Boue
Un appel à la dignité. Et la défense d'un homme très attaqué. C’est le tweet d’ouverture de ma journée d’internaute. Mes premiers mots lus sur la toile. Un tweet trempé dans le café. Très agréable de commencer avec un tel appel. Ça change des fake news et de la haine ordinaire sur la toile. La dignité est-elle une denrée de plus en plus rare ? La question ne se pose plus. Nous avons la réponse au quotidien sur les réseaux numériques et dans ce qu’on appelle désormais « la vraie vie ». Parfois, l’indignité quitte les écrans et s’immisce dans son miroir. La boue ne se trouve pas que dans le regard de l’autre pointé de son index. Indéniable que la dignité et l’élégance humaine en général sont de moins en moins côtés dans la bourse des valeurs contemporaines. Autant en profiter quand on en a un échantillon. Comme à travers ce premier tweet du jour.
Un plaisir vite ravalé. Et une soudaine descente. Rien à avoir avec les promesses des premiers mots. Je n'avais pas vu qui signait ce tweet. Cumul d'indignités et bassesses de toute sorte pour l’homme appelant à la dignité. Une personnalité polico-people de premier plan. Même vieillissante. Mais elle tient encore haut le pavé médiatique. Refusant même de le lâcher. Un homme brillant et qui a permis de belles avancées. Dont nombre d’entre nous ont bénéficié et continuent d’en bénéficier. Mais très vite, cet homme est apparu comme un personnage infect. Usant de son pouvoir pour assouvir le pire de son être. Certes pas le seul. Mais rien de plus indigne que son appel à la dignité. De la colère après avoir vu qui lançait cet appel à la dignité ?
Non. D’abord de la stupéfaction face à tant de signes ostentatoire de grotesque en direct. Je suis resté bouche bée. Quand l’indignité donne des leçons de dignité. Puis j’ai ressenti une forme d’apitoiement pour cet homme. Sans mépris aucun. Un sincère apitoiement devant le pathétique d’un vieillard voulant s’accrocher aux lumières. Sans aucun doute bouffé par la trouille de la grande nuit qui se rapproche de son histoire liftée de partout. Lui jeter la pierre ? Au bord de son dernière voyage, personne ne sait comment il réagira. Peut-être serons-nous pire que ce vieillard gesticulant au bord de sa fin. La proximité de la mort est susceptible de secouer les convictions des êtres même les plus solides. Et cerise sur le pathétique : le destinataire de l’appel à la dignité. Un poète emprisonné dans une geôle du monde ? Une femme enfermée parce qu’elle voulait libérer ses cheveux et son destin ? Un homme, un couple, des enfants, à la rue en plein hiver dans la ville Lumière ? Non. Qui défend son coup de gueule numérique ?
Un homme de pouvoir. Comme lui l’ a été pendant des décennies. Avant de devenir une momie promenant son vide de micro en cocktail mondain. Cet homme est très exposé. Avec sans doute des attaques plus qu’à ras de la ceinture. Mais c’est la rançon de son désir de pouvoir. Même si on peut critiquer certaines insultes dont il est l’objet. Toutefois, très indigne de déranger le mot dignité. Surtout qu’il a forte affaire dans le pays et partout sur la planète. Surtout que le quadragénaire défendu par le nonagénaire a quelques ardoises en termes d’indignité. En un tweet, les deux faces d’un même monde. L’un se trouve au crépuscule de son pouvoir. Tandis que l’autre baigne en pleine lumière du jour. Le second avec bien sûr une démarche plus alerte sur le tapis rouge. Les deux faces pathétiques du même vieux monde.
Le vieil indigne dans sa dernière danse. Ultimes pas avant de quitter la piste aux egos. On a mal à lui. Surtout en se remémorant les avancées dues à cet homme. Même s’il aurait commis des actes plus que dégueulasses. Mais je ne suis pas juge, ni flic. Juste un citoyen spectateur d’un monde qui semble échapper à la raison humaine. Comme ce duo d’un jeune et vieil homme : un spectacle qui pourrait prêter à rire s’il n’était pas désespérant de pathétique. Toutefois, rien de plus normal que l’ancien apporte son aide au jeune indigne. Sans ce dernier, il ne pourrait pas encore continuer de brilloter ici et là. Et le jeune indigne se grandit au regard de l’opinion publique en ne négligeant pas l’ancien. L’un et l’autre gagnant à ce jeu. Le jeu du passage de relais du vide. Avec la prime à la médiocrité du haut du panier.
