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Mouloud Akkouche

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Billet de blog 7 mars 2015

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8 mars dans un palace

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  Pour Rose et la vieille femme, tellement proches, qui n'ont pu se rencontrer.

              Cette nuit du 8 mars, mon existence bascula. Jamais, à  60 ans, je n’aurais pu espérer un nouvel horizon. J’ai toujours cru que, passée un certain âge, la réalité avait submergé tous nos rêves de gosses restés en jachères. Même si parfois, au gré  des flux et reflux de la  mémoire,l’un d’entre eux  remontait un bref instant à la surface. Banal de trimballer un ou plusieurs regrets dans ses bagages. En tout cas, rien ne présageait cette brusque accélération de mon histoire. Changement grâce aux détecteurs de fumée d'un hôtel.

                Le seul lieu pour pouvoir fumer était le local de télésurveillance. Et uniquement avec deux vigiles sur les cinq que comptait le "5 étoiles". Ils avaient bricolé le détecteur de fumée pour l'activer et le désactiver à leur guise. Une ruse jamais éventée. Avec des collègues, surtout en hiver, nous avions pris l’habitude d’aller d’en griller une. Les vigiles, très heureux d’avoir de la compagnie -surtout féminine -, nous accueillaient dans leur bunker ultra sécurisé.  Un moment braconné sur la feuille de paye, une fugue hors des radars de la direction. Tels des ados planqués dans des chiottes pour cloper.

                Cette nuit là, Maxime, le plus jeune de l’équipe de surveillance, était de service. Pas celui que je préférais.  Rarement vu un tel râleur à son âge. On aurait dit un vieillard aigri distillant sa haine du monde. Il voyait des complots partout. Jamais content. Ses principales cibles étaient la direction de l'hôtel et tous les riches. Encore me taper sa prose indigeste de révolté de bac à sable mâtiné de Geek ? Pas le bagne, me dis-je, en toquant à la porte. Et pas envie de fumer sous la flotte.

          Sur l’un des écrans, on pouvait voir les salons privés de l'hôtel. Christianne Lagarde, la propriétaire du palace, dirigeante d’un grand groupe aux activités très diversifiées, avait décidé de marquer le coup pour la journée de la femme.Tout le personnel portait le badge « Couleur femme » de l’opération mise en place depuis une année. Ce 8 mars, elle avait invité toutes ces équipes de direction pour un débat-conférence, suivi d’une fiesta.  Elle se tenait debout devant un écran. Face à elle, une quarantaine de femmes et d’hommes assis sur des fauteuils. Le logo du groupe s’afficha sur l’écran.

_ Vraiment des conneries cette journée de la femme. Un truc de bobos pour se faire mousser. Ce 8 mars, c'est encore un bel enfumage médiatique. La journée des hauts salaires. Pas pour nous.

    Je m’attendais à son couplet prémâché.

_ C'est symbolique mais...

Il poussa un soupir.

_ Pas avec des symboles qu'une femme au RSA remplit son frigo.

_  Pas la journée de la femme ! La journée des droits des femmes ! Facile de cracher sur une initiative quand on ne....Et toi qu’est-ce que tu fais concrètement pour les droits des femmes?

    Très étonné de mon coup de gueule, il resta  bouche bée. Moi aussi, je m’étais surprise. D’habitude, j’aurais laissé couler ses critiques  habituelles de tout et son contraire, concentré tout entière sur ma clope. Pourquoi lui avoir répondu ? Sans doute pour rappeler à ce gosse prétentieux qu’il ne sait pas tout. Et que des gens se sont battus, se battent encore, pour changer la situation des femmes.  Nos droits pas tombés tout cuit dans le bec.

      Le donneur de leçons faisait profil bas. Pas trop tôt.

_ Regarde,  finit-il par dire en agrandissant l'image à l'écran. Qu’est-ce que tu vois ?

Ce mec est indécrottable.

_ Ben, une réunion sur le droits des femmes.

        Il grimaça un sourire.

_  Tu vois beaucoup de femmes de ménage comme toi ?

  Je l’aurais bien étranglé ce rabat-joie.

            Une fiche de paye s'afficha sur l'écran occupant tout un mur du salon. Micro à a la main, Christianne Lagarde se tourna lentement vers son auditoire. La salle était très silencieuse. Elle s'éclaircit la voix.

