Des semaines en mode baston. L'atmosphère dans tout le pays sentait l'affrontement physique. Plusieurs copines et copains étaient même prêts à en découdre. Dont une militante qui a pris la violence de plein fouet en tractant. Des polémiques très violentes quasiment front contre front. Sans doute qu’il y a eu des insultes et des bagarres ici et là. Le terme « kourave » reprenant du service dans certains quartiers populaires. Soudain replongé dans une adolescence baignée dans le langage argotique. Avec dans la tête, des mots qu'on essaye de tenir en laisse aujourd'hui. Pour ne pas choquer. Ils sont remontés à la surface. Retour de la langue de la rue. Brutale. Répondre à sale nègre ou à sale bougnoule par la même langue bas du front ? Comme plusieurs fois lors de l’adolescence. Fort heureusement, la pression a fini par retomber. Que faire maintenant ?
Tout reste à faire. Mais une très grande flemme. Écrasé à l’avance par le poids de tout ce qui reste à faire. En soi et dans le pays. Sans oublier l’Europe et le monde. Le bordel partout. Dedans et dehors. Par quoi commencer ? Rien que la question est pesante. Sans doute pas pour les militants et celles et ceux habitués au combat quotidien. Ce qui n’est pas mon cas. Et d’autres. Jamais militant, ni encarté. Et ça ne changera pas. Mais force est de constater que ce ne sont pas les gens comme moi qui font progresser. L’espoir est un chantier. Qui le fait tourner ? Une foule de petites mains. La plupart œuvrent dans l’ombre. Des petites et grandes voix sont aussi au labeur. Sans cette mécanique, l’espoir ne serait qu’un mot. Grand merci à celles et ceux qui font. Pour réparer et améliorer le présent. En pensant à l’avenir. Léguer de l’espoir. Et du rêve.
Plusieurs copains et copines se sentent dans un drôle d’état. Entre réalité et fiction. Dans un d’entre-deux. Sans doute que beaucoup se trouvent dans ce même état dans tout le pays. Dans une sorte de « décompensation nationale » ? Et maintenant ; qu’est-ce qu’on fait ? La question de nombre de non encartés, non-militants, ou non-engagés dans des associations ? Une question qui se pose pour beaucoup. Nombre de non-militants ont été secoués par l’inquiétude d’une arrivée de l’extrême-nuit. Tour à tour abattus et en colère. Mais impuissant. Sauf à se déplacer et mettre un bulletin dans l’urne. Jamais facile pour les « indécrottables anars » de se retrouver dans un isoloir. Mais bon ; pas le moment de tortiller du cul. Après le ouf de soulagement, l’arrivée des interrogations. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Plus cette question. Comment faire en sorte que ça ne reproduise plus ? L’interrogation ayant pris le relais. Remettant en cause certaines habitudes.
Sans doute que beaucoup vont les changer. Une ruée sur les partis politiques ? De très nombreux nouveaux encartés ? Un afflux de sang neuf dans les syndicats ? Sûrement que les partis vont attirer de nouveaux venus. Se sentant seuls et en quête d’une famille. Et peut-être que les partis vont récupérer leurs anciens encartés déçus de la politique des appareils. D’autres vont se diriger vers le milieu associatif. Chacun et chacune choisira sa forme d’engagement. Avec le désir d’apporter sa pierre à l’édifice commun. Le consolider et le protéger. Pour qu’il ne passe pas un jour entre les mains de l’extrême pire. À toute chose, RN est bon. La politique n’est plus entre les mains que des politiciens, des communicants, et des médias. Comme lors des gilets jaunes, elle leur a échappée. Et on les a senti inquiets. Le petit peuple n’est plus un mouton. La politique est redevenue un outil individuel. Pas uniquement sa carte électorale. Chaque citoyen et citoyen de ce pays avec désormais la politique en bandoulière. Plusieurs dizaines de millions de République ?
Certains ne changeront pas du tout leurs habitudes. Et j’en fais partie. Ni encarté, ni engagé. Un tort ? Sans doute. Surtout en des périodes de haute confusion comme aujourd’hui. Mais je ne suis pas fait de la chair militante, pour laquelle j’ai beaucoup de respect. Elle vient encore de sortir tout le pays d’une merde noire. La France et le monde ne doivent pas compter sur moi. Et d’autres de mon genre. Mon seul acte d’engagement concret a été de me déplacer dans une école au bout de ma rue. Pour le reste, guère doué pour changer le monde. Si c’est en parole autour d’un verre de vin à rallonges. Autrement dit, une sorte d’égoïste. Arrimé à son clavier. Comme à une bouée de sauvetage.
Sauf si on considère qu’il y a toutes sortes d’engagements. Ce blog en est-peut-être un. L’écriture en général. Monter sur une scène de théâtre. Filmer. Peindre. Danser. Chanter. Jouer de la musique. Donner des cours d’histoire en collège et en lycée ; à mon avis, ce sont ces enseignants qui empêcheront peut-être de devoir redire « Plus jamais ça. ». Conduire un bus. Ramasser les poubelles des villes et des villages. Faire du pain. Ensemencer la terre. Grimper sur une échelle de pompier. Faire une piqûre dans un hôpital. Opérer un cœur. Apprendre à lire à des élèves. En réalité, un très grand nombre d’engagés sans carte. Juste essayant de travailler avec du sens. Pour soi et les autres. Et inversement. Avec une carte très importante. Laquelle ?
Sa carte de doute.
Se bouger. Continuer d’avancer. Cette bouffée nationale (pas nationaliste) d’espoir a indéniablement rechargé les batteries. Même si, en ce lundi, on a du mal à émerger. Encore un peu dans les vapes républicaines. Mais le chantier continue. Chacun et chacune avec ses outils. Pour travailler sur le bel édifice qu’est la démocratie. Et le moins pire des moyens de gouverner, disait je ne sais plus. Une affirmation intéressante. Finalement, on s’est rendu compte que ce « moins pire » est pas mal. Pour ne pas dire essentiel. Trêve de blabla. On retourne au chantier.
Après la flemme, le retour de la flamme. À nouveau le désir de continuer d'être et faire. Après le passage des flammes des fascistes. La majorité des électeurs de l’extrême droite ne le sont pas. Seule une minorité est réellement raciste, antisémite, homophobe, etc. Contrairement à la direction de ce parti à l’ADN fasciste. Même derrière de nouveaux visages souriants. Leurs flammes brunes n'ont pas réussi à brûler tout le pays. Mais elles ont occasionné nombre d’incendies. Notamment sous beaucoup de poitrines et de crânes de France. Fort heureusement, d'autres Jeux olympiques ont commencé avant l’heure. Plusieurs millions de citoyens et de citoyennes se sont lancés dans une course de relais républicaine. Avec une autre flamme. Évidemment différente de celle des jeux. Pas question de business et gros spectacle. C' était la flamme de l'espoir. Une course de relais d'isoloir en isoloir. Se passant de main en main la flamme citoyenne. Dans quel but? Pour mettre à l'abri les lumières de notre démocratie. Mission accomplie. Mais le danger est toujours présent.
Vigilance républicaine.
Comment conclure ce dernier billet sur la « folie nationale » depuis plusieurs semaines ? Par les mots d’un très vieil homme. Il marche dans une ville de France. Ce n'est pas n'importe quel jour pour lui. Il a eu 103 ans ce 8 juillet. « Quel est le secret de la longévité intellectuelle ? » La question d’un journaliste. « Le seul secret est l’amour et la curiosité ». Une réponse avec un visage réjoui. Qui est cet homme prêt encore à l’amour et à la curiosité à 103 ans ? C’est Edgar Morin.