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Billet de blog 3 mai 2024

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Les Cherche Aube

Le monde tourne dans le sens des aiguilles d’une horloge déréglée. Bien sûr, la planète subit le rythme du dérèglement climatique. Chaque jour et nuit. Et le dérèglement du climat à l’intérieur de soi. Dans cet espace, situé entre les oreilles, qui est incroyablement fertile; si on cherche à le cultiver. Des semences-rencontres pour de belles récoltes ?

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Illustration 1
© Champ à l'aube, de VIncent Van Gogh

« Ce n'est pas la vache qui beugle le plus fort qui a le plus de lait. » Proverbe irlandais

                   Le monde tourne dans le sens des aiguilles d’une horloge déréglée. Bien sûr, la planète s’essouffle au rythme du dérèglement climatique. On peut le nier. Mais il ne s’effacera pas pour autant. Le compte à rebours est désormais entamé. La direction du voyage de notre espèce, c’est toujours la même : le mur. Avec une question que qui se pose à chaque être humains et aux huit milliards de passagers de la planète. Nous, les animaux réputés les plus intelligents, serons-nous capables de mettre le pied sur le frein ? Ne serait-ce que pour ralentir notre course. Gagner un peu de temps pour jouer les prolongations, profiter de soi, des êtres aimées, de la beauté sous toutes ses formes. La réponse se trouve sous nos pieds. Avec nos freins individuels. Qu’allons-nous faire : continuer d’accélérer ou de freiner ? Quelle que soit notre décision, le vrai changement ne peut s’opérer sans eux. La minorité de pieds sur le frein des dirigeants du monde. Freinage à suivre…

        Le dérèglement n’est pas qu’au-dessus de nos têtes. Il est aussi ailleurs. Où ? A l’intérieur de soi. Dans cet espace, sous les crâne, qui est incroyablement fertile; si on cherche à le cultiver. Avec toute sorte d’outils de jardinage de soi. Certains et certaines s’y attellent et passent du temps à cultiver ce territoire unique et éphémère. Pour y cultiver leur histoire. D’autres, au contraire, ont tendance à le laisser en jachère. Dans ce cas, tôt ou tard, des individus viendront y planter leurs propres semences. Plusieurs d’entre elles vont germer peu à peu pour vous offrir un grand enrichissement intérieur. Les semences qui nous élèvent. Elle proposent plus de questions que de réponses et nous obligent à penser plus haut que nos bas instincts. Avec un éclairage sur les raccourcis menant à des impasses. Elles apportent aussi de l'aide face à l’une des trouilles essentielles de chaque souffle vivant : sa disparition. Sans oublier leurs invitations à visiter la beauté, proche ou lointaine. Des semences-rencontres pour de belles récoltes intimes. Dans un jardin planétaire.

         Quels sont ces jardiniers qui viennent enchanter le territoire sous votre crâne ? Un père, une mère, un ou une instit, un ou une prof, un ou une amante, un ou une amie, un ou une artiste, un ou une psy, un ou une représentante d’une religion, un ou une voisine de comptoir, un ou une journaliste, un ou une coach, un une poète… Des êtres de tout sexe, genre, couleurs, origines sociales, qui, si vous acceptez de les accueillir sous votre toit de chair et d’os, vous ouvrent sur le monde. Et sur vous. Rares celles et ceux n’ayant pas rencontré ces laboureurs d’âme. Quel est leur but ? Nous aider à cultiver notre histoire.

        Autour de nous ne se tisse pas que de belles rencontres. Il y a aussi les destructeurs de bio-diversité sous la peau. Des semeurs de pollution mentale. Nulle intention pour eux de partager avec vous les fruits de leur connaissance. Ni de vous aider - si vous le souhaitez- à transformer votre champ mental en jachère en un lieu dont vous deviendrez le seul jardinier, même si vous pouvez en inviter d’autres pour œuvrer avec vous. Leur but est tout le contraire. Ces destructeurs – camouflés souvent derrière un masque de jardinier- ne veulent surtout pas que vous preniez possession de votre histoire. Au contraire. Ils (elles, et tous les genres) feront tout pour vous plonger dans la confusion. Et une nuit sans fin ni espoir de l'aube. Que vous restiez figés dans une forme de brouillard où ils pourront vous manipuler. Quels sont leurs principaux outils. La division, la haine, le mépris, la pensée courte, les fake news, l’huile sur le feu, l'insulte, les coups, la négation de l'autre… Une liste non- exhaustive. Quel est leur objectif ?