_ Aujourd’hui,  j’ai décidé d’inviter toutes les équipes de direction de mon groupe. Pas un jour comme un autre. Nous sommes le 8 mars. La journée des femmes. Si je vous ai tous convoqués, ainsi que la presse que je remercie d’avoir accepté l’invitation, c'est pour... Je remercie aussi les cinéastes, peintres, photographes, écrivains  qui, tout le long de l’année, viennent animer des ateliers au sein de notre groupe, grâce à notre fondation. Cette fondation oeuvrant pour l'accès au plus grand nombre aux  arts et à la culture.

Elle écarta les bras, l'air désolé.

_  Voilà que je m’égare encore. J’en étais où ? Ah oui ! Cette nuit du 8 mars, espèce de 4 août des droits des femmes, sera pour notre groupe une grande nuit  de la transparence. En effet, j’ai décidé de rendre public toutes les fiches de paye de l’entreprise. Comme celle que vous pouvez voir actuellment sur l'écran. De la femme de ménage  à moi même.  Une opération de com classique, me direz-vous. Oui mais pas que…

        Elle se racla la gorge. Son regard avait perdu de sa détermination managériale. Elle semblait moins à l’aise, la tête rentrée dans les épaules. Un visage de gamine triste.

_ En effet, mes parents qui ont créé ce groupe, se sont toujours battu pour que femmes et hommes, à poste égale, reçoivent le même salaire. Et aussi pour la parité dans tous les domaines de compétence.  Aujourd’hui, je suis très fier de pouvoir dire publiquement que leur rêve de pionnier de l’égalité hommes femmes en entreprise… Ce rêve, le leur et de nombre de femmes mais aussi de femmes des générations passées, est devenu réalité chez nous. Sans doute une des sociétés du pays la plus irréprochable dans ce domaine. Je tiens à la disposition de la presse des documents pouvant attester de cette réalité. Pas que des mots, des actes au quotidien.

          Des applaudissements.

_ Merci beaucoup ! Bon, trêve de discours. En plus, tout ce que je vous raconte est écrit sur notre  site et les documents du dossier de presse. Nous allons tous fêter ce jour de 8 mars autour d’un buffet.  Et, pour celles et ceux qui le désirent,  vous pourrez vous éclater sur une piste de danse dans le salon du fond.  A la santé de toutes les femmes !

          Maxime fronça les sourcils.

_ Quel belle arnaque, grommela-t-il en baissant le son. La mère Lagarde cherche à nous enfumer.

          Je jetais un coup d’œil à l’heure sur l’écran. Le temps d’en fumer une autre avant d’attaquer les piaules du troisième ? Normalement, chaque femme de ménage, travaille à son rythme. Quand  les tâches de notre « feuille de route » étaient accomplies, nous pouvions rentrer chez nous. Parmi les plus rapides, je partais relativement tôt. Sauf, cette nuit là, l’équipe de nettoyage, était d’astreinte. Obligé d’attendre la fin de la réception pour nettoyer les salons privés. Pourvu qu’ils ne se terminent pas à l’aube.

_ Tu en refumes une autre, ironisa-t-il. Pas peur de te choper un blâme  par ta chef.

          Quel crétin ! Si jeune et déjà si pervers. Un gosse borné, sûr d’avoir raison. Pas de doute en stock. Soldat borné en guerre contre les nantis comme il dit. Lui, le fils de pauvre, avait tout compris des rapports de domination. On ne pouvait pas la lui faire. Tellement sûr de détenir la vérité qu’il ne se rendait pas compte de son mépris vis-à-vis  de  ces dominants qu’ils défendaient. Parfois plus méprisants nos soi-disant ennemis.

            Une nuit, fumant ma clope, j’assistais à l’une de ses conversations avec l’un de ses potes.  Une langue de bois pire que n’importe quel vieux politique.  A chaque fois qu’il citait le nom d’un bouquin, son regard « toi tu ne peux connaître ça, tu es trop soumise et conne » se posait sur moi. Ses yeux chargés du summum de l’humiliation : la condescendance. J’avais quasiment lu tous les textes qu’il citait.  Encore un qui pétait plus haut que son cul.  Cela dit, un très beau cul.

          Tous se pressaient autour du buffet très fourni. Sur le côté, Marie Lagarde répondait aux questions des journalistes. Beaucoup de beau monde du showShow-biz, et des politiques de tous bords ; tous « Je suis 8 mars ».  Parfois, j’en croisais dans les couloirs. Sans doute que j’avais du nettoyer les chambres de quelques-uns. Pas aussi propre que leurs vêtements de marque. Palace ou pas, les cuvettes des chiottes ne sont pas toujours trois étoiles. Sans parler des pieux et salles de bains.

