Cesser d’écrire sur la noirceur contemporaine. Celle issue de notre espèce. Les mots n’empêchent jamais le sang et les larmes de couler, ne détournent pas la trajectoire d’une balle d’un missile, ou tout autre objet connecté arracheur de vies. Inutiles sur le terrain. Sans la moindre influence sur la réalité. Ferme ta boîte à parole puisque tes mots auront moins d’effet que le baume de certains silences. Chaque fois, la même tentation de laisser ses mains loin du clavier, fermer l’écran. Se terrer dans un profond mutisme. D’un seul coup, les mots semblent dérisoires. Comme un bruit parasite. Presque un manque de respect, face aux morts et aux blessés. Lesquels ? Peu importe leurs origines, leur passeport, leur langue.. Leur identité est souffrance. Des corps humains blessés ou arrachés à la vie.
Toute vie arrachée intentionnellement est une défaite de l’humanité. La vôtre, la mienne, celles de tous les vivants. Et de la mémoire du monde. Jamais une victoire d'arracher une existence de la surface de la planète. Même lors de combats considérés légitimes. Comme notamment celui des résistants et des résistantes en France, en Europe, et ailleurs dans le monde. Résister ou chercher à se libérer d’un joug ne se font jamais sans dégâts. Toute révolution ou résistance à une oppression génère des victimes.Tenter encore de questionner l'indicible ?
Revenir à la vision d'horreur tournant en boucle sur les écrans. Des résistants ? Pas du tout. Les barbares ayant déferlé sur Israël ne sont pas des résistants. Ne pas tout mélanger. Rien à voir du tout avec les résistants et résistantes du passé et d’aujourd’hui. Ils ne représentent que leur haine aveugle. Faisant couler le sang en leur nom. Un patronyme porté depuis la naissance. Le nom, les mains, le visage, d’un assassin. Rien à voir avec un résistant défendant une cause et un idéal. Non. Ce visage n’agit pas au nom de tout un peuple qui mérite mieux comme ambassadeurs que des tueurs, des violeurs, etc. Ne pas confondre le Hamas et la majorité de la population palestinienne. Le même drapeau, pas la même humanité. Ce groupe terroriste ne représentent pas non plus l'ensemble des musulmans de la planète: plusieurs centaines de millions d'individus pour la plupart horrifiés des actes abominables de ces tueurs. Ne pas mettre toute une population dans le même sac que ces arracheurs de vies. Dénoncer le gouvernement israélien n'empêche pas de condamner fermement les horreurs du Hamas. Et d'essayer d'interroger la complexité d'un nœud qui date de 75 ans. Et de plusieurs millénaires. Un nœud gravé dans le sable de trois religions. Sous un ciel sans aide de Dieu. Et, pour celles et ceux qui y croient, sans la moindre empathie pour leur souffrance. Leur dieu toujours aux abonnés absents. Contrairement aux avions de chasse et missiles.
Quelles sont les motivations de cette déferlante meurtrière ? La destruction d'une population. Pas un acte de résistance. Des tueurs motivés uniquement par la haine. Venus assouvir leur désir de vengeance. Commettant des atrocités sur des femmes, des enfants, des hommes, des jeunes, des vieillards, des vieillardes... Avec, comme chez les intégristes de toutes les religions, la haine des femmes libres. Ils sont mus aussi par la volonté de prise de pouvoir sur leur propre population extrêmement fragilisée et donc manipulable. Des hommes aussi barbares que les dirigeants d’un état tuant, blessant, spoliant, humiliant, tout un peuple étouffé-depuis de trop nombreuses années. Barbares contre barbares. Et toujours les mêmes qui trinquent. Des civils palestiniens et israéliens. Deux populations coincées entre les mâchoires de la barbarie. Assignées à l'horreur. Loin, très loin, de l’intelligence humaine. Celle qui devrait trouver une solution. Tout faire pour sortir de l'impasse de sang. L'intelligence peut-elle encore agir sur le réel ?
