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Pour mon vieux frangin Stéphane Rozen,
« Nous étudions non pour l'école, mais pour la vie. ».
Imre Kertész
Contrairement à ce que mon prénom indique, je ne suis pas musulman. Un athée pure souche comme radoté ici et là. Justification inutile ? Pourquoi se sentir obligé de montrer patte blanche, laïque, républicaine, etc ? Très sincèrement, je m’en serai bien passé ; mon culte ou mon absence de culte ne regardant que mon miroir. Et peut-être mes proches. Mais, depuis quelque temps, les arabes, noirs, tout ce qui est un peu métèque, sont catalogués dans la case musulman. Bref, important pour moi de rappeler ma « mécréance » pratiquante. Athée de cœur et de cerveau. C’est dit.
Pourquoi cette lettre, chère Elisabeth Badinter ? Ce billet d'humeur est né d’une interrogation à propos de « Faut pas avoir peur d’être taxé d’islamophobie. ». Certes une phrase extraite de son contexte, votre pensée plus complexe que quelques mots. Une pensée dont je partage d’ailleurs les inquiétudes sur la laïcité- très malmenée et remise en question en ce moment. Même si personne n’a le monopole de la laïcité qui, par ailleurs, n’est pas une arme de guerre massive contre telle ou telle pratique religieuse. Bien au contraire. Toutefois, votre phrase pose question.
Reflète-t-elle une part grandissante de votre pensée ? Irrépressible obsession ? Une peur sincère extrêmement envahissante ? D’autres, de plus en plus nombreux à gauche et à droite, abondent dans votre sens. Interdire le terme islamophobie ? Nier les attaques ciblées contre les musulmans en France ? Circulez, il n’y a rien à discuter. La bonne parole de notre côté. Comme si s'affirmer laïque est garant d'un humanisme et d'une moralité à toutes épreuves. Incritiquable. Les laïcs dont je suis ne représentent pas un bloc monolithique. A gauche, à droite, à l'extrême-droite, libertaires, non encartés,athées, agnostiques, adeptes d'un culte religieux, abstentionnistes... Même si la laïcité doit rester un socle indéboulonnable, les différences de points de vue existent à son sujet. Pourquoi les citoyens n'auraient pas le droit d'en débattre ?Comme pour tous les autres sujets de société. Peut-on aussi critiquer et blasphémer la laïcité?
Cela dit, je pense comme vous que ce terme d’islamophobie génère des ambigüités et des manipulations. Bien souvent un bouclier protecteur pour réfuter d’emblée toute critique de l’islam. Comme ceux qui, se protégeant derrière leur couleur ou leur religion, s’exonèrent de leurs saloperies au quotidien ou même barbarie. Dénonçant le racisme anti-blancs, j’ai eu quelques retours dont celui des Indigènes de la République me qualifiant de « Sous chien de la République » et d’un éditeur-auteur. Même si certains musulmans intrumentalisent ce concept pour être intouchables, il n'en demeure pas moins que la haine du musulman existe parmi une partie de la population. Fort heureusement minoritaire. Combien de temps encore ?
En désaccord avec des amis refusant le distinguo entre « racisme » et « antisémitisme », j’ai tendance à croire -tort ?- qu’il y a une différence. Quelles que soient les époques, la haine des juifs et les fantasmes autour d’eux remontent systématiquement à la surface. L’antisémitisme (d’aucuns préférant l’expression « judéophobie »), terme crée au 19 ième siècle, me semble plus ancré et irrationnel que les autres racismes. Le débat sur ce sujet, extrêmement complexe, est loin d’être clos. « Pour l’instant la connerie humaine est braquée sur les bougnoules, les roms, les muslmans, mais, nous les juifs, on sait toujours qu’elle finit toujours par revenir à nous. ». Ce que m’avait dit avec humour noir un copain juif. Et il a tout a fait raison. En témoignent les crachats numériques antisémites ou des tags ignobles sur les tombes des carrés juifs des cimetières ou sur les synagogues. Sans oublier les agressions physiques. Certains de ses actes sont commis indéniablement par des agresseurs se réclamant de l'islam. Qui pourrait affirmer qu’il ne s’agit pas d’attaques contres les citoyens de confession juive ? Ces vivants et ces morts ne sont attaqués que parce qu’ils sont juifs. Des actes antisémites. Point barre.