          Pourquoi généraliser ? Ca y est, je me la jouais à la Maxime. Même proportion de cons en haut qu’en bas de l’échelle. Autant de beaufs, sexistes, racistes, homophobes à tous les étages.  Femme de ménage, j’ai travaillé dans toutes sortes d’hôtel. La merde pue autant dans les draps de mauvais qualité ou de soie.

           Et la connerie n’a pas de frontières.

_ Mets le son, j’ai envie de les entendre.

        Mon geste soudain fit  tomber la souris de l’ordinateur. Je me baissais pour la ramasser et, dans mon élan, emportait le clavier. Maxime  m’aida à me relever.  Sourire gêné aux lèvres, il me fit comprendre qu’il s’en occupait.

          Mon regard se posa sur la raie de ses fesses dévoilée par son Baggy. Une peau si fine. Elle soit être très douce. Combien de temps sans avoir touché le corps d’un homme ? Trop longtemps. Pas tout à fait vrai. J’en touchais un quasiment tous les jours.

          Je tendis la main, glisser mes doigts sous le tissu du pantalon. Qu’est-ce que tu es en train de faire ma vieille !  Ce gosse pourrait être ton petit-fils. Je n’aurais pas dû accepter. Au moins trente ans que je n’avais pas tiré sur un pétard.  J’ai mal au crâne. La pièce tourne autour de moi.

_ Tu ne veux pas aller te passer la tête sous l’eau ?

     Pour qui se prend-il ? Encore dans les couilles de son père que je fumais de l’herbe. Et même plus que ça. Des buvards et tout le tremblement. Pas un gosse qui va m’apprendre la vie ! Je fais ce que je veux.

          Surtout la nuit du 8 mars.

          Un texto sur mon téléphone. L’une de mes filles me demandant si j’allais voir Jean-Jacques, son père, le lendemain. Pourquoi me poser cette question?  Elle sait très bien que je m’y rends  trois fois par semaine. Depuis trois ans. Jamais raté un rendez-vous.

       A l’âge de ce gosse prétentieux assis à côté de moi, je voulais faire le tour du monde. Jean-Jacques en rêvait aussi. Nous avions décidé  de construire un bateau. Pas uniquement pour  du tourisme, aussi pour apporter notre aide dans des zones de pauvreté.  Aidés par mes parents,  nous pûmes demander un prêt à la banque et nous consacrer uniquement à ce projet. Partir avec un bateau créé de nos mains. Je tombais enceinte. Que faire ? Nous décidâmes de changer un peu notre projet, l’humanitaire repoussé à plus tard. Et nos jumelles vinrent au monde.  Tout allait bien.

          Jusqu’au jour où Jean-Jacques  chuta d’une grue sur le chantier de construction.  Il perdit l’usage de la parole et de ses jambes. Condamné à rester sur un fauteuil roulant. Pendant des années, nous réussîmes à vivre sur l’argent de mon héritage. Mais, pas très prévoyante, je m’étais laissé déborder par les dettes. Les huissiers avait saisi notre maison. Plus rien. Je dus chercher un boulot compatible avec notre mode de fonctionnement familial. Et c’est comme ça que je devins femme de ménage, la nuit. A peine rentrée, je m’occupais des filles et de Jean-Jacques. Quelques heures de sommeil par jour. Clopes et cafés furent mes meilleurs alliés.

          Déjà trois ans que je pris une décision très dure.  L’internement de Jean-Jacques. Depuis des années, il avait basculé dans la haine et la rancœur. Tout était de ma faute. Il ne cessait de m’humilier. Dès que je devais sortir avec la voisine, ma seule copine, il se pissait dessus. A chaque jour, une nouvelle humiliation. Malgré tout,  petit soldat bien obéissant, je continuais de m’occuper de lui. Ce bateau était pour nous deux. Il s’était sacrifié pour notre rêve. Moi aussi je devais me sacrifier pour lui.

        Souffrante en silence, incapable de sortir de ce cercle infernal. Un jour, je finis par craquer chez notre médecin et lui déballais tout.  Il m’aida à prendre cette décision. Une décision qui déplut à mes filles ; elles  refusaient de m’adresser la parole, excepté ce genre de texto. Quand je passais lui rendre visite, il me dévisageait, les yeux chargés de colère, puis baissais la tête jusqu’à ce que je m’en aille. Très souvent, sur le chemin du retour en voiture, je fondais en larmes. Rongée de culpabilité.

