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Un bouquet de signes offerts à des regards inconnus Les flics et les patrons n’apprécieront guère. Sauf celles et ceux qui ont de l’humour. Comment ont réagi la mort et le temps ? Pour l’instant, pas la moindre réaction de leur part. Dans tous les cas, la mort et le temps savent qu’ils ont toujours le dernier mot. Contrairement aux flics et aux patrons. Et à la main qui a marqué de son empreinte rouge un mur blanc. À qui appartient-elle ? Un homme ? Une femme ? Un gosse ? Pourquoi ce mur et pas un autre ? Parfois, les questions que je me pose. Face à un message à fleur de mur.
Sans doute plus une main de poète que de politique. Pourquoi cette impression ? Les militants sont souvent plus directs dans leurs propos. Leur message doit être lisible simplement et être efficace. Un peu à la manière de la pub. Rien de plus normal que de chercher l’efficacité quand on a un message à faire passer. Sûrement pour ça que je n’ai jamais pu être militant. Ni bosser dans une boîte de com ou écrire des scénarios télés. Pourtant, je n’étais pas contre. Tu es trop ingérable, m’avait dit un responsable politique des jeunes communistes en Seine-Saint-Denis. Prêt à encarter mes frères et ma sœur. Mais pas moi. Pareil refus côté Com et prod télé. Avec toujours la qualification d’ingérable. Un très beau compliment.
Certes qui coûte. Surtout en fin de chaque mois. Mais personne n’oblige qui que ce soit à peindre, écrire, danser, monter sur scène, à réaliser… C’est un choix. En connaissance de cause des difficultés quand on dispose d’un carnet de maladresses. Et sans fortune personnelle ou héritage à venir. Créer, c’est souvent un sport de riche, me disait un peintre automobile ; il avait rêvé de peindre et de sculpter. Un homme lucide avec un rêve mort-né entre les paupières. Quoi qu’elle m’en coûte, cette forme de liberté m’est chère. Indispensable. Même si elle rapporte souvent peu. En tout cas sur le compte bancaire. Mais tant de dividendes et d’enrichissement personnel.
Quand même pas me plaindre d’être nanti. Pas de patron, pas de Dieu, pas de « gourou politique » à vénérer, pas de rédacteurs ou de rédactrice en chef, pas d’actionnaires à engraisser pour toucher mes jetons de présence, pas de chef de service… Mais tout n’est pas rose. Le miroir peut-être un patron terrible. Avec parfois des tentatives de culpabilisation : tu es un égoïste. Il n’a pas entièrement tort. Nanti privilégiant son chantier. Et comme disait la mère d’un général très célèbre : pourvu que ça dure.
Même si c’est de plus en plus dur. Loin d’être le seul dans mon cas. Ceux et celles que je connais. Plus tous les autres œuvrant tant bien que mal dans leur coin. Nombre d’ingérables volontaires à trinquer en notre ère de restriction budgétaire. Avec bien sûr la culture en première dans la ligne de mire. Pourtant, elle contribue en termes de PIB sept fois plus que l’industrie automobile. Malgré cet apport, elle est plus dans le collimateur que les environ 80 milliards d’évasion fiscale chaque année. Plus d’autres détournement d’argent plus ou moins légaux. Les artistes de la niche fiscale mieux protégés ?
Toutefois le talent n’a rien à voir avec sa situation économique. En tout cas pas entièrement. Des artistes bourrées d’argent son aussi bourrés de talent. Contrairement à d’autres désargentés. Fort heureusement, le talent n’a rien à voir avec son compte bancaire, sa couleur de peau, son sexe, son genre… Cependant, les conditions de vie ou survie peuvent influer sur son « nerf créateur ». L’esprit favorise sans doute la création. Mais parfois la tension subie peut aussi apporter un plus à son travail. Nul règle pour le talent. Sauf peut-être celle du travail. Et de l’acharnement a extraire le meilleur de la matière à transformer. Pour la restituer aux autres. Avec souvent une forme d’insatisfaction récurrente. Pour aller encore plus loin ?
Malgré tous les écueils, des fous et des folles continuent de préférer la liberté. Restant prioritaire sur le reste. Des fous ne crachant pas sur le fric quand il tombe dans leurs poches. Rares celles et ceux rêvant d’être pauvres. Mais des fous refusant de privilégier le fric sur leurs valeurs. Une attitude guère raccord avec notre époque de toujours plus. Même en ayant déjà tout. Une course fébrile à engranger plus que ce qu’on consommera en une existence. Laisser un héritage ? Sans doute un des éléments de cette course. Un héritage porteur d’un virus. Quel nom pour cette pathologie du toujours plus ?
Ce petit billet d’humeur est dédié aux « fous sociaux » refusant le plus possible les assujettissements. Que ce soit mental ou matériel. Des fous épris de liberté individuelle. Celle entre autres de ne pas devoir obéir à des ordres. Surtout quand on n'est pas d’accord avec eux. Qu’ils s’agissent d’ordre provenant d’une religion, d’un parti politique, d’un patron, etc. Tout le monde devrait être fêlé de cette manière ? Non. Certains êtres aiment à obéir. Parfois à des ordres qui vont dans un sens positif : pour soi et les autres. Ce n’est pas un appel à la désobéissance. Comme dit la chanson, chacun fait ce qui lui plaît plaît. Le plus souvent ce qu’il peut peut. Comme nombre de fous continuant de vivre le plus en accord avec leurs idées. Sans cesser d’œuvrer. Dans un chantier intime. Mais ouvert sur les autres et le monde.
À qui appartient la main tagueuse ? Celle d’un fou ou d’une folle éprise de liberté ? Continue-t-elle de distiller sa prose sur les murs de nos villes et villages ? Je ne le saurais jamais. Mais le plus important est son geste. Sans d’ailleurs l’avoir signé pour marquer son copyright. Juste une poignée de mots écrits sur une façade. Encore une main hors-sol ? Ferait mieux d’aller bosser. Encore une incivilité. Pas ce délinquant qui va nettoyer le mur. Un « mot de désordre » qui suscitera autant de réactions que de regards. Une interprétation et réaction différente selon les passants et les passantes. Pour ma part, juste un merci. Remercier cette main non identifiée.
Pour ses mots hors des clous.