encore né ? »

       « C’est juste votre histoire du monde. Celle que vous venez de raconter.»

       « Qu’est-ce qu’elle a ? »

      « Franchement, elle est moche. »

      « C’est pourtant bien la vérité aussi. »

     « Mais quand même... ».

    « Tu veux que je t’en raconte une autre ? »

      « Non. »

        « Tu veux quoi, alors ? »

Silence.

      « Que vous construisiez une autre histoire. »

Soudaine absence.

       « Tu es encore là ? »

Pas de réponse.

Que faire ?

Au boulot 2025 !

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