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Mouloud Akkouche

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Billet de blog 9 juin 2015

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Fier d'être de souche

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

         Plus que peu de temps à rester ici. J’ai l'impression que ça fait une éternité que je suis sous le même toit. Une situation  certes très agréable. Mais j'ai envie de changer d'air. Personne n'a encore vu mon visage. Même pas moi. Pourtant je sais qu'il est là. A portée de mes doigts. Pas de miroir pour savoir si je suis un beau gosse ou pas. Ni connaître la couleur de ma peau et découvrir mon regard. Plongé dans l'obscurité, le silence de l'attente. A part quelques bruits, je ne sais rien du dehors. Bientôt la surprise.

Aujourd'hui, je suis bien au chaud dans mon premier pays. A l'abri. Je me contente de vivre au jour le jour, sans me soucier du lendemain. Ni du lieu où je vais-je atterrir. Quartier populaire ou centre-ville? Campagne ou métropole? Chez des athées ou des croyants ? Des abrutis ou des gens bien? Des riches ou des pauvres ? Aucune idée de ceux qui m'invitent sur la planète. Obligé de me laisser porter par le hasard de la loterie humaine. Qui vivra verra.

Quoi qu'il advienne après ma sortie, je n'oublierai jamais d'où je suis issu. Où sont mes racines ? Dans le ventre d’une inconnue. Intime inconnue. Des mois qu'elle me porte, de l'aube à la nuit. Mon premier pays, c'est elle. Même sans y être pour grand chose, je suis fier de mes origines. 

Très fier de ma souche utérine.

Chaque jour me rapproche du monde. Seule une cloison me sépare de lui. Comment serai-je accueilli ? A bras ouverts ou le regard triste ? Le bienvenu ou pas désiré du tout ? Je n’en sais rien. Juste quelques sensations. Les caresses sur mon pays tout rond et les rires fréquents de l’autre côté. Je sens quand elle se tord de rire. J’entends aussi beaucoup de musique. Toutes sortes de musiques, parfois assourdissantes. La radio souvent allumée. Mes voisins aiment faire la fête. Beaucoup de joies en perspectives. Sûrement bien m’amuser avec ceux qui m'ont invité à les rejoindre. On verra bien. Pas me projeter avant d'être né.

Parfois, j’ai hâte de sortir. Respirer enfin l’air de l'autre côté de la cloison. Ouvrir les yeux sur les lumières de la vie. Voir et être vu. Je suis pressé d'attraper la queue du Mickey de mon manège. Tourner, tourner… Profiter de chaque nouvel instant. Prendre la planète dans mes bras. Etre et avoir. Rire et pleurer. Vivre mon histoire.

D’autres fois, j’appréhende ma sortie. Presque à chercher une planque pour ne pas sortir. Et si tout était pourri dehors ? Sans aucun intérêt. Un monde absurde. Et si je n'étais pas à la hauteur ? Des questions que je ne cesse de me poser. Ces bouffées de peur me viennent de plus en plus souvent à l'approche du grand voyage. Difficile de quitter ce territoire que je connais par cœur. Inquiet devant l’inconnu. Quel avenir m'attend en sortant de ce ventre ? Plonger tête la première dans l'exil.

Ça bouge plus que d’habitude. Je suis ballotté dans tous les sens. Impossible de m’accrocher. Je crois que cette fois c’est la bonne. Beaucoup de bruit autour de moi. Incroyable comment tout tangue. Elle respire de plus en plus vite. J’ai la tête qui tourne, la poitrine serrée. Étrange sensation. Comme si j’étais aspiré. Vite, très vite. Sans aucun doute le jour de ma naissance. Je sens que je vais déménager. Quitter mes vraies racines. L'impression que ma poitrine va imploser.

Ma première migration.

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