Pareil pour ces mosquées taguées entre autres joyeusetés de croix gammées, mort au muslim ou « agrémentés » de têtes de cochon. Suffit de surfer sur le Net pour lire des articles ou voir des photos. Ces mains anonymes -pas des caricaturistes - attaquaient qui ? Des bouddhistes ? Des Martiens ? Ces attaques sont ciblées et notifiées en grosses lettres sur ces murs. Voilà pourquoi, quand Caroline Fourest, ou vous cher Elisabeth Badinter, venaient expliquer qu’il ne s’agit que de racisme, j’ai un peu du mal à vous comprendre. Sale arabe, sale bougnoule, sale noir, sont effectivement des expressions du racisme. Mais « sale musulman, à mort l’islam, mort aux muslim, etc » fait référence directement à la religion ; pas à la couleur de peau ou l’origine ethnique. Une religion dans le collimateur, surtout après le sang versé à Paris par des barbares. Comment donc qualifier ces actes ? Une insulte aux chrétiens c’est de la christianophobie. Contre les juifs c’est qualifié d’antisémitisme. Et s’agissant des musulmans ?
Quel autre terme pour l'instant que l’islamophobie ? Si vous en avez un nouveau, je suis preneur. Indéniable qu'une catégorie de musulmans, intégristes ou en cours, se servent de l'épouvantail de l'islamophobie pour interdire toute critique de la religion. L'un de leurs buts étant de la suppression du droit au blasphème. Sans blasphème, pas de Siné, Charlie Hebdo ou toute autre satire. Comme la laïcité et nombre d’autres garanties républicaines, le blasphème est un élément important des mœurs de la démocratie. En tant qu’athée, cela me fait bien marrer quand les religions sont passées à la moulinette de la caricature. Même si je n'ai pas à me mêler du choix d'une femme- majeure et vaccinée- pour le port du voile ou autre signe religieux, je suis contre les asservissements de la femme par la religion.Toutes les religions s’essuyant allégremment les pieds sur les femmes. Premières victimes des religions. Un sujet a traiter dans un autre billet d'humeur ? La religion ne me paraît pas être l'avenir de la femme.
Revenons donc aux citoyens de ce pays qui sont dénigrés ou attaqués à cause de leur religion. Sale musulman n’est pas comme sale arabe. D’autant plus que la majorité des musulmans sont indonésiens. Sale arabe est une insulte raciste punissable par la loi. Critiquer la religion n’est pas un délit. Toutes les religions sont heureusement critiquables et blasphémables. Certains caricaturistes le font avec un grand talent. Mais traiter quelqu’un de sale musulman est une saloperie. Point barre.
Point Godwin atteint en illustrant ce billet par une étoile de David ? Boris Cyrulnik, neuropsychiatre très intéressant, comparait les djihadistes à des nazis. Pas le seul à faire cette comparaison. A mon avis, il a raison sur certains points. Massacrer des gosses dans une école juive de Toulouse, tuer des caricaturistes, assassiner les clients de l’hypercacher, décapiter, etc, ne peut être sans rappeler la froideur des exécutants de la solution finale. Toutefois, les contextes ne sont pas tout à fait les mêmes. Même si Dieu reste un de leurs points communs. Aujourd’hui, certains tuent en gueulant « Allah Akbar !». A une autre époque, ils déportaient et gazaient avec «Gott mit uns» à leur ceinturon. Se méfier quand même des raccourcis godwinesques. Les uns et les autres détournant la religion à des fins criminelles.
Toujours pas expliqué le pourquoi de cette étoile jaune. Elle appartenait au grand-père de mon plus vieil ami d’enfance. Il m’a autorisé à la dévoiler sur ce blog. A une des périodes les plus noires de notre histoire, cet homme, contraint de porter ce morceau de tissu plus qu’humiliant, sans doute aussi déchu de sa nationalité, y avait accroché ses décorations de guerre. Un geste courageux et plus que symbolique à l’époque. Braver la France de Pétain et l’occupant nazi n’était pas comme manifester ou occuper un bâtiment public en 2015. Des temps beaucoup plus durs que ceux vécus aujourd'hui dans notre pays. Pas sûr du tout, qu’a sa place, j’aurais eu ce courage. Et cette intelligence ironique d’un citoyen français face à la haine antisémite. Qu’aurait-il pensé aujourd’hui de la situation en France et dans le monde ? Il n'est jamais revenu des camps de la mort.