La même aussi aux étages du dessous. Et même tout en bas. Médiocrité et indignité n’habitent pas qu’en haut du panier. Ce serait si simple : les gentils en bas et méchants en haut. Le damné de la terre peut-être atterrant. Voire même une ordure. Qui échappe à cette indignité et médiocrité. Les pas encore nés et les menteurs. Personne n’a une bio immaculée. Même si certaines ont moins de boue à leur actif. Sur mon ardoise d’homme, il y a bien sûr quelques indignités et autres saloperies. Rien de plus naturel pour tout individu imparfait et donc perfectible. Néanmoins, une différence entre haut et bas du panier. Laquelle ?
La médiocrité d’en haut génèrent beaucoup plus de dégâts. Une destruction sur une plus grosse échelle. Des dégâts nationaux, et même internationaux. Des anciens et nouveaux médiocres continuant de détruire la planète pour quelques dollars de plus et de continuer d'alimenter leur ego bouffi de pouvoir. Dans un monde où le pire de notre inhumanité ne semble jamais atteint. Toujours à rajouter une couche de plus d’horreur et d’abominable. Pendant ce temps-là, les jeunes et vieux coqs ( de tout sexe, genre, couleur de peau et politique, orientation sexuelle…) du vieux monde-caméléon se donnent la main pour danser sur un chantier de ruines. Le nôtre. Mais aussi le leur. Et le chantier de ruines de leurs proches.
Des danseurs d'ego. Soucieux de conserver le plus longtemps possible le centre de la piste. Sans se soucier qu'ils sont en train d’accélérer la rencontre avec le mur. Même si, à notre petit niveau, nous avons une part de responsabilité dans cet inéluctable choc à venir. Avec bien sûr beaucoup moins de dégâts sur la planète. Mais le mur ne fera pas de tri lors du choc. Toute notre espèce fracassée contre un soleil brûlant. On a que ce qu’on mérite, affirment certains. D’autres pensent que l’humanité valait mieux que sa prestation durant des millions d’années. Désespoir versus espoir. Affaire à suivre… L’espèce humaine coupable de planétotophobie ?
Rumeur et pollution. C’est ce que je viens de faire en mettant la lumière sur une « scène de la boue numérique ». Produire tout ce que je dénonce. Comme d’alimenter la rumeur en propageant le spectacle indigne d’un être au crépuscule de son histoire. Et en plus, c’est facile de tirer sur une marionnette pathétique qui s’accroche aux derniers fils la maintenant à la lumière. Indigne de ma part de participer à la curée numérique. Et pour le jeune coq pathétique ? C’est la même chose. Pas très glorieux de dézinguer une jeune marionnette si attaquée et déjà momifiée. Elle porte le sourire figé du vieux monde camouflé dans une belle et jeune enveloppe. Parfois on peut lire dans les traits des jeunes marionnettes leur futur crépuscule. Jeune pathétique deviendra vieux pathétique ? Une autre question se pose. Quel intérêt à rajouter à la curée numérique ?
Ce billet – même avec son tout petit écho - alimente le fleuve de boue. Dans la même veine que les pouces levés ou baissés. Sans apporter du plus essentiel que le silence. Avec des mots polluant la journée des éventuels internautes le lisant. Comme si leurs yeux et oreilles n’avaient pas assez de boue quotidienne. En plus, sans que ce texte d’humeur passagère ne change et améliore la réalité. Juste une énième constatation du pathétique de notre condition humaine. Rien de nouveau. Du ressassé exprimé à travers un pathétique billet de blog. Les étoiles se marrent au spectacle que nous leur offrons. Elles sont aux premières loges depuis si longtemps. Un rire pour ne pas chialer sur l'espèce dite la plus intelligente ?
Beauté
Pourquoi ne pas avoir offert d’emblée en lecture la belle image de ces deux hommes ? Au lieu de racler la boue de la toile et remonter des images affligeantes de notre époque. Alors que cette vidéo se trouvait juste après le tweet de la danse des egos. Sans doute un vieux réflexe d’auteur de roman dit noir raclant le fond de la cuve humaine. Avec chaque fois l’assurance d’en sortir le pire de nous. Plus complexe de chercher le meilleur et le remonter à la surface. Chapeau à celles et ceux qui y parviennent en cette période étouffante de notre connerie humaine. Et merci de nous offrir des bouffées d’oxygène mental. Laissons la boue et revenons à la beauté. Deux êtres plus parfaits que le duo évoqué plus haut ? La réponse auprès de leurs proches. Souvent les plus habilités à répondre à ce genre de question. Les miroirs ont aussi leurs réponses.
Dans ce cas précis, deux hommes qui nous offrent le spectacle d’une belle humanité. Celle cherchant à s’élever toujours plus. Avec l’espoir d’arracher chaque être à sa parcelle d’ego pour participer – à son petit ou grand niveau - au chantier de l’espèce. Tendre vers le meilleur pour tous les passagers (hommes, femmes, autre genre, enfants, animaux, plantes, arbres...) de la planète. Et à défaut d’y parvenir : ne pas rajouter du pire. Un vaste boulot. Tenter, malgré ses imperfections, de transmettre aux générations futures de belles œuvres. Laisser dans son sillage de la beauté et de l’espoir. Et une belle énergie de vivre. Comme nous l’offre ces deux hommes. Superbe cadeau.