        Nuire pour engranger. Sans se faire repérer. Très malins, ils savent se glisser dans le corps de la moindre colère - légitime - qui passe sous leur fenêtre et, à l'intérieur, de tout faire pour la diriger contre une autre colère tout aussi légitime. Si vous allez mal, c'est à cause de... Vous ne le voyez pas ? C'est un pauvre ? Il est comme vous ? C'est vrai, mais pas tout à fait comme vous.  Les embrouilleurs de cerveaux ont toujours le même objectif : rajouter du brouillard à l’obscurité actuelle. Comment opèrent-ils ? Avec notamment la fidélisation à leurs chaînes de télé ou de radio, des pouces levés ou baissés en meute sur la toile, un bulletin de vote à leur nom, des index dirigés sur des « autres différents de soi » à abattre », pousser à tuer au nom d’une religion qu’ils ont pris en otage, asservir les femmes (la plus vieux bouc émissaire de l’humanité), massacrer pour quelques dividendes de plus ou-et- un territoire à agrandir, détruire la planète pour toujours plus… En un mot : des semeurs de divisions et étouffeurs de liberté. Comment reconnaître les destructeurs de biodiversité mentale ? C’est le travail de toute une vie.

          Comme de ne pas devenir une de ces ordures manipulatrices. Nul n’est à l’abri de devenir le pire qu’il dénonce parfois en boucle. Le salaud, la pourrie, l’ignoble, la manipulatrice, l’enfoiré, la cynique, le pervers ; ce n’est pas toujours que l’autre. Le temps qui fatigue le corps, les échecs, les frustrations, le manque de reconnaissance, la maladie, et d’autre cabossages de notre histoire, peuvent complètement nous faire tourner le dos à nos convictions et nos rêves. J’en vois ici ou là qui ont fini par basculer. Des personnages publics ou des proches. Mortel imparfait, il m’est arrivé aussi de basculer. Et ça peut m’arriver à nouveau. Conscient de mon imperfection, j’essaye donc d’être le plus vigilant possible. Comment ? Déjà en essayant de ne pas céder à à la facilité offerte par notre ère où les juges, les procureurs, les donneurs et les donneuses de leçons, les arbitres des élégances uniques( les leurs), les j’ai raison et toi tu n’es qu’un ou une.. ., ont le vent en poupe. Très facile, quand la réalité nous asphyxie, de se laisser aller vers tel ou tel raccourci rassurant et pas loin de son toit. Se barricader et fermer sa porte au doute.

          Accepter de céder aux caprices de toutes ces certitudes. Fermer les yeux et les oreilles par paresse ne plus critiquer sa famille de pensée ; après tout, puisque chaque camp à sa part de pourriture, autant rester au chaud dans celui qu’on connaît le mieux et qui nous connaît. Je suis si fatigué et il y tant de bruit autour de ma tête. Quel voie suivre dans le chaos quotidien défilant sur mon écran ? Lui ? Elle ? Eux ? Je suis si fatiguée… Pourquoi pas suivre le dernier mot le plus bruyant. On l’entend de loin. Il a net-tement plus de coffre que le mot – discret et subtil - faisant douter et semant des interrogations sans réponses immédiates d’un clic. Tendre l’oreille à travers le brouillard sonore n’est pas un exercice aisé. Encore plus difficile de nos jours et nos nuits ou deux B ont prit le pouvoir : bruit et buzz.

