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Billet de blog 9 juillet 2024

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Parole d’ombre

Son rire traverse le ciel étoilé. Je regarde le rosier. C’est lui qui nous a donné une bouture. Je suis assis. Seul. En apparence. La table est entièrement occupée. Par lui et d’autres. Tous ces fantômes qui sont le tissu d’une histoire. Des membres de sa famille ou des amis. Parfois, ils traversent la paroi du temps. Pour venir s’attabler à notre solitude.

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Illustration 1
© Marianne A


           Son rire traverse le ciel étoilé. Je regarde le rosier. C’est lui qui nous a donné une bouture. Je suis assis. Seul. En apparence. La table est entièrement occupée. Par lui et d’autres. Tous ces fantômes qui sont le tissu d’une histoire. Des membres de sa famille ou des amis. Parfois, ils traversent la paroi du temps. Pour venir s’attabler à notre solitude. 

          Qu’aurait-il pensé de ça ? Comme aurait-elle réagi à tel ou tel propos ? Me serait-il rentré dans le lard à ce que je viens de dire ou d’écrire? Des questions bien sûr sans réponse. Mais elles nous permettent d’interroger l’indicible. D’aller chercher des sources pour tenter d’éclaircir le réel. Surtout dans les grandes périodes de confusion. Et de doute.

          Ces invités de l’autre côté du rideau ont du poids. En tout cas les hommes et les femmes qui ont compté dans sa trajectoire. La nourrissant. Avec des hauts et des bas. Quelques fois des heurts. L’amitié n’est pas un tapis de roses. Pourquoi leur présence invisible a-t-elle de poids ? Car on aimerait être à leur hauteur. Libérés des vanités et des mesquineries de nous les vivants. Les morts n’ont plus aucun ego. Ni d’ambition.

          Que pense chaque fantôme attablé au bord de cette nuit ? Je voudrais tant les interroger sur ce qu’on vit aujourd’hui.  Écouter leur point de vue. Le regard sur notre monde d’amis sur la touche à perpétuité. Débarrassé du désir de briller, occuper le centre, on doit y voir plus clair. En soi et autour. Certes de l’enfonçage de porte ouverte. Parfois, un coup d’épaule dans le vide peut réserver des surprises. Un angle de vue inédit.

           Leur absence vient de temps à autre frapper à la porte de notre histoire. Nulle obligation de leur ouvrir. Aucun souci ; les absents n’insistent pas. Mais quand on leur ouvre, important d’être à leur écoute. Pour recevoir la parole invisible. Celle qui n’a rien à gagner, ni à perdre. La seule gagnante est l’oreille ouverte. Pour accueillir une parole libre. Et éclairante.

         Des pas très bruyants.  Ils occupent tout le silence. J’esquisse un sourire. Les fantômes qui viennent s’attabler. Certains passeront en coup de vent. D’autres resteront jusque très tard. Des années qu’ils vont et viennent dans ce jardin. La plupart du temps dans la nuit. Nous restons ensemble. Avec un verre de vin. Sous les étoiles qui ne jugent jamais. 

          Soudain, plus un bruit. Tous les fantômes sont rentrés dans leur absence. Continuer leur histoire sans corps. Si ce n’est celui que leur offre notre mémoire. Quand on les invite à la table du réel. Et qu’ils acceptent l’invitation. Je tends l’oreille. Un dernier fantôme pour partager cette parcelle de nuit ? Non. Plus que le souffle du silence.

         Le hérisson s’est couché.

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