Difficile d'y croire. Surtout dans ce conflit qui semble sans fin. Sans doute l’un plus longs et le plus compliqué de notre histoire contemporaine. Un nœud indénouable ? Indéniable qu’il y a des colons, et des colonisés ; des injustices flagrantes et un territoire de plus en plus réduit au fil des décennies, une situation intolérable dénoncée par nombre d'anonymes et de personnalités à travers le monde, dont des israéliens refusant de se voiler la face. De plus, les tensions se sont largement accentuées avec l'arrivée d'un gouvernement d’extrême-droite ultra-violent, arracheur de vies. Des dirigeants rajoutant sans cesse de l’huile sur le feu. Prêts à tout pour diviser. Nombre d'israéliens et d'israéliennes sont contre leurs actuels gouvernants de va t'en guerre. Se souvenir des récentes manifs dans plusieurs villes de Israël. Mais dans tous les cas, la brutalité de ce gouvernement ne justifie d’aucune manière l'horreur des attaques sur des civils israéliens. Un conflit parmi d’autres chantiers de destructions en cours sur toute la planète. Pas un siècle pour rattraper l’autre. L’horreur est un marronnier de l’humanité.
La connerie humaine fait plus d’enfants que l’intelligence. Guère un scoop. Depuis la nuit des temps, l’homme ne peut s’empêcher de faire couler le sang du voisin. De destruction en massacre. Rien de nouveau dans le chantier de violences de l’espèce humaine. Si peut-être la vitesse de propagation des images des saloperies que l’homme - très imaginatif en termes de destruction de toutes sortes - est capable d’infliger à ses semblables. Le Smartphone est devenu aussi une arme. Le miroir de la jouissance sanguinaire. Je tue, je viole, donc je suis. Miroir numérique ; dis-moi que je suis la plus belle des ordures. Non. Comment ça ? Tu n’es pas la plus belle des ordures. Vous êtes très nombreux et nombreuses dans ce cas. Pas un peuple sans ses ordures. De tout temps. Grande concurrence dans le domaine de l'ignoble et l'horreur. Foule sanguinaire dans le miroir international des ordures. La fin de l'intelligence humaine ? Une question qui peut se poser. Pas pire espèce destructrice que la nôtre.
Que faire ? Désespérer ? Se résigner ? Se taire ? Regarder ailleurs ? Profiter de soi, de ses proches, du temps qui passe, en se débranchant de la réalité planétaire et du coin de sa rue ? Se protéger derrière un rideau d’indifférence ? Pour ma part, c’est finalement non. Pas d’indifférence. Ni non plus de s’empêcher de jouir à cause de l’horreur sur son écran. Profiter du meilleur. Même infime. Recevoir et transmettre. Continuer. Vivre avec la boussole du rêve. Conserver le plus possible de désir pour ne pas céder aux sirènes de la nuit. Croire toujours au retour de l’aube. Sans elle, à quoi bon qu’il batte sous notre poitrine. Quel intérêt de respirer sans la perspective de voir le jour se lever. Continuer malgré le pire qui est passé par là, qui repassera par ici. L’horreur est très mobile et sait changer de masque. Jamais, elle disparaîtra entièrement. Pourtant, il faudra essayer de ne pas la laisser s’emparer de l’essentiel de chacun, de chacune, et des autres genres. Notre ultime protection. Quel est cet essentiel ?
Sa part d’humanité à ne jamais céder. Revenir toujours à elle. Même dans les moments les plus durs. Le seul moyen de ne pas ressembler aux arracheurs de vies en tout genre. Se battre contre soi, sa souffrance légitime. Sans doute le combat le plus difficile est sous sa peau. Refuser de porter le masque d’un barbare contre un autre barbare. Tout faire pour ne pas être pris dans la spirale tentante - surtout après avoir été blessé, meurtri, amputé d’un ou plusieurs êtres chers - de se fondre dans la foule haineuse, et porteuse d’une vengeance appelant toujours la vengeance de l’autre camp. Encore une fois plus facile à écrire qu’à faire. Pourtant un vrai combat. La lutte pour ne pas se perdre. Résister à l'appel du pire. Comment tenter d'y parvenir ?
Certes pas simple tous les jours. Les tentations de baisser les bras, aller au plus facile, seront bien sûr fort nombreuses. Quel chemin emprunter pour ne pas s’enfoncer dans un raccourci ? Revenir toujours à soi. Ce qui nous pousse chaque matin à nous lever. Mettre un pied devant l’autre. Avancer à son rythme. Continuer sa trajectoire. Remettre sans cesse son désir d’être sur le métier de vivre. Pour soi. Pour ses proches. Pour les autres passagers de la planète. Pour cette humanité qui mérite mieux que ces putains d’images récurrentes d’un monde à feu et à sang. Toujours le projet de rester debout. En soi. Et avec les autres. Occuper sa place. Avec encore la volonté de rester à bord de l'humanité. Malgré la folie meurtrière des humains.
Rester à hauteur d'être.