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Mouloud Akkouche

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Billet de blog 13 octobre 2015

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Comparer la taille de nos abîmes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

       Combien de personnes j’ai tuées aujourd’hui ? Chaque jour est une guerre. Rien à voir évidemment en termes de drame humain avec les vraies guerres et les attentats. Plutôt des guéguerres en tant de paix, bien à l’abri - tant mieux- de la démocratie. Une sorte de paintball social en vêtements de ville. Dans ce petit billet d’humeur, il sera question de conflits, plus ou moins visibles, éclatant au quotidien. Quel est le théâtre des opérations ?

Dans un bureau, au bistrot, à la conférence de rédaction d’un journal, en réunion de bureau politique, lors d’un CA de multinationale, au siège d’une association humanitaire, sous sa couette, en réunion syndicale, entre bons amis, dans un collège, à la poste, au gouvernement, avec ses gosses, dans un bus… La liste est très longue de ces lieux de combats plus ou moins soft. D’aucuns enrobent ces joutes d’un discours bien ficelé  et imparable (Moi, je déteste le pouvoir… moi, je fais tout ça pour le collectif, moi je…) appris dans les grandes écoles, les syndicats ou dans un parti politique, ou d’une quelconque autre manière. Un discours teinté d’humanisme et de réalisme auquel certains, plus sincères ou naïfs que d’autres, doivent sûrement croire. Fort heureusement pas tous des cyniques. Mais aucun innocent chez les humains. Même chez les morts.

A domicile ou en extérieur, nous sommes toujours munis d’une arme. Plus ou moins efficace selon nos bourses.  Pourquoi être armés quasi en permanence de tweet, texto, mail, instagram, etc ? Outils pour communiquer avec ses proches ou sur le plan professionnel. C’est vrai. Mais, excepté dans certains cas, il s’agit en fait de défendre son image. On dit profil, me glisse-t-on à l’oreillette. Chacun portes-flingue de son image. La suivre de près, de très près, afin qu’elle ne soit pas maltraitée. Elle doit être impeccable du matin au soir, propre sur elle et présentable. Pas le droit aux cernes sous les yeux ou de puer la sueur.  Souriante, bourrée d’humour et spécialiste en bonnes réparties. Notre carte de visite sur la toile. Smartphone suis-je le plus pertinent  aujourd’hui ?

Commerciaux, journalistes, politiques, artistes, citoyens anonymes, etc, se ressemblent de plus en plus sur cette course à l'image. Les frontières sociales ont fondu au moins sur ce plan là. Du lascar de cité à l’intello parisien, chacun se balade avec son profil au fond de sa poche. Prêt à le modifier en temps réel comme on se recoiffe ou relace ses chaussures. Surtout ne jamais être pris de court, toujours réactif. Nous passons une grande partie de notre temps à défendre notre territoire numérique. Propriété virtuelle. Bien sûr, les relations sont la plupart du temps apaisées, pas de trolls avec le couteau entre les dents à tous les coins de site. Nous restons néanmoins sur le qui vive. Capitaine Avast ne vois-tu rien venir ?

A la moindre attaque de nos positions, être capable de pouvoir riposter par une salve de mails pour répondre à une attaque d’un collègue ou d’un concurrent. Balancer une ou plusieurs grenades de 140 caractères. Puis, si le combat est plus rude que prévu, déclencher le plan textos. Pour conclure, dégainer la phrase en réunion qui bouclera le bec de celui ou celle à abattre pour conserver l’avantage ou grimper d ‘un échelon. Mettre son adversaire plus bas que terre devant le reste de l'équipe. L’humilier encore plus en lui tendant la main pour l’aider à se relever devant témoins. On déjeune ensemble demain pour en reparler autour d’un bon repas.  Faut  crever honnêtement l’abcès entre quatre yeux. Rien de plus important que le dialogue et l’écoute dans une équipe. Qui est le plus fort ou la plus forte ? On compte les points.

L’homme et la femme sont des sacs de nœuds à ciel ouvert ? D’aucuns le pensent. Constat pessimiste ? Exagération ? Peut-être un noircissement du tableau. Mais, entre deux guerres d’égo, cela n’empêche pas de vouloir le progrès. Tendre vers une civilisation plus humaine et respectueuse de sa faune et sa flore. Sans oublier bien sûr l’amour. A propos d’amour, on ne cesse d’en entendre parler. Pas que chez les religieux. Le mot «amour «  me semble souvent prononcé par des artistes mais pas que( Que quoi ? Un terme très à la mode pour exprimer le manque de temps pour développer  en direct?) à la radio ou la télé ? L’amour est une meilleure éducation que le fric. Sans amour, pas d’humanité. Ne parlons même pas des chansons évoquant l’amour. Comme tout le monde, j’emploie ce terme et crois aussi que c’est un moteur important. Incontournable.

