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Billet de blog 9 octobre 2024

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Remède sans miracle

Le monde c’est aussi sa beauté. Comme les images sur la vidéo en illustration de ce billet. Des « rabat-beautés du monde » voudraient verrouiller notre fenêtre palpitante sous la poitrine. Et tenteront d’enrayer notre machine à penser. Pour la réduire à une seule pensée : la leur. Une façon de nous isoler. Dans quel but ? Notamment nous couper l’accès à la joie.

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               Le monde c’est aussi sa beauté. Comme les images sur la vidéo en illustration de ce billet. À force de ne regarder que les nuages sombres, on oublie le bleu du ciel. Et ses étoiles. Plus toutes les autres couleurs et lumières sur la palette de la planète. Certes difficile d’occulter l’horreur contemporaine qui tourne en boucle sur nos écrans. Toutes les vies arrachées ici ou là, sur toute la surface du globe. Des morts brutales pour quelques km de plus de territoire, pour quelques dollars de plus, pour quelques barils de pétrole de plus, pour toujours plus de plus… Que le fric et la conquête de nouveaux territoires motivant une telle folie humaine ? Non. Des existences sont détruites par une minorité de «  fascistes de Dieu ». Arrachant eux aussi des vies à leur mort naturelle. Des tueurs détestés par la majorité de leurs coreligionnaires et premières victimes de leur folie meurtrière. Les religions du fric et de Dieu sont les plus grandes ennemies de l’humanité ?

              Nous avons la réponse et des preuves depuis des siècles. Suffit de regarder l’état de notre planète pour constater les dégâts de ce deux religions. Elles ont remplis nombre de cimetières. Le plus souvent de jeunes êtres ne rêvant pas de finir dans une tranchée ou dans un désert gorgé de sang. Les commerciaux de la religion du fric et celle de Dieu ont de très nombreux accords. Mais pas que les seuls ennemis de l'espèce humaine. Tout n’est pas aussi simple que yaka et faukon. Important - même pour l'athée que je suis - de rappeler que la majorité des croyants de toutes les religions ne sont pas des tueurs. Certaines idéologies carnassières ont aussi beaucoup de sang sur les mains. Semblable sur le fond aux guerres du fric et de la religion qui ont beaucoup détruit. La liste de leur destruction est encore ouverte. Deux religions avec les plus grosses ardoises planétaires ?

            À peine commencé et déjà une digression vers le sombre. Chassez le naturel et il revient au galop. Difficile de se libérer d’un regard habitué à fouiller sous le tapis de l’époque. Néanmoins, dans ce billet, je vais essayer de tenir la bride à la noirceur. Pour se focaliser le plus possible sur ce qui nuit pas. Ni a soi, ni à l’autre, ni à la planète. Ça n’existe que dans les contes de fées et sous les crânes des utopistes ? Pas du tout. Certains aimeraient réussir à nous voiler le regard pour nous empêcher de voir la beauté, là où elle se trouve. En de très nombreux endroits. Dont sous la peau de tel ou telle être. Des « rabat-beautés du monde » voudraient verrouiller notre fenêtre palpitante sous la poitrine. Et ils tenteront d’enrayer notre machine à penser. Pour la réduire à une seule pensée : la leur. Une façon de nous isoler. Dans quel but ? Notamment nous couper l’accès à la joie.

          Comme en temps de guerre, on le fait avec les points d’eau. Boire est vital. Ainsi que manger. Essentiel aussi d’avoir un toit sur la tête. Un emploi plus ou moins rêvé. Ce qu’on pourrait qualifier de « couverture sociale ». Pour ne pas être marginalisé. Mais ça ne suffit pas. Chaque individu a besoin de plus qu’un rôle dans le trafic quotidien. On ne peut pas se contenter de remplir uniquement son estomac et celui de ses proches. Quel est cet aliment presque aussi vital que l’eau et la nourriture ? Le bonheur d’être. Encore une formule utopique ? Sans doute. Mais qui est venu au monde avec le désir d’être malheureux ? Sans doute personne. Même si, après le premier cri, arrivent très vite les maux de la réalité. Et ses beautés. La vie, quoi.

