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Le premier atteindra sa cible. Il est programmé pour. Le deuxième atteindra aussi sa cible. Mais pas avec le même but. Le premier est en guerre. Envoyé pour détruire. Peu importe les dégâts. Qu’ils soient humain ou matériel. Le but est d’écraser l’ennemi. Comme dans n’importe quelle guerre. Aucune n’est propre. Même pour les tueurs qui n’ont pas de sang sur les mains. Des meurtriers en distanciel. Et rarement atteints.
Le poème est aussi mobile. Bien que beaucoup moins rapide que le drone. Ses cibles sont différentes. Et nettement moins précises que celle d'un drone. N’importe qui peut-être touché. Suffit de lire le poème. Ou de l’entendre. Une rencontre du regard ou des oreilles. Mais jamais de sang versé. Ni de destruction. Ses cibles n’ont rien à craindre. Même s’il ne peut empêcher les morts et blessures violentes. Moins précieux qu’un gilet pare-balles ou un abri sous-terrain. Mais parfois plus vital qu'on ne croit. En tout cas, pour certains êtres.
Parfois, une des rares lueurs dans leur nuit. Et pas la belle étoilée ou non. Leur nuit est tapissée de trouilles. Des chairs de tout âge sous un ciel d’appréhensions. Coincées entre bruit et silence. Le monde implosant sans cesse dans sa solitude. Loin de la douce musique et du silence nourricier. Les mots ne pèsent rien sous le fracas. Impuissants dans le chaos. Pourtant, le passage d’un poème ne passera pas inaperçu. Même si ce n’est qu’une clarté. Un trou d’aiguille lumineuse dans l’obscurité. À peine une entaille dans le néant.
Et la preuve par l’aube. Elle est là, derrière le rideau sombre. Une présence aussi proche que lointaine. Reviendra-t-elle habiter des ruines ? Certains y croient fort, d’autres plus. Et celles et ceux espérant en pointillés. Dans tous les cas, chaque souffle porte cette espérance. Seuls les morts ne croient plus au retour de l’aube. Les corps, même détruits, résistent à la tentation de la nuit carnassière. Continuer d’être, c’est lui résister. Ne pas tout céder à l’obscurité. Les plus combatifs lutteront pour élargir le trou d’aiguille.
Pourquoi pas un drone qui amène un poème. Ici et là. Un drone réarmé en drone de livraison. Pourquoi utiliser le verbe amener au lieu d’apporter ? Parce que le poème est vivant. Porteur de l’existence de la tête et le cœur qui l’ont porté. Avant qu’une main ne le transforme sur une feuille de papier ou écran Vivantes aussi les oreilles qui l’écoutent et les yeux le lisant. La transformation de drone de guerre à livreur de poèmes est-elle possible ?
Oui. Mais pas aujourd’hui. Quand ? Notre espèce n’est pas encore prête à ce genre de transformation. Que faut-il alors pour pouvoir la faire évoluer ? C’est quasiment de l’ordre de l’impossible. Pourquoi ? Notre espèce a pris tellement de mauvaises habitudes. Plusieurs millénaires de gestes et pensées négatives. Et en plus, elle est arrogante et sûre d’être l’espèce la plus intelligente. Faut bien commencer pour essayer de la changer. Par quoi attaquer cet impossible ? Bonne question concrète. Peut-être commencer par l’installation de la lumière. Où ça ? Sous tous les crânes et les poitrines de la planète. Pas uniquement un éclairage destiné aux têtes dirigeantes. Certes elles qui font la pluie et le mauvais temps contemporain. Comme depuis la nuit des temps du pouvoir. Toutefois, les autres têtes doivent être aussi éclairées. Huit milliards d’éclairages sous la peau. Beaucoup de pain sur la planche de notre espèce.
