Et le monde entier ne peut se taire. Face à ce crime contre le corps de l'humanité. Et sa parole. Le monde ne peut pas garder le silence. À moins d’être passé dans le camp des tueurs du chant de la vie. Et accepter le silence comme un suaire. Celui que certains veulent imposer à cette fille qui ne veut pas garder le silence. Et toutes les autres avec elle. Parler, dire, répéter... Même si notre voix ne pèse rien. Et qu’elle ne changera rien pour cette chanteuse emprisonnée. Mais notre voix absente serait une autre geôle. Parler pour que sa parole reste libre. Et vivent les mots de la fille qui refuse le silence.
Redire. Ça ne sert à rien ? Dire encore. De plus en plus. Parler de la fille qui ne veut pas garder le silence. Dire et écrire ici et ailleurs. Quand une voix est à bout de souffle, qu’une autre prenne sa place. Pour continuer de dire et de redire. Sans cesse. Perpétuer ce chant de décolonisation. Dans une langue sans frontières. Pour participer à décolonisation du corps de la femme : la plus ancienne damnée de la terre. Parler encore. Jusqu’à ce que le vent se mette lui aussi à chanter « Je suis la fille qui ne veut pas garder le silence ». Et que les arbres se mettent à danser. Que ce chant traverse tous les murs visibles et invisibles. Pour venir exploser les tympans de la nuit. Celle des tueurs de beauté.
Voulant la faire taire. Tuer la belle nuit à la couleur de sa robe. Pour éteindre une à une les étoiles dans son regard. Tout ce qu’ils ne peuvent atteindre. Trop de boue et de haine sous la poitrine pour s’approcher de sa lumière. Son regard plus proche de leur Dieu que leurs yeux morts. Jamais ils n’auront sa force. Trop faibles sous leurs crânes habité par le vide bouffeur de chair humaine. Ils peuvent gonfler leurs muscles, astiquer le canon de leurs armes… La puissance restera dans sa voix. Sa chevelure est une bannière dans la nuit. Et ses mots des lumières dans l'obscurité. Pour éclairer la trajectoire des femmes. Et celle des hommes. Un éclairage universel.
Et son corps qui chante et danse est une galaxie. Avec une foule de planètes de filles qui ne veulent pas se taire. Sa parole est leur chair. Et réciproquement. Elles vont tourner, tourner…Chanter et parler. Leurs voix mêlées ricocheront dans l’univers. D'oreille en oreille. De mémoire en mémoire. De vie en vie. Pour que l’univers entier entende leur parole. Et que chacun de leur mot soit gravé dans la chair du temps. Comme dans un panthéon que les tueurs ne pourront détruire. Ni souiller de leur haleine de mort. Pendant ce temps, elles continuent de parler. Et de danser. Une présence de leur corps-parole au péril de leur vie. Préférant la danse des mots au silence. Les tueurs de beauté ne seront pas invités. Quels seront les heureux invités des filles qui parlent ? Ceux et celles qu’elles voudront. Les êtres choisis par elles. Pour une danse avec l’humanité.
Ce billet est inutile. Pas le premier, ni le dernier dans ce cas. Bonne conscience à moindre frais ? Du grappillage des miettes de lumière sur le dos d’une résistante prenant de vrais risques ? Peut-être. Des questions en suspens. Dans tous les cas, pas un billet qui n’empêchera pas les tueurs de massacrer la beauté partout où ils la croiseront. Néanmoins, ces mots, aussi vains et maladroits soient-ils, rejoindront les autres. Quelles que soient leur portée et force à travers la toile et le monde. Des mots répondant présent. Ils ont été écrits ou dits. Une longue phrase qui passe d'écran en écran. Pour participer à son petit ou grand niveau à la lutte. Le combat contre les haleines de mort étouffant la parole vivante. Des mots tissés sur le fil de la toile pour que la fille ne se taise jamais. Même si elle parle à travers d’autres corps.
Dans quel but ? Répéter: plus une seule fille ne doit se taire. Ni ici, ni ailleurs. Que la parole d’une fille ou d’une femme pèse le même poids sur la balance de notre espèce. Ni plus, ni moins. Le même poids pour chaque humanité passagère. Jusqu’à la disparition de notre espèce. En attendant cette fin inévitable et naturelle; que partout, les hommes à l'haleine de mort se taisent. Le silence des tueurs de beauté. Quel que soit leur corps et territoire sous le ciel. Tous des fossoyeurs de la parole vivante. Qu’ils se terrent à jamais dans le silence. Pour que la parole des filles voit enfin le jour. Et qu'elles dansent jusqu'à plus soif de leurs corps. Une danse évadée de la prison de certains regards. Pour marcher désormais dans la rue avec leurs rêves en bandoulière. Et en reprenant en chœur le chant de Parastoo Ahmadi. Une fille dont le corps est une arme. Avec une danse et un chant de lutte. La voix d'une des filles qui déchire le rideau de l’obscurité.
Pour accueillir l'aube rebelle.