  _ Mets le son, jeune homme !

          Mon ton autoritaire le prit de cours. Sa moue pédante disparut aussitôt. Plus le jeune con qui sait tout.  Devenu en quelques secondes un enfant face à sa maman. Soumis.

  _ Je ne peux pas.

_ Comment ça ?

Il haussa les épaules.

_ C’est la mère Lagarde qui décide de mettre ou pas le son.  La majorité des conversations dans les salles ascenseurs, et tous les espaces communs, sont enregistrées. Et, d’ici, je peux tout  entendre et….

_ Du flicage ça.

          Il grimaça.

_ Je sais mais c’est… En fait, c’est pour intervenir au cas où un homme agresse une femme du personnel, où une Escort girl, où même sa compagne. Elle tient à ça.

        En effet, les mecs  avaient tendance à se lâcher pas mal  la nuit dans les hôtels. Comme si, d’un seul coup, ils se sentaient dans un monde parallèle, loin de leurs codes habituels. Hors d’atteinte. J’avais dû en rembarrer plusieurs qui voulaient se taper la bonniche. Les couilles d’un commercial doivent se souvenir de mon tuyau d’aspiro.

          Les yeux  sur l’écran, j’étais frustrée de les voir sans les entendre. Un film muet en couleur. Tous, souriants, avaient l’air de passer une bonne soirée. Devant la porte d’un des salons- rarement ouvert, un colosse équipé d’une oreillette obstruait l’entrée. A l’intérieur, Marie Lagarde  était attablée avec quelques invités. Chacun avait une tablette à la main.  Ils n’arrêtaient pas de parler.

             Que pouvaient-ils se dire ?

_ Une fois, ajouta Maxime, elle et son mari, le petit blond qui se trouve à sa droite…  Cette nuit, tous les deux croyaient avoir enlevé le son  et j’ai… J’ai entendu des choses que je n’aurais pas du entendre. Je peux te dire que ces gens là sont des…

          Mes lèvres lui clouèrent le bec.

          Encore un texto. Mes deux filles, à tour de rôle, me bombardaient de reproches. Parce que je n’avais pas donné de nouvelles depuis une semaine.  Surtout car je n’avais pas rendu visite à Jean-Jacques. Sans réponse, elles m’envoyèrent sa photo. Bien décidé à ne pas culpabiliser, je l’effaçais de mon téléphone.

          Mon 8 mars continuait.

          Ma tête sur l’épaule de Maxime, je regardais l’océan. Un ciel  lumineux sur une mer très calme. Pareil à mon paysage intérieur. Jamais sentie aussi heureuse, depuis l’accident de Jean-Jacques. A 60 ans, la vie me faisait crédit. Et je n’allais pas m’en priver.

          Désormais m’occuper de moi.

_ Demain, on part.

          Je lui caressais la cuisse.

_ On change de ville ?

          Il afficha un large sourire.

_ Non. Tu vois le bateau là-bas. J’ai réservé pour une croisière de trois mois et….

_ Avec quel fric ?

          Il se racla la gorge.

_ En fait, je t’avais dit que j’avais entendu un truc  que j’aurais pas dû entendre.  La mère Lagarde  et son mari parlaient de fric dans l’un des salons. J’appris ce jour là  que… Pour te la faire court, ils avaient grugé les impôts et  mis à gauche d’énormes somme d’argent sur plusieurs comptes,  dans des paradis fiscaux.  Ce soir là, elle lui donnait les codes d’accès à tous ces comptes. J’ai tout noté.

          Il afficha un large sourire.

_ J’ai le plaisir de t’annoncer,ajouta Maxime, que ta prime annuelle  est tombée hier sur ton compte. Elle s’élève à deux millions d’euros. La mienne est de la même somme. Nous pouvons....

          Je me redressais.

_ On va aller en tôle.

          Il secoua la tête.

_ Non. S’ils portent plainte, ils avouent leurs magouilles depuis plus de vingt ans.  Tout sortira dans la presse. Et, en ce moment, ce genre de délit n’est pas du tout bien vu. Ils la fermeront pour que ça ne s’ébruite pas. Ce fric  n’existe pas officiellement.

          J’allumais une cigarette.

_ Faut que tu rendes ce fric.

          Il fronça les sourcils.

_  Jamais de la vie !