       N’importe quelle grande gueule, équipée de bons outils numériques, pourra occuper le centre, aimanter une foule, et faire croire que sa parole – je dis tout haut ce que les autres pensent tout bas et n’osent pas dire - est sincère. Nous avons nombre d’exemples, dans les médias, les transports, à sa table ; partout où circule la parole. Les grandes gueules ont-elles gagné ? Oui. Elles ont gagné la bataille du bruit éphémère. Mais leur son ne fait illusion que le temps de leurs gesticulations sonores. Tôt ou tard, la morgue des grandes gueules finit par se dégonflent. Bien sûr, elles reviennent toujours en période de crise et de conflits. Néanmoins, pendant leur absence, d’autres mots occupent peu à peu le terrain. Pour une parole sincère. Et pas uniquement habitée par la sincérité. Une parole avec du sens.

          En attendant, les grandes gueules et autres pollueurs font beaucoup de dégâts. Sous tous nos crânes. Principalement sous les têtes les plus fragilisées -pour toutes sortes de vraies raisons. Prêtes à tomber dans les bras de n’importe quelle nuit. Pourvu qu’elle leur promette un réveil avec la réalisation de leurs rêves. Dors, je m’occupe de la nouvelle aube. Des femmes, des hommes, d’autres genres, des jeunes, des vieux, ferment les paupières et s’endorment. Le cœur et la tête usés en attente de plein d’espoir et de promesses. Demain, ça ira mieux avec moi et mon équipe à votre service, leur chante la voix si apaisante. Les têtes s’endorment avec un sourire au coin de leur avenir. Dès leur réveil, elles se rendent compte que la voix diseuse de beaux lendemains n’est qu’ un cauchemar déguisé. Seuls les visages de leurs écraseurs d'horizon ont changé. Leur impuissance renouvelée debout café-clope face à la fenêtre. Des larmes dans les yeux et une colère sincère. Toujours englués dans le rôle des dindons de la farce récurrente des promesses non tenues. Le monde dur et injuste qu’ils et elles subissent n’a pas changé. Et en plus l’aube à disparu.

         Quelle est la solution ? Sans doute pas qu’une seule. Chaque solitude en détient une part. Comme le fameux frein ralentisseur. Une chose est sûre, les destructeurs sous nos crânes ne sont présents que parce que nous leur abandonnons nos cerveaux en jachère. Tout n’est pas que de la faute de « pas soi ». À chacun et chacune d’entre nous nous de ne laisser entrer que les jardiniers qui enchantent nos esprits. Certes pas toujours facile. Surtout quand chaque journée est un chantier de survie, avec le frigo comme seul rêve. Plus facile le jardinage loin des huissiers et de l’électricité coupée. Toutefois important de rappeler que vérifier qui entre dans son histoire, c’est vital. Pour soi, ses proches, ses lointains. Et le monde qui mérite mieux qu’une nuit amputée de son aube. La solution, c’est d’abord soi, soi, et l’autre. Rester toujours du côté des regards qui cherchent l'aube. Même quand le nuit mirage réussit à nous leurrer. L'aube c'est soi. Et chaque solitude. Huit milliards sur la route de l'aube.

           Comment conclure ce billet d’humeur sans nouvelles digressions ni autres enfonçages de portes dégondées ? En laissant la parole à un grand jardinier. Ce texte est né d’ailleurs en me replongeant hier dans son univers. Un homme qui a passé beaucoup de temps à aller et venir sous son crâne. Pour y planter toutes sortes de mots, tous imprégnés de la quête de sens et de la poésie - visible ou cachée. Il a aussi jardiné son époque. Curieux de l’autre au pluriel et du monde. Malgré la noirceur du ciel, il n’a cessé de semer des aubes. Comme il le dit beaucoup mieux que n'importe qui dans cette vidéo. Les mots d’un homme qui laisse derrière lui de beaux jardins de papier. Ouverts à la promenade. Une invitation à visiter sa parole à ciel ouvert.

            Merci au jardinier solitaire.

NB : Si la vidéo en ligne ci-dessus ne s'ouvre pas, le lien est : Paul Auster : "Je suis un homme solitaire" | 28 minutes | ARTE

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