Très rares ceux qui revendiquent le droit au malheur pour tous. Combien préfèrent la guerre à la paix ? Qu’une minorité ne jurant que par la violence. Comme le psychopathe du coin de la rue, le tueur sous son toit (un des lieux les plus criminogènes), ou certains derrière un micro à l’ONU. Sans oublier ceux qui, pour vendre un bouquin ou draguer l'électeur usé par les promesses non tenus, prônent l'affrontement dans les milieux populaires. Mettre face à face les plus faibles pour règner. Pas de panique; pour l'instant, la majorité vote pour la quête du bonheur. Et tant mieux pour tous.

De temps en temps, ça change de lire le texte d’un salaud. Comme découvrir un nouveau paysage non balisé. Un commentaire puant – souvent truffé – de fautes ou la démonstration d’un salaud cathodique brillant et cultivé.  La saloperie œuvre de gauche à droite, passe par les extrêmes et le centre, jusqu’à… notre miroir. Qui est ce salaud traqué par les modérateurs ? Comment est celui ou celle à qui un procès pend au nez ? Difficile d’en tracer un portrait robot. Toutes sortes de salauds sur le marché. Du local à l’international. Ceux qui persistent et signent, les éphémères salopards revenus finalement dans le «droit» chemin. Différents masques et raisons de vouloir pourrir la vie d’autrui. Peut-être déjà un gosse salaud à l’école qui ne cessait de cafter ou de faire d’autres sales coups. Personne ne vient au monde en rêvant de devenir un salaud ordinaire ou extraordinaire. Peu d’entre eux revendique ce statut.

Même si ces êtres sont détestables, ils sont une part de notre humanité. Certes une des pires mais, eux-aussi, issus de l’Origine du monde.  Des représentants de la différence que nous réclamons ? Acteurs de l’imperfection nécessaire et vitale de toute société.  Le caillou qui vient perturber notre marche de bien pensant. Sans cette imperfection, plus que des clones tous usinés sur le même modèle. Questions à se poser avant de juger hâtivement.

Comme beaucoup, je fais donc partie de ceux surnommés – souvent avec mépris- les bien-pensants. Encore un mot qui agite les médias. Pas devenir homophobe, raciste, antisémite, sexiste, misogyne, etc, juste par esprit de contradiction ou pour plaire à la vague de «c’était mieux avant » confiné dans la peur de la modernité et du changement. Ni pour le penser contre moi. Quoi que penser contre soi peut souvent aider à ne pas s’enfermer dans le ronronnement d’idées prédécoupées. Sortir de son pré carré mental.

Parfois, j’ai l’impression que ma « bien pensance» est une forme de frontière. Un mur rassurant. Plus facile de se persuader que, tout ce qui est de l’autre côté, pense à rebrousse poils de mes idées et convictions, est un salaud avéré ou potentiel. Le réac à combattre. Point barre. Tout n’est pas si  simple dans le meilleur de son monde idéal. Plus compliqué que les gentils dont je fais partie et les méchants en face. Son ouverture d’esprit asséné telle la seule vérité peut aussi fermer de nombreuses portes. A soi et aux autres.

Comme d’habitude, je me suis encore égaré sur mon clavier. Sans doute perdu moins de temps avec le GPS « thèse synthèse antithèse» et une meilleure tenue de route avec rétro à angle de vue parfait. Sûr que  nombre de lecteurs se sont paumés en cours de route. Tout ça à cause des cours de français séchés pour jouer au baby-foot. Pas une raison pour tenter de semer les quelques internautes restés jusqu’au bout de ce chemin cahoteux. Revenons au début, à la vidéo du combat de boxe. Ces quelques réflexions, peut-être des enfonçages de portes ouvertes, me sont venues en la visionnant.

Surtout à ce moment précis ou les deux boxeurs se fouillent du regard. Leurs visages à quelques centimètres, souffles mêlés. Coup de boule ou roulage de pelles ? Une poignée de minutes interminables. Comme si chaque boxeur mesurait la taille de l’abîme de l’autre. Espérant que le sien soit moins profond ? Puis, après ce face à face muet, place aux poings. La fin de leur combat est d’une grande classe. L’élégance et la violence  sur le même ring. Et Rimbaud vainqueur aux points.

La poésie ne jette jamais l’éponge.

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