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Billet de blog 3 mai 2015

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Avec vue sur le doute

Certains de nos concitoyens intelligents sont parfois désespérants. Surtout ceux qui, par excès d’égo, sont prêts à tout pour briller à une heure de grande écoute. Mentir ou sortir des conneries juste pour faire le buzz. Même à brûler ce qu’ils ont encensé pour se mettre à louer leurs ex-ennemis. Tout et son contraire pour exister médiatiquement. Souvent pathétique. Surtout pour des gens considérés comme notre élite intellectuelle.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Certains de nos concitoyens intelligents sont parfois désespérants. Surtout ceux qui, par excès d’égo, sont prêts à tout pour briller à une heure de grande écoute. Mentir ou sortir des conneries juste pour faire le buzz. Même à brûler ce qu’ils ont encensé pour se mettre à louer leurs ex-ennemis. Tout et son contraire pour exister médiatiquement. Souvent pathétique. Surtout pour des gens considérés comme notre élite intellectuelle.

Changer d’avis, se débarrasser de ses œillères, me semble nécessaire. Vital pour sa santé mentale et celle de son entourage que de se contredire, penser contre soi même. Se remettre en cause. Pas une raison pour replonger à corps perdu dans une nouvelle geôle idéologique. Se re-fermer.

 N’en déplaise à quelques-uns de mes amis, je  ne suis pas Charlie et ne le serai jamais. Déjà très difficile d’être moi, souvent en conflit sous mon crâne. Mais entièrement d’accord avec  Caroline Fourest, Philippe Val, et de nombreux autres, pour le droit au blasphème intégral. Charlie Hebdo, que je lis depuis longtemps, n’est pas un journal raciste. Juste dérangeant. Et tant mieux ! Préférable d’être dérangé qu’anesthésié.

Pourtant ces deux journalistes, cultivés et intéressants (même si je ne partage pas toutes leurs opinions), sont en train de basculer dans une forme de certitude volontaire. Sûrs de détenir la vérité, notamment sur la laïcité. Toute parole, contraire à leur, devient plus que suspecte. D’accord avec eux ou du côté des barbares. Je suis Charlie ou terroriste musulman potentiel. Quand on veut noyer son chien, on l’accuse d’avoir la rage. Aujourd’hui, pour noyer médiatiquement son contradicteur,on l’accuse de complotiste. Fin du débat.

 Pourquoi des êtres aussi brillants et pétris de culture s’enferment de plus en plus ? Un excès d’égo ? Des règlements de compte avec l’enfance ? Dégueulent-ils des couleuvres avalées pour en arriver là où ils en sont ? Issus peut-être de milieux populaires, ont-ils dû singer les « dominants » des sphères médiatiques et culturelles ? Le « racisme de classe », invisible, peut faire de gros dégâts sur des êtres ambitieux mais fragiles. La Culture ne colmate pas toutes les blessures narcissiques. Bref, Caroline Fourest et Philippe Val  dans leur "croisade laïque " sont-ils sincères ou manipulateurs?Les deux ? Seuls leurs miroirs ont la réponse.

 Bien sûr, personne n’est tout blanc ou tout noir. Chaque individu a sa dose de petites ou grandes lâchetés, mauvaise foi, perversions, mesquineries… La femme et l’homme idéal est un leurre. Même si, avec les outils dont nous disposons, on peut essayer de s’améliorer. Se sortir les doigts de son nombril. Un gros boulot, surtout à notre époque de « je suis mon image ». Quoi que, depuis la nuit des temps, l'individu est un chantier complexe. Capable du pire et du meilleur. Chacun est un sac de nœuds à ciel ouvert.

 Cependant, à l’heure où les fachos à barbe, où en tailleur et tenue DPS sur la place de l’Opéra, nos élites pourraient essayer de balayer devant leur égo gros comme la géode. Cesser de se chercher des poux pendant que d’autres, en face, travaillent méthodiquement à briser les fondamentaux de la démocratie. Fourmis très travailleuses au service de la haine. Avec les massacres du mois de janvier, les barbares ont prouvé leur volonté de nous empêcher d’être libres. Leurs alter égo, brisant la porte d’un hôtel pour agresser des femmes armées de leurs seins, annoncent – toutes proportions gardées –  des  "Nuits de Cristal" dans  notre  Douce France. Pas le feu au lac? Non le feu est sorti du lac.

 Bien sûr, il ne s’agit pas de niveler par un consensus mou. Empêcher le conflit. Les castagnes intellectuelles, de bar,  ou à la radio et la télé, sont importantes. Sans polémiques,  pas de progrès, ni  de réflexion. Heureusement que de nombreux intellos, tels Bernard Stiegler, Edgard Morin, et d’autres - connus ou inconnus – nous nourrissent de questionnements. Eux aussi ont bien entendu leur travers. Mais quand on les lit et les écoute, on a l’impression que leur nombril passe après leur cerveau. Pas là pour s'écouter penser.

D’autres citoyens, « non intellos », permettent aussi d’alimenter notre  machine à être moins con. L’intelligence n’est pas le monopole des diplômés. Suffit de regarder la télé, écouter sa radio, ou lire la presse écrite pour s’en rendre compte. Les diplômes n'augmentent pas le nombre de neurones. Mais ne les réduisent pas non plus.

 En tout cas, nos (peut-être pas le bon terme) penseurs doivent continuer de ferrailler intellectuellement. Ne pas tous penser dans le même sens. Baston de conviction contre conviction. Pas uniquement des querelles d'ados pour  savoir qui a  le QI le plus grand. Ou celui qui pense le plus loin.

    Sans doute utopique de croire que de "grandes personnes", intelligentes,etc, seront capables de se comporter autrement qu’en sales gosses. Des gosses dont la parole, contrairement à celle de la majorité de leurs concitoyens, portent loin et a une grande portée. Voix plus écoutées que l’instit, l’imam, le rabbin, le curé, le médecin, le psy… Vu à la télé balayent toutes les religions et les sciences. Se rendent-ils compte de leur influence sur l'inconscient collectif ?

 Plus ils parlent, plus on aime le silence. Cesser de les voir s’agiter comme des affamés autour d’une table bien garnie. Ne plus s’enivrer  de leurs certitudes – certes parfois sincères. Fermer le bouton de sa radio où de sa télé préférée, déconnecter des canards en ligne. Bref, oublier un instant ces « chacun mon tour » qui font mumuse en direct ou en différé. Pas hors du monde. Mais dans leur monde. Attablés autour du même plat de buzz sauce narcisse.

 Après tout, personne nous oblige à  regarder leurs parties de jeux d’égo. Il suffit de détourner les oreilles et les yeux. Pour les plus accros, y aller par étape. Au début de la cure, ce ne sera pas facile du tout. Souvent des périodes de rechutes. Vite une dose de clash ente tel et tel bon client des médias. Mais, passé la période de sevrage, nous découvrirons ou redécouvrirons tant de belles choses. Des pépites oubliées sur un coin de table.

Une chambre avec vue sur le doute.

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