                Pas un scoop que de dire que les malheureux aiment à pourrir le bonheur des autres. Guère un hasard si on dit : pour vivre heureux, vivre caché. Pourquoi cette volonté de pourrir le bonheur de l’autre ? Par jalousie et vengeance. Se venger de n’avoir pu atteindre le Graal de l’existence. Le bonheur n’est qu'un leurre pour se lever chaque matin. Une phrase écrite il y a plus de quarante ans. Quand l’immortalité était une certitude inscrite dans ma jeune chair. Entre temps, du temps est passé. Et il en reste de moins en moins. Autant ne pas offrir des secondes précieuses aux mâchoires du malheur.

           Soyez heureux, bordel ! Sa phrase balancée en même temps qu’il claquait la portière. L'invite au bonheur d'un ours issu des mines du nord de la France. Colosse tendre et érudit. Traducteur de romans noirs vivant dans une maison isolée. Il aurait pu avoir une vie mondaine et cocktailisé, avec nombre de «  j’aime beaucoup ce que vous faites » et autres lécheculturies de salon. Mais il avait opté pour sa parcelle de solitude partagée avec ses rares amis. Amateur de bon vins et rires sous les étoiles de l'été. Très bon compagnon d'amitié. Et pourtant misanthrope ne croyant plus aux hommes. Souvent la dent très dure contre ses contemporains. Sans pour autant avoir cessé de croire en l’humanité. Il venait de perdre sa fille quand mon épouse et moi lui avons rendu visite. Après le deuil solitaire qu’il s’était imposé.  Dans sa tanière d'homme blessé.

   Je vais essayer de survivre, disait-il avec un haussement d’épaules. Ses yeux bleus vifs étaient submergés de douleur. De temps à autre, je l’observais en coin. Il fumait en boucle. Un verre de rouge jamais loin. Son visage, auparavant lumineux, était sombre et fermé. Parfois, il levait la tête. Son regard suivait le vol d’un oiseau. Un maigre sourire perçait alors son visage tendu. Une lueur dans la nuit de sa souffrance. Le vol de l’oiseau dévoilait la bouille d’un vieux gosse meurtri, resté sensible à la beauté de passage. Soyez heureux, bordel ! Dernière fois que j’ai vu sa silhouette dans le rétro de la bagnole. L’élégance d’un homme confit dans le malheur. À jamais détruit de l’intérieur. Et pourtant continuant de militer pour le bonheur.

            Chaque être le trouve où il veut ou peut. Pas de règle ni de formule magique. Contrairement à la force de vente de bien-être envahissant les médias et les étals des librairies. Des vitrines à bonheur partout dans les villes. Yoga, méditation, massage ayurvédique, Qi gong... Toutes sorte de coachs de joie. Même dans un village paumé, on peut tomber sur une plaque vissée sur un mur : Ici, vente de bien-être. Vaste marché de l’arnaque au bonheur ? Sans doute pas le seul à m’interroger sur une telle prolifération d’officine à  bien-être J’ai toujours été méfiant d’une forme de bienveillance ostentatoire : le masque le plus incritiquable de l’égocentrisme ? Tu te contredis, m’interrompt l’une de mes voix. Elle n’a pas tort. S’il n’y a pas de règle, on peut trouver son bonheur dans les écrits de gourous de la joie codebarisée ou en poussant la porte de boutiques à se faire du bien. Que cherchent tous les mortels avant le dernier voyage ? Peut-être plus que la joie et le bonheur. Quelle est la motivation de toutes ces solitudes traversant les rues des villes et des villages, tapis de sport roulé sous le bras. La question que je me pose parfois en terrasse du « Temps qui passe », un demi à la main. La force de rester vivant dans un monde moribond ?

              Pour ma part, mon tapis est un livre de poésie. Pas une journée sans en lire. Une activité reprise depuis quelques années. Je me nourris à nouveau après une longue période de «  jeune poétique ». Des poèmes tressés de petites fleurs et de vol d’ oiseaux dans l’azur azuréen. Sans oublier l’amour perdu, trouvé ou retrouvé. Bien sûr des sujets récurrents gnangnan de la poésie depuis des siècles. Mais elle est aussi autre chose. Présente. Une forte présence. Pas déconnectée du quotidien des êtres et de la planète. Sous les bombes, la poésie continue. Un parachute pour ne pas s’écraser à chaque pas dans la réalité ? Gilet ppare-balles sous la peau pour ne pas mourir de l’intérieur ? Les poètes et poétesses des zones de guerre et autres violences en parleront beaucoup mieux que moi - nanti de clavier. Toutes proportions gardées, la poésie est aussi là pour titiller les dérives de nos sociétés où il fait bon vivre. Secouer nos habitudes et soucis de riches.