En tout cas, son geste particulièrement courageux m’a paru intéressant à mettre en avant de nos jours. Surtout en notre période de confusion où, sur les murs et sous les crânes, de vieux démons ressurgissent. Notamment ces sigles SS et croix gammées sur les lieux de culte musulman. Et dans les cimetières juifs. Sans oublier cet élu, au sujet des roms, expliquant que Hitler : «Comme quoi, Hitler n'en a peut-être pas tué assez... ». La référence au nazisme banalisée. Sans aucun doute, ces mains anonymes peignant de tels symboles ont autant de haine pour les homos et tous ceux ne leur ressemblant pas. Toujours plus blanc que blanc. Se rappeler le poème très célèbre: «Quand ils sont venus chercher les communistes, je n'ai rien dit... » Quand ils sont venus chercher les musulmans, je n'ai rien dit.... ? Rappeler l' horreur du fascisme ( l'islamisme dans le même panier) sous toutes ses formes n’est jamais superflu. Au risque d’avoir l’impression de se répéter, même parfois trop en faire, mal faire, et agacer. Remettre l’Histoire sur le métier de la Mémoire.
Avant de trop digresser, chère Elisabeth Badinter, je voudrais évoquer quelque chose qui semble se perdre de plus en plus. Une des couleurs de la palette humaine. L’empathie est-elle en perte de vitesse ? Cette faculté de se glisser dans la peau de l’autre, essayer de ressentir ou à minimum appréhender ses douleurs et joies. Ce que les communautarismes et nationalistes de toutes sortes, l’entre-soi généralisé, cherchent à empêcher. Chacun, recroquevillé sur sa douleur et celle de ses ascendants. Moi, les miens ont souffert plus que les tiens. Combien tu comptabilises de morts et de blessés chez toi ? Depuis combien de temps les tiens sont-ils persécutés ?
Un exemple intéressant dans cette vidéo ou un homme arbore un T-shirt « Je ne suis pas Charlie ». Une provocation, humour noir pas évident après tant de morts, qui crée des polémiques dans un marché et à une terrassé de café. « Je m’en bats les ovaires », lâche une femme. Nous les femmes, affirme-t-elle en substance, trinquons depuis trois mille ans. Toi, tes 40 ans de racisme ou d’islamophobie, sont du pipi de chat. Mon pote, on ne joue pas dans la même cour des persécutions. Chacun ayant raison d’évoquer sa douleur. Mais une comptabilité ne servant que le repli sur soi. Rester entre mêmes douleurs. Sa souffrance et celle des siens tel un mur de protection ?
Pour conclure, Dieu, s’il existe, est aveugle et sourd. A moins qu’il n’ait aucun pouvoir ou, comme nombre de politiques au pouvoir, refuse d’œuvrer concrètement sur le terrain. Reconnaissons que la majorité de ses fidèles ne sont pas trop emmerdants. Mais une minorité d’entre eux, notamment les islamistes en ce moment, font couler le sang et cherche à instaurer la terreur. Pas à nous humains, encore moins les athées et agnostiques, de faire le ménage dans ses lieux de culte et sous le crâne de certains de ses fidèles. Ce n’est pas du tout notre rôle. D’autant plus que selon nos principes; le ciel n’est habité que par les nuages, les étoiles, les planètes… Et nos regards. En plus, autre chose de plus intéressant à faire.
Déjà difficile d’être un simple mortel avec ses qualités, ses défauts, ses « vanités des vanités », ses lâchetés, ses doutes, ses beautés, ses contradictions, ses…Un vrai sac de questions à ciel ouvert. Essayer de se construire représente le travail à plein temps d'une vie. Que demande donc le peuple ? Juste vivre du mieux - moins mal ? - possible, ici et maintenant. Qu’on s’appelle Elisabeth, Caroline, Judith, Malika, Moshé, Mohamed, Francois… Et les autres.