« Le jour de la mort de Brassens, j’ai pleuré comme un môme, alors que quand j’ai appris la mort de Tino Rossi, j’ai repris deux fois des nouilles. » Pierre Desproges
Déjà un mauvais jeu de mots en titre. Aussi nul que ma deuxième réaction à l'élection du milliardaire à multi-casseroles. Juste après avoir tiré une gueule d’atterrée à l’une de mes chattes. Elle est toujours imperméable à la destinée du monde. Et à la connerie de notre humanité. Mais pas à ses croquettes. Parfois, j'envie sa capacité de concentration sur son estomac. Ne lui faisant des infidélités que pour son sommeil sur un coussin moelleux. J’ai haussé les épaules et poussé un soupir. Impuissant et résigné. Face à la prime donnée à la connerie. Limite à me dire « j’en ai vraiment rien à foutre du vote des Redneck de tout sexe et couleur.». Pour se venger du moins pire (très autocentré sur son entre-soi et avec d’autres priorités que les problèmes sociaux), ils ont choisi le pire. Et en plus c’est une récidive. Le pire choix contre eux (en ont-ils conscience au moment de dégoupiller dans les urnes ? ) et la planète entière. Décidé donc à ne pas me laisser polluer par les élections américaines. Avant de croiser sur écran le regard du nouveau patron du monde. Homme ou robot ?
Chaque fois, il se relève. Même après avoir reçu une balle au bord de l'oreille. Blessé, il brandit un poing vengeur avant d’être exfiltré par sa garde rapprochée. Un cobaye ( cowboy) pour étudier la résilience ? D’autres, après avoir frôlé la mort, se seraient interrogés sur le sens de la vie. Sans doute en prenant du recul avant de replonger dans la « fosse à vanités » de notre siècle passant son temps à se prendre en selfie. Pas du tout ce qu’il a fait. Replongeant à peine soigné. Toujours debout et au combat. Il me fait penser à un personnage de James Bond. Le géant avec une mâchoire d’acier. Une image m’a marqué ; à la fin d’un épisode où il était censé être mort, le colosse ressort de l’eau. Prêt à en remettre une couche dans le prochain épisode. Pas assez calé en Jamesbondieuserie pour donner le titre du film. Juste un petit instant ; on me parle dans l'oreillette. L'homme se nomme Requin. Et le nouveau président des États-Unis me rappelle ce personnage. Le méchant pugnace et insubmersible. À une très grande différence près. Requin à la Maison blanche n'est pas une fiction.
Désormais une réalité planétaire. Le monde va en prendre plein la gueule. Des coups encore plus durs pour celles et ceux payant déjà beaucoup. Comme nombre des pauvres ayant voté pour un milliardaire sans scrupules. Mais aussi tous les autres précarisés de la planète. Avec des existences toujours au bord du vide social. Des individus et des familles heureuses de ne pas se retrouver avec les silhouettes tombées au sous-sol plus bas. Toutefois avec l’inquiétude chevillée au corps de les rejoindre. Et chuter plus bas que leur condition de déjà précaire. Qui d’autres va trinquer avec le retour de Requin ? Les êtres sous les bombes partout sur la surface du globe. Les femmes vont aussi prendre des coups. Surtout leur ventre dont on voudra leur ôter le contrôle. L'avenir est mal barré. Tu exagères, me dit-on dans l’oreillette. Il a déjà été président et le monde n’a pas été plus à feu et à sang qu’aujourd’hui. Une voix optimiste dans l’oreillette. J’ai plutôt tendance à envisager le contraire. Très dangereux le retour de Serpent aux commandes de la planète. Affaire à suivre…
Que faire ? Rien. Si ce n’est d’être en colère ou abattu. Les deux ne sont pas incompatibles. Que faire après la colère et l’abattement ? Pas de règle ni de solution miracle. On réagit comme on veut et peut. Quel que soit son mode de réaction, ça ne changera pas grand-chose à la situation en cours. Alors autant reprendre un verre de vin, raconter une connerie, se marrer, évoquer de belles choses, mettre la musique, se taire, reprendre de la glace, goûter un silence passager, se coller contre un corps aimé pour partir en orbite autour du septième ciel (en évitant de croiser l’armada de l’empereur de son néant : Elon Musk), lire un poème, en écrire un, lire et écrire un poème, ouvrir la fenêtre et répondre au salut des étoiles, s’asseoir à une terrasse et regarder le temps passer… Tant qu’à ne pouvoir rien faire, autant continuer d’être. Se faire plaisir à soi. Et aux autres.
