« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. »
René Char
Certains ont besoin de filtres pour regarder le ciel. D’autres osent le regarder les yeux dans les cieux. Sans crainte, ni attente. Si ce n’est de la pluie, de la neige, l'espoir du beau temps... Sans croire à la présence d'un quelconque créateur. Avec ou sans filtre, chacun - dans un monde idéal- devrait être libre de son regard. Choisir son point de vue.
Quelle différence entre ces deux catégories d’individus ? On peut constater que, très rarement dans la longue histoire humaine, les « sans filtre » cherchèrent et cherchent à imposer leur vision du monde. Pas eux qui, au nom d' un «filtre», massacrent ceux qui ne prient pas et ne pensent pas comme eux. Depuis quasiment des millénaires, des hommes assassinent pour infliger leur manière de voir le ciel. Nous obliger tous à regarder les mêmes étoiles qu’eux. Asservir notre regard.
Fort heureusement, parmi ces « avec filtre», la majorité ne pense pas que sa manière d’être et de voir est unique. Incontournable. Cette majorité accepte de partager le ciel avec des «sans filtre » qui le voient sous un autre angle. Laissant à chaque individu le choix de son interprétation d’une étoile filante ou d’une tempête. Pas prête à aller fouiller dans les yeux du voisin pour vérifier qu’il posséde le bon filtre. Bref, ils foutent la paix à leurs contemporains. Si tous les croyants pouvaient les imiter, ça ferait des vacances à l'humanité entière.Usée par les assauts répétés des éteigneurs d'étoiles.
Imaginons un seul instant un monde sans les trois filtres ayant le plus de poids. Combien de morts et blessés aurions nous évités ? Sans aucun doute, des centaines de millions de femmes et d’hommes n’auraient pas été massacrés au nom de ces filtres avec croissant, étoile ou croix. Des pays entiers pas dévastés par des croisades sanguinaires avec des épées, kalaches ou avions de chasse. Combien d’hectolitres de sang et de larmes non versés?
Cela dit, un quatrième filtre fait beaucoup de dégâts lui aussi de nos jours. Ses lieux de cultes sont implantés un peu partout sur la planète. Et ouverts 24H sur 24. Les représentants de ce culte officient avec une souris et un clavier. Leur fatwas numériques peuvent désintgrer l’économie de toute une région, un pays, et même un continent. Eux aussi veulent imposer leur ciel.
Une voute céleste détruite peu à peu par la course à l’industrialisation. La couche d’ozone passant après les bénéfices nets de scrupules dans les poches des actionnaires. Guerre entre autre du dieu Dollar contre Euro. L’addition réglée en espèces sonnantes et trébuchantes toujours par les mêmes. Rien de nouveau sous le soleil du profit; Un profit à tout prix. Même celui de la destruction de la planète.
Pas le moment de parler de ce genre de choses, pourrait-on me dire. Critiquer les «avec filtre» surtout en ce week-end pascal aux jardins truffés de chocolat. Et avec l'ignoble massacre au Kenya. Pas de jour idéal pour proposer la résurrection du doute. On devrait sans cesse rappeller l'absolue neccessité du doute. Ceux qui ont commis l'horreur au Kenya ne doutaient pas. Au nom de leur filtre, ils ont massacré des êtres avec une vision du monde différente de la leur. Les mêmes voulant empêcher la liberté de blaspémer et rire de tout. Des barbares n'ayant qu'un seul objectif: instaurer un ciel unique.
Toujours d'actualité de rappeler que personne, croyant ou mécréant, ne détient la vérité. Sa vérité appliquée à tous. Non. Juste détenteur de son bout de regard sur les autres êtres vivants et sur notre planète. Sa personne limitée à son passage éphémère sur le plancher des vaches tournant autour du soleil. Pas plus, ni moins. Chacune et chacun trimballant comme il peut son sac de nœuds à ciel ouvert. Sous l’œil impassible des étoiles qui ne doivent pas souvent se marrer à la vue de notre connerie humaine. Elles méritent un meilleur spectacle. À nous de mieux jouer.