« Quelle est ta propre part au désordre dont tu te plains ? »
Sigmund Freud
« A quoi bon prendre la vie au sérieux, puisque de toute façon nous n'en sortirons pas vivants ?» Alphonse Allais
Peut-être l'un des derniers écrans incorruptible. Sans aucune fake news. Ni colonisation possible de l’intelligence artificielle. À l’abri donc de toutes les impostures générées par les nouvelles technologies. Aucun imposteur et impostrice avant l’arrivée du numérique ? Si. Mais la différence est que les imposteurs publics étaient moins nombreux. Contrairement à aujourd'hui. Avant les réseaux sociaux, leur parole était invisible d'un large public. Nettement plus difficile de s’adresser à plus que ses proches quand on n'évoluait pas dans les médias, la politique, et le milieu culturel. Tandis qu’aujourd’hui, chacun, chacune, peut développer sa petite imposture et la balancer sur les réseaux. Et, en notre ère de « doulourocentrisme » on peut communiquer sur sa douleur et celle de sa famille ; pas pire souffrance au monde que la mienne-la nôtre. Une sorte de courrier des lecteurs intégré à chaque tablette. Toutefois, la foule de commentateurs n’est pas composée que de pourvoyeurs d’impostures, de haine et de divisions. Le meilleur côtoie le pire sur les réseaux sociaux. Comme dans ce qu'on a rebaptisé " La vraie vie". Miroir, Ô mon beau miroir, dis-moi si je suis celui ou celle que je montre au monde. La réponse est votre regard.
Tu ne mentiras point. C’est sans doute la première fake news de l’humanité. Les religions, sans exception, en ont pas mal balancé. Tu ne pécheras point. Tu ne tueras point. Plus nombre de « tu ne » que je ne connais pas. Si tous les commerciaux et adeptes de Dieu s’y étaient tenus, les fosses communes et les cimetières seraient beaucoup moins remplis. Néanmoins, les religions n’ont pas le monopole de ce genre de slogan pour attirer le chaland. Les communicants et autres vendeurs de tout et son contraire en ont aussi pas mal à proposer. Sans oublier non plus les politiques. À ce propos, la plupart des partis et des mouvements fonctionnent plus ou moins comme des sectes (encore me faire des amis), avec leurs excommunications, mises au placard, haro sur le traître ou la traîtresse, etc. Chaque groupe de militant et militantes rêvant d’élever son gourou ou sa gouroute au premier rang du pays. Un appel à l’abstention ? Chacun chacune libre de son choix. Horizontal le miroir dans le bureau de vote. En 2027, un gourou ou une gouroute à l’Élysée ?
Facile de taper sur les religions, les politiques, et les communicants. Ils n’ont pourtant pas tout le marché de l’idolâtrie. Même athée, de la religion et des élections, on peut avoir ses gourous. Chanteur, acteur, écrivain, peintre, cinéaste, philosophe, sociologue, psy, sportif… Le terme gourou est peut-être fort. Sans doute. On peut bien sûr évoquer l’admiration. Qui n’a pas admiré un artiste ou un sportif ? Suffit de voir les murs des chambres des ados. Désormais, l’affichage de ses idoles se fait sur écran. Autre temps, autre papier peint de ses admirations. Certaines plus intéressantes que d’autres ? Les mêmes propos sortis de la bouche d’adeptse de religions, de partis et autres mouvements et groupes; celui ou celle que j’admire est mieux, plus sincère, plus plus, que ton icône à toi. Rien de nouveau. Et ça ne changera pas. L’humain a besoin de croire. Chercher au fond une réponse à l’absurdité de l’existence. Colmater les brèches où s’insinue la nuit sans fin à venir qui nous fout tant la trouille. Croire en ci ou ça pour se sentir moins seul sous sa peau de mortel ? Rien de plus naturel. Même pour les adeptes de l’athéisme.