Bien sûr pas un menu accessible à tout le monde. C’est un programme de plus ou moins nanti. Une grande partie de la population mondiale ne peut accéder à ces petits et grands plaisirs. Leur réalité est d’abord et encore de survivre au quotidien. Sale temps pour nombre de nos contemporains. Sous le ciel de France et partout sur la surface du globe. Face à nous témoins impuissants. Comme pour l’élection au États-Unis, on ne peut pas y faire grand-chose. En tout cas à notre petit niveau. Et ce n’est pas notre vote contre (en réalité, quoi qu’on dise, c’est toujours un bulletin pour) qui va changer quelque chose. Cesser de vivre à cause de toutes les souffrances du monde ? Culpabiliser à la moindre joie ? Ça ne leur offrira pas une meilleure existence.
Que peut-on faire alors pour les plus souffrants ici et à l’autre bout de la planète ? De profiter de ce dont ils profiteraient s’ils se trouvaient à notre place. Sans pour autant les oublier. Se tenir toujours au courant de leur situation. Même si notre vigilance sur ce qu'ils subissent ne leur est pas d'une grande utilité. Et s’il y a un acte concret à accomplir pour relever un être à terre, lui tendre la main. Pour qu'il revienne à hauteur d'humanité. Et si possible d’essayer de lui redonner le goût d’être debout et avancer. Tout ça dans les mesures de ses moyens. Et nous en avons beaucoup. Quand l’humanité n’est pas qu’un mot souvent employé pompeusement. Ni un terme clinquant dans les dîners en ville. Quand elle est une réalité sous sa poitrine. L’humanité toujours à bord de son être.
Comment conclure ? Une hésitation en fin de billet. Rester sur la voie de l’humour noir frisant parfois une forme de cynisme ? Passer sur la bande d’urgence des larmes ? Quitter l’autoroute des actus pour emprunter la sortie « Rien à foutre de tout ça » ? En effet, difficile de se marrer quand une grande partie de l’humanité trinque. Surtout quand on sait que le nouveau patron de la planète va rajouter des tonnes de sel sur les plaies du monde. Mais je me répète, chialer ne changera rien. Et que s’en foutre est de la non-assistance à siècle en danger. En bref, on est coincés. Du moins pour les individus équipés de la « touche empathie ». Fort heureusement la majorité de notre espèce. Quelle solution pour tenter de sortir de ce dilemme ?
Reprendre un vieux slogan de 68. Inutile de spécifier qu’il a un certain âge. Quel est ce slogan du vieux monde ? Jouir sans entraves. Non, pas d’insultes tout de suite. En réalité, il ne s’agit pas de le reprendre, mais de le détourner. Notamment en supprimant le « sans entraves » ; on sait où il a mené : entre autres sous certains draps du silence doré et complice des beaux quartiers. Jouir comment alors ? Comme on veut, toujours entre personnes consentantes - pour de vrai, comme on dit. Néanmoins, le verbe jouir ne se conjugue pas qu’avec le sexe. Il peut avoir nombre de compléments d’objet direct. Petites et grandes jouissances. Quel est ce détournement ?Jouir sans oublier l’autre. Ni le monde. Et si ma jouissance à moi c’est justement d’oublier tout ce merdier mondialisé? Une question imprévue qui me pourrit ma chute. Comment clore ce billet ?
Bon courage.
NB : Le retour du « Matou » aurait été préférable à celui de Requin. Mais, que ça nous plaise ou non, c'est un choix démocratique. Même s'il rime avec pathologique. Inutile de refaire le match. Que faire alors ? Reprendre deux fois des nouilles ?