          Je refusais et lui demandais de reprendre la somme sur son compte. Hors de question d’être complice d’un vol. Ma réponse l’irrita mais, l’ayant sans doute anticipé, il avait préparé à l’avance ses arguments. L’argument le plus fort fut celui des magouilles de certains  fonds de pension complices de grands patrons magouilleurs coulant des entreprises internationales, destruction  des emplois et massacre de familles entières, pour faire fortune entre autre avec les cotisations de retraités. Révoltant. Maxime, contrairement à ce que je pensais, aurait pu faire un bon politique.  Il ne me lâcha pas jusque ce que je finisse par accepter. 

Pourquoi cracher sur une retraite méritée?

_ Tu as toujours rêvé de faire le tour du monde.

_ C’est du passé tout ça.

          Il fouilla dans sa poche

_ Deux billets pour une croisière.

         Je fixais l’enveloppe.

_  … Y faut que je rentre à la maison pour…

_ Torcher le cul de ton mari.

          La baffe le sonna.

_  Tu resteras toujours une femme soumise.

          Il se leva et s’éloigna.

          Le lendemain matin, j’étais sur le balcon de l’hôtel. Cette nuit là, seuls nos corps ne restèrent pas muets. Au matin, pendant qu’il faisait ses bagages, je m’étais enfermé dans la salle de bains.  Il ne traîna pas. Je ne sortis qu’en entendant la porte.  Un des billets de croisière posé sur la table basse. Le départ était prévu en fin d’après-midi.

          La voiture sentait le parfum de Maxime.

          Le ressac ponctuait le silence de la nuit étoilée. Les silhouettes des vagues s'élevaient légèrement et retombaient. Le téléphone vibra dans ma poche.  Pas question de gâcher ce moment. Mon rêve de gosse.

           Sourire aux lèvres, il fixait l’océan. Un long moment que nous étions à l'avant du bateau. La fraicheur le fit frissonner. Je  reculais son fauteuil roulant.

         @MouloudAkkouche

             Sans ce message ci-dessous trouvé il y a des années sur Internet, jamais cette nouvelle n’aurait vu le jour. Impossible de retrouver le site où  Rose (peut-être un pseudo ?) avait posté  ces quelques mots. Que de dire de plus ? Quelle formidable  leçon d'humanité !

Bravo et un grand merci à Rose !

                                                                           Message:

             Quand je travaillais comme hôtesse d'accueil, j'étais aux premières loges pour regarder tout le monde s'amuser lors des pots d'anniversaire qui se déroulaient à mon nez et à ma barbe, alors qu'enchaînée à mon standard je répondais inlassablement "Son poste ne répond pas. Il a dû s'absenter. Je peux prendre un message?" ou encore "Rappelez d'ici une heure. Elle sera rentrée de rendez-vous."
Dans ce mépris réservé aux subalternes, je n'étais pas la plus mal lotie. Le matin quand j'arrivais, je trouvais le mug que j'avais laissé la veille au soir noirci de théine, immaculé, comme neuf. Ce prodige, je l'ai su, c'était l'huile de coude de la femme de ménage, une vieille femme qui venait chaque soir accompagnée de son mari handicapé qui attendrait
seulement dans son coin qu'elle est ait fini son labeur. J'ai entendu aussi qu'au lieu de récurer les mugs, elle devrait faire plus attention à la poussière, sur le dessus des armoires... Quand j'avais le temps, je nettoyais moi-même mon mug. Le cas échéant, j'avais beau essayer de le mettre de côté, je le retrouvais immanquablement propre. J'étais gênée.

            Parce que chez moi, il n'y a pas de femme de ménage. Parce que pour moi, une femme qui fait le ménage dans des bureaux n'a pas en plus à aller faire la vaisselle de chaque employé. Du coup, quand je laissais mon mug dégoûtant derrière moi, je laissais aussi un petit mot, tantôt d'excuse, tantôt de remerciement. N'ayant jamais de réponse, il m'arrivait de m'interroger, si le mot ne s'était pas envolé, si elle l'avait trouvé, si elle avait pu déchiffrer mes hiéroglyphes?... Le mug, lui, étincelait toujours, plus blanc que blanc.

        Et puis un jour, la vieille dame a eu le droit de souffler, elle est partie à la retraite, avec son vieux tout cabossé. Mais avant ça, elle aussi a fait un pot, toujours accompagnée de son vieux, pour dire adieu à la "maison". Trente-cinq ans qu'elle était là! La plus ancienne salariée... Lors de ce pot, elle a demandé après la petite Rose de l'accueil qui lui laissait de gentils mots... Nous ne nous sommes jamais vues. J'étais en congé.

Par Rose, mercredi 4 avril 2007 à 00:54

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