Que faire contre tous les petits et grands puissants « dépeceurs de la planète » ? Comment réagir face à ces puissants motivés essentiellement par le toujours plus de pognon et de territoire ? Des questions ne datant pas de nos jours tendus et confus. On serait tenté de dire qu’on ne peut pas faire grand-chose à son petit niveau. Ce qui est vrai. Mais aussi en partie faux. En réalité, on peut faire beaucoup à notre petit niveau. Plus que ce dont on se croit capables. Comment participer à la lutte contre les dépeceurs élus ou non ?
Déjà essayer (pas simple) de ne pas céder à la peur. Et à la panique. Ni apporter du sang au moulin des vendeurs de morts ; rarement la leur mise en avant. De grands spécialistes de la guerre en distanciel. Souvent brillant sur un plateau de radio ou télé. Des hommes de parole et d’écran prêt à envoyer de jeunes êtres mourir ou revenir de l’enfer blessés à perpétuité. Le classique « un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent, mais ne se massacrent pas » de Paul Valéry ». Rien de nouveau.
Excepté le pouce bleu levé d’outre-tombe. Pas n’importe qui. Un homme qui aurait sans doute été fort heureux d’une Europe sans les Américains. Celle qu’il a toujours voulue. Refusant même la mise sous tutelle administrative américaine de la France, notamment à l’issue de la seconde - deuxième ? - guerre mondiale. Le pouce bleu d’un certain Charles de Gaulle. Néanmoins pas le seul à vouloir se débarrasser de la main mise américaine sur l’Europe. D’autres, de tout bord, ont poussé et poussent à une nouvelle redistribution des cartes. Pourquoi pas si ça ralentit l’appétit de la poignée de planétovores. De plus en plus voraces. Initiative intéressante, si ce n’est pas que pour devenir une grosse fourchette de plus sur le gâteau international. Changer la face du monde ou grimper dans la hiérarchie des dépeceurs de planète ? Chantier à suivre...
En attendant, nous pouvons lever les yeux. Pour regarder le ciel. D’un bleu de printemps. Bientôt un ciel kaki pour l’Europe et le monde ? Déjà la couleur permanente pour certains pays dans le monde. Faire la guerre ? Résister aux « dépeceurs de la planète » ? Envoyer des avions de chasse ( quelques-uns en passant au Yémen, le Kurdistan et d’autres pays sous le joug d'occupants ?) à l’Ukraine ? Je n’ai pas de réponse. Nulle intention de m’autoproclamer spécialiste militaire et de géostratégie. Juste un citoyen comme la majorité face au chaos contemporain. Dont l’invasion d’un pays par un autre. Sans oublier tous les autres peuples écrasés par des puissances extérieures. Je ne suis qu’un citoyen du café du commerce numérique. Avec un avis sûrement ponctué de conneries comme la majorité des internautes.Toutefois à l'écoute de vrais spécialistes.
Et toujours prêt à entendre des avis différents. Tant que ce ne sont pas des anathèmes et de la haine et confusion. Du débat d'idée d'idées même rugueux mais avec argument contre argument. Pour ma part, je suis souvent intéressé par les propos de certains militaires. En particuliers celles et ceux qui sont allés sur des théâtres d'opération. Dans la boue, les cris, les larmes, la puanteur de la mort... Des militaires connaissant le prix en dégâts humains. Les morts et blessés dans leur camp et celui des ennemis. Des experts militaires qui poussent fréquemment à chercher le plus possible la négociation. Plus enclins à la paix que des va-t-en guerre parfois anciens antimilitarismes (manifestants contre la guerre d'invasion en Irak). Partir en guerre ? Privilégier la négociation pour la paix ? Qui a raison ? Qui a tort ? Pas une petite fable qui apportera des solutions.