Indéniable que certaines croyances font plus de dégâts. Comme par exemple, on y revient toujours, les religions. En ce moment, l’une d’entre elles fait couler beaucoup de sang, encre et pixel. La citer ? De nos jours, suffit de dire religion pour qu’on sache de laquelle on parle. Elle est tête de gondole dans les médias. On ne peut nier qu’elle est la plus meurtrière en ce jeune siècle. Même si, en notre ère de pensée courte et impasse, il me semble important de rappeler que – fort heureusement pour le monde entier- les meurtriers ne sont pas les environ deux milliards adeptes de ce culte. Une religion dont les médias et les politiques se nourrissent au quotidien. Elle est au menu aussi au café du commerce. Pendant ce temps, les autres religions sont peinardes et peuvent « intégriser soft ». Avec toujours le même bouc émissaire commun : la femme. Aux États-Unis, le président nouvellement élu jure sur la bible. Dans d’autres pays, le GPS est le Coran, la Torah, le livre de l'hindouisme, le livre des moines tibétains, et autres jeunes et vieilles croyances hors-sol. Les conflits d’aujourd’hui ne sont-ils pas au fond des guerres de religion ?
L’une d’entre elles est la plus forte. Désolé de radoter, mais indéniable que la religion la plus puissante reste le fric. Tout a été dit et sera redit sur le sujet. Inutile donc d’épiloguer. Passons alors à une religion quasiment aussi puissante. Celle de son ego. Du bas en haut du panier. Notre ego. Avec sa course au dernier mot, occuper le centre, couper tous les egos qui nous font de l'ombre. On peut y ajouter son nombril. L’un et l’autre fonctionnent souvent en binôme. Surtout en notre époque de psychés mobiles (ce blog en fait partie) tendu sur le fil numérique. Combien de petites et grandes saloperie que notre ego aura généré ce vendredi 8 novembre 2023 ? Sous son toit, au bureau, dans la salle des profs, la cour du collège, sur le comptoir, en bagnole, dans l'ascenseur, au supermarché… Non, pas moi, je pense et agi bien, impossible que ça m'arrive à moi qui pense bien, vote bien, lit bien, mange bien, rêve bien, réfléchis bien... Et mon QI, c’est du poulet ?
Un leurre de se croire à l'abri des crocs de son ego. Et des mirages de ces certitudes. La culture et la possession de la bonne boîte à outils humaniste ne changent rien à l’affaire. Suffit de voir les ordures qui naviguent dans les mondes culturels soi-disant ouverts sur l’autre et le monde. Personne, ni aucun milieu, n’est à l’abri de l’ego dévastateur et aveuglant. Les plus gros d’entre eux ont souvent de très bons camouflages et armes de défense. Dans tous les cas, balayer devant le seuil son ego est très compliqué. Surtout surtout si sa porte est bien verrouillée et les fenêtres murées. Difficile quand on s'est persuadé que le salaud ou la salope se trouve toujours de l'autre côté de soi et sa famille, dans le bureau d’en face, chez ses voisins, le parti adverse, la religion de l’autre, les pratiques sexuelles différentes des siennes, l’assiette non conforme à son menu, la pensée qui n’est pas la sienne… En bref, la saloperie ne se trouve bien sûr jamais chez soi. Encore un dégondage de porte ouverte ?
En effet, nombre d’écrits, de films, d’essai, ont traité le chantier de l’ego. Et beaucoup mieux et profondément qu’un billet d’humeur. Que faire contre cet ego carnassier ? Peut-être un début de solution, pas de guérison. Quasiment impossible de guérir de son ego et nombril. Mais la possibilité, quand ce duo se croit la première merveille de l’humanité, de le faire taire de temps en temps. Et en profiter pour aller voir son psy. Le hic avec lui est qu’il ne parle jamais. Mais l’écouter peut être très bénéfique. Sans bien sûr l’interrompre. Cesser de parler et de s'agiter dans tous les sens sur nos écrans à rallonges. Fermer sa boîte à ego et faire travailler ses oreilles. Entendre et écouter.
La parole de son miroir.
NB : Si les réalisateurs du court-métrage ne souhaitent pas voir leur film en illustration de ce billet, qu’ils n’hésitent pas à me le signaler. Et je le supprimerai. Dans tous les cas, bravo et merci pour ce film très fort.