           Comme par exemple la course à l’étiquetage de l’autre, avec, bien sûr, d’un côté les bons, et de l’autre les méchants. Des frontières vieilles comme l’humanité. Si tu ne penses pas dans mon sens, c’est que tu es du mauvais bord. Pour ou contre ; choisis ton camp. Je suis d’accord avec vous, mais j'ai un petit bémol… Non. Bémoler c’est déjà verser dans le mauvais camp. Et les convictions et combats légitimes ? Ça n’empêche pas l’écoute d’une autre voix que la sienne ou celle de son groupe. Autrement dit, cette façon binaire de diviser le monde est aux antipodes de la pensée complexe et de la nuance. En ce moment, le même genre de tendance à vouloir l’uniformisation du rire par des arbitres des élégances décidant du bon et mauvais humour, de la bonne ou mauvaise caricature ; selon une grille raccord avec leur sensibilité et susceptibilité. Personne n’est obligé de rire de tout avec n’importe qui. Mais nul ne peut avoir le monopole du «  bon humour ». À moins d’imposer le sien et celui des gens riant comme soi. Force est de constater que nous avons plus ou moins accepter d’endosser les panoplies de procureurs et juges entre autres numériques. Rares celles et ceux échappant à la tendance actuelle de se prendre pour des justiciers à la petite semaine. Souvent en plus pour de bonnes causes. Nombre d’entre nous sommes devenu de bons soldats de l'index tendu ?

           Prompts à enfermer l’autre, personnalité publique ou non, dans une identité figée. Ne pas l’autoriser à évoluer. Parfois des enfermements nés d’une bonne intention de départ. Certains sont même prêts à rétablir la peine de «  non-vie sociale » pour des citoyens et des citoyennes ayant payé leur dette à la société ; à ce sujet, lire ou relire, les dernières lignes de L’étranger d'Albert Camus. Ça m’est arrivé de juger à la hâte. Et de me planter. Parfois, en me croyant bienveillant, j’ai en fait blessé la personne que je voulais défendre. Après avoir pris conscience de mon jugement hâtif, j'ai supprimé deux textes de ce blog. Pas là pour alimenter la curée. Depuis, je me méfie de moi. Et de notre époque encline à nous transformer en juge les uns des autres. Tout être est plus complexe que son image. Qu’il soit connu ou inconnu. Aussi complexe que soi. Quand on se retrouve face à son miroir. Pour y lire son histoire. Celle d’une solitude imparfaite.

            Nul n’est à l’abri de se croire détenteur de la bonne pensée et de la seule vérité légitime. Compliqué de penser contre soi. Nettement plus facile de se laisser aller au fil de nos certitudes alimentées par nos us et coutumes culturels. Autour de nous que des visages connus et rassurants, avec bien souvent les mêmes points de vue que soi. Tout roule parfaitement. Pourquoi alors remettre en question une mécanique bien huilée et qui nous satisfait au quotidien. Bien au chaud dans une pensée partagée entre gens de même compagnie. Ce blog n’est pas imperméable à cette tendance au ronronnement de l’entre-soi. Avec une inclination à oublier de me remettre en cause. Foutre des coups de pompe dans la fourmilière de mes certitudes.

          Docteur, que faire contre la tentation de cesser de douter ? Je n’en sais rien. Mais vous êtes quand même docteur. Ça n’empêche pas le doute. Cette consultation ne sert à rien alors ? Si. A quoi ? À vous poser des questions. Désolé de vous le dire, mais c’est facile comme réponse. Vous avez entièrement raison. Bon, je m’en vais… Attendez, je vous fais quand même une ordonnance. Merci, Cher Docteur. Quel traitement dois-je suivre ?

          Lecture de poésie sans modération.

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