Naïf et utopiste ? Du commentaire sans intérêt ? Peut-être. Même si j’essaye de me soigner sur le plan de la naïveté. Me débarrasser de toute forme d’utopie pour rester droit dans mes bottes de la réalité. Malgré mes efforts, une irréductible naïveté mêlée à de l’espoir persiste au fond de moi. Sans doute lié à des lectures d’enfances. Des livres d’histoires et des recueils de poésie. Dont la parole d’un homme issu d’un petit village. Personnage public avec l’accent du Sud Ouest. Prononçant un discours dans la plus petite ville de Seine-Saint-Denis. Des mots sur le perron de la Mairie du Pré-Saint-Gervais. Un discours prononcé par un certain Jean Jaurès. Refusant d’offrir de jeunes chairs aux canons et profits des Maîtres de forges. On connaît la suite… Guère un hasard si des poilus sont devenus farouchement antimilitaristes. Leurs tranchées pas vécues sur un plateau télé.
Et le poème ? Je suis hésitant à dévoiler le texte. Vraiment plus que naïf le poème auquel je pense. Celles et ceux qui ont deviné de quel poème il s’agit ricanent dans leur coin. Peut-être à juste titre. En effet, penser à cette poésie en notre époque relève de l’ordre de l’absurde. Comme le monde dans lequel nous vivons et où certains êtres tentent de survivre ? Comme le ridicule, l’absurdité ne tue pas. Ce poème cumulera les deux. Déjà passé pour un ringard hors réalité en citant Jaurès. Imaginez ce que ça va être avec la poignée de vers à venir. Les ricanements vont redoubler d’intensité. Quel idiot utile, se diront certains. Tandis que d’autres évoqueront ma pathologie de « hors-solisme ». Pour cette raison qu’il faut que ça reste entre nous. Un poème passé sous le manteau numérique. Coup d’œil à droite et à gauche. Personne. Le voici.
Fin de digressions naïves et utopistes. Pas grand-chose ; juste le croisement d’un drone et un poème sous un ciel bleu. Ça ne changera rien à notre connerie humaine. Ni à la course au pouvoir et au fric à n’importe quel prix. Les gagnants ont toujours raison. Ils sont les maîtres du récit désormais mondialisé. Ce qui n’empêche pas de résister. Et combattre le pire. A ce propos ; peut-être que, au fil du temps, je vais aussi devenir un va-t-en guerre de clavier. Bien planqué derrière mon écran à pousser d’autres à aller crever. Quoi qu’il se passera, tenter de changer le récit c’est possible. Et important. En essayant de ne pas reproduire le récit combattu avec de nouveaux mots et visages. Résistance et changement de récit ; affaire à suivre. En espérant que ce sera plus efficace que mes mots bien sûr encore vains. Voire inutiles. Comme certains silences ?
Un bruit de moteur. Tasse de café à la main, je lève les yeux. Au loin, une tache sombre. Glissant comme sur une nappe d’un bleu quasi-diaphane. Les arbres se dépeuplent d’un seul coup de leur population ailée. Seul, un rapace continue de tournoyer comme si de rien n’était. Sans doute préoccupé par sa cible : un rongeur bientôt au menu du carnassier. L’objet motorisé se rapproche de plus en plus. Jusqu'à stationner au-dessus du jardin.
Qu’apporte ce drone ?
Pas la même réponse en France que dans d’autres pays. Ici, comme dans d’autres nations en paix, cet objet manufacturé peut-être vu à travers son aspect ludique. D’ailleurs de plus en plus offert comme cadeau d'anniversaire ou de Noël. Contrairement aux territoires ( partout sur la surface du globe) où le drone est une arme de guerre. Dévastatrices comme d’autres engins de mort. Sur des territoires où la troisième guerre mondiale, c’est tous les jours. Des populations qui ne l’appréhendent pas. Ils la subissent. Leur troisième guerre mondiale du réveil au coucher. Même pendant le sommeil. Sur des territoires ou la peur est un luxe. Comme aussi demain, l’espoir, l’insouciance, etc. Des population vivant avec un luxe précis. Rien à voir avec nos pays de drones pacifiques. Quel est le luxe sur ces territoires ?
La prochaine seconde.