Un troisième tweet pointe son nez. Du pathétique ou de l’élégance ? Ce sera la surprise. En parler ou non ? Désormais, une décision : ne plus évoquer le pathétique. Le garder pour mon désespoir chronique. Semblable à celui de nombre d’entre nous, face au spectacle en cours. Et dont nous sommes des acteurs et actrices au quotidien. Toutefois, important de rajouter que d’autres spectacles se jouent un peu partout sur la planète. Mais avec moins de bruit que celui des jeunes et des veilles grandes gueules. À nous tous de prendre le temps d’ouvrir nos yeux et nos oreilles sur tous les beaux spectacles contemporains. Qu’il s’agisse d’une gestuelle individuelle ou collective. Pas que des jeunes et vieux pathétique sur la planète.
La preuve par ces deux hommes en vidéo. Et derrière eux, la forêt de gens bien. Tous ces mortels imparfaits - sans qui on serait déjà dans le mur. Des petites et grandes mains qui pèsent de tout leur poids sur notre véhicule en orbite. Certains ne sont pas très actifs pour le ralentissent. Chaque être fait comme il veut et peut. Parmi les non-actifs sur le frein, certains essayent au moins de ne pas rajouter leur cuiller de boue à la coulée mondiale. Autrement dit, une foule de belles et beaux représentants de notre espèce. Autant essayer de les éclairer plus que les jeunes et vieux propagateurs de boue et de division. Pas facile pour ceux - dont je suis - de quitter leur posture sombre. Un pessimisme devenu chronique. Et nourri de lucidité. Même si l’un et l’autre sont inutiles. Voire même nourrissant la machine à broyer le vivant. Elle a besoin de désespoir pour pouvoir prospérer. Et vivre sur le cadavre de nos utopies intimes et universelles.
Néanmoins difficile de ne pas être pessimiste face au spectacle en cours. Et pas uniquement sur certains plateaux télé ou studios de radio. Ni que parmi la population qualifiée de beauf et bas du front. Aucun milieu et QI n’échappent à cette vague de fond. Plutôt d’absence de fonds et de sens. De plus en plus complique de résister à l’ engluement généralisé dans un spectacle désormais planétaire ; avec le scénario transmis chaque jour sur nos smartphones. L’intelligence de notre espèce aurait-elle implosé ?
La question a sa réponse chaque jour. Notamment en assistant à la course cerveaux à terre de certaines et certains – qualifiés de penseurs et de membres de l’élite - pour quelques followers de plus et une place près de la machine à faire briller son nombril. Et faire du « lèche buzz ». Comme le vieil indigné côté « billet boue ». Mais pas que les médiatisés à participer à ce spectacle. Nous aussi. Appeler son téléphone pour savoir où il se trouve. Je l’ai fait récemment. Une scène certes comique. Mais tutoyant le tragique. Qu’en pensent nos animaux de compagnie ? Leurs maîtres et maîtresses tenus en laisse toute la journée. Mais avec un distributeur de croquettes numériques.
Du pathétique au sinistre. Nombreux à le dire et l’écrire. Même des êtres refusant de céder à juste titre à la facilité du pessimisme. Toutefois sans être dans le déni de la réalité. Nous vivons une pollution mentale à très grande échelle. Des pesticides balancés en permanence sous nos crânes. Les refuser ? C’est possible. Mais ils arrivent toujours à se glisser à travers nos smartphones et autres tablettes. Certes à des doses moindres que certains cerveaux plus exposés au « sulfatage mental ». Après les campagnes du monde, le remembrement de nos cerveaux ? De moins en moins de bio-diversité sous nos crânes ? Même en faisant un effort, il est difficile d’être optimiste. Des jours heureux, on ne voit plus que le dos. Et le chaos surjoué sur nos écrans.
Pour autant pas une raison pour polluer plus les autres spectateurs. Le besoin d’inoculer son pessimisme et d’étaler sa lucidité : une attitude aussi pathétique que celle du jeune et vieil indigne ? Une voix m'indique que j'ai dépassé mon taux de digression quotidien. Concluons donc en revisionnant la seconde vidéo. Pour se reprendre une dose de beauté et de grande élégance. La belle image de deux hommes prouvant que l'irréconciliable peut avoir une fin. Et que rien n'est jamais foutu ; sauf si on accepte de travailler pour le désespoir. Ces deux hommes sont morts. Mais leur élégance humaine reste.
Sur notre Dancefloor en orbite.