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Mouloud Akkouche

Auteur de romans, nouvelles, pièces radiophoniques, animateur d'ateliers d'écriture...

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Billet de blog 16 octobre 2015

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Fermeture du blog: dernières digressions

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

      Déménager à la cloche de bois numérique ? Des copains me l'ont conseillé. Tes lecteurs se fichent de savoir que ton blog  soit ouvert ou fermé. Rien à voir avec la fermeture d'un bar ou d'une épicerie dans la "vraie vie". Sans doute ont-ils raison. En plus, si tu es titillé à nouveau par le désir de donner ton avis en vrac, tu pourras publier à nouveau des billets, sans le ridicule des adieux à rallonges. Très difficile de leur donner tort. Mais, ultime poussée narcissique d’être une dernière fois «visible» derrière la vitrine de ma p’tite boutique, le billet vraiment de trop ?, je ne veux pas fermer sans prévenir les lectrices et les lecteurs. Saluer ce lien invisible tissé entre nous, depuis plusieurs mois. Etre tout simplement courtois. Cette courtoisie apprise dans mes cours de maintien à l'académie "Classe Populaire".

Invisible me paraît être le mot caractérisant le plus le territoire du Net. Où trouver encore de l’invisible dans une société saturée d’images ? Pas simple d'échapper au flux ininterrompu d'images du monde, dont les nôtres en boucle sur notre micro galaxie. Même la radio, ma fenêtre préférée, a besoin elle aussi d’être vue. Ce blog n’a pas non plus échappé au rouleau compresseur de l’image (une vidéo pour le dernier billet). Cela dit, des photos ou des vidéos ont autant de charge poétique que les mots. Parfois plus. La beauté naît partout où l’on sait l’accueillir. Et la faire vivre. Même si ce n'est guère facile pour nombre de  prolettrés tirant le diable par la queue du RSA ou de maigres droits d’auteur. Pas une raison de lâcher la beauté pour l'ombre.

Certains peoplintellos et d’autres, anonymes ou icônes médiatiques, ont une très grande peur du Net. Tels des gosses effrayés du noir de leur chambre. Ou ceux qui, d’une année à l’autre, appréhendent leurs nouveaux enseignants et copains de classe. La trouille du petit Poucet de papier d’être dévoré par le grand méchant ogre numérique ? Sans doute ont-ils besoin d’être rassurés par une petite veilleuse ou d’étaler leur enfance sur un divan compréhensif. Qui a volé la veilleuse de nos penseurs en pensées courtes ? Incapable de s’imaginer pouvant être bi: papier et numérique. Fromage et dessert. 

Que du blabla toutes ces notes de blog ayant débuté le 11 janvier 2015? Rien d’original ni de nécessaire à la marche du monde ? Pas inventé un vaccin contre la mort et la connerie humaine ? Que du vain ? Nulles ? Inutiles ? Du plaisir ? Tour à tour pertinent et impertinent ? Caustique et esthétique ? Intéressant ? Aux lecteurs de juger. Toutefois, si ces textes venaient à être rangés dans le dossier «inutile», ce serait une grande fierté et réussite pour moi. Un beau cadeau de fermeture.  

Notre période est celle de la réponse à tout, vite, plus vite, bien emballée, avec surtout possibilité de buzz. Une appli pour tout, tous pour une appli. Aujourd’hui, on demande aux gosses, quasiment à l’âge du fœtus, d’indiquer leur orientation. Choisir entre efficace ou efficace. Science po ou un IEP? Gagner quoi ? Tu poses trop de questions: gagne et tais-toi ! Les questions, comme la lutte de classes, c’est dépassé. Faut foncer. Ne pas perdre de temps, ni la gestion de son réseau. Combien tu as d’amis Facebook et de followers ? Que 352 ! Désolé mais faut te faire plus aimer et suivre que ça. Le clic, le j'aime, ou le" recommander" perdu, ne se retrouve plus. Etre capable de bâtir une cathédrale ou une pyramide en temps réel. Réacs et réactifs dans le même bateau. Peu importe la direction, l’horizon ; ce qui compte c’est d’être important.com. Et peser son poids numérique. Le reste est accessoire. De la littérature.

Comment retrouver le goût de l’inutile ? Perdre son temps avec joie et  une extrême application. Surtout éviter les coachs ou autre consultants  prêts à vous enseigner l’inutile. Pas une indiscipline qui s'apprend. Il suffit de farfouiller pour le découvrir. La toile recèle de nombreux îlots d’inutilité. Cette poésie vivant aussi bien sur papier ou numérique. Etre le plus inutile possible. Réussir à échapper à la productivité permanente – parfois nourrissante  professionnellement ou affectivement - de son image, est sûrement de nos jours une des formes très importantes de résistance. Comme le silence. Pas uniquement la minute anesthésiante entre deux discours officiels.

Les indignations et la bienvenue trop mises en bandoulière se vident de leur sens. Ecran, mon humanisme est-il meilleur et plus sincère que celui de mon voisin ? Ou, à contrario, d’autres veulent être plus blanche que blanche, exceller dans la haine. Bouche d'égout, suis-je le plus puant ? Les uns et les autres, pour le meilleur ou le pire, mais toujours en mains la calculette de « nombres de vues ». Bref, comment trouver cette patrie de l’inutile ? Elle n’est indiquée sur aucun GPS. Une patrie mobile toujours à réinventer ?

Dernier billet, dernières digressions. J’en étais où ? Parti juste pour quelques lignes, un bref salut avant de baisser le rideau de ma quincaillerie virtuelle, me voilà reparti dans un discours à rallonges.  Sans queue ni tête. Pareil aux mots débités à cent à l’heure pour tuer le silence, repousser le moment de quitter le comptoir et se retrouver dans la rue, au bras de sa solitude jamais dupe. Du même ordre que ces discours dont on a l’impression qu’ils sont rédigés uniquement pour retarder notre plongeon sur le buffet. A propos de petits fours, Internet à quand même ses limites ; on ne peut pas trinquer les yeux dans les yeux. Ni voir de près la couleur d'un sourire ou renverser son verre sur le voisin ou la voisine. Bon, je ne vais pas vous prendre trop de temps de lecture disponible et écourter ce texte déjà trop long. Et qui risque de se croire utile.

Un grand merci à toutes les lectrices et tous les lecteurs qui ont suivi de près ou de loin ce blog à humeurs variables. Ce fut une aventure très intéressante. De bons moments virtuels. Même les meilleures choses ont une fin, un nouveau commencement. Bon, ce n'est pas que je m’ennuie, mais il  faut que je vide la boutique et passe la serpillière. Juste laisser quelques araignées de mots sur la toile. Sans oublier de rire de tout. De soi d'abord et aussi de l'ami Charlie.

L'écriture continue son chemin.

Bonne route à toutes et à tous

@MouloudAkkouche 

NB) Je ne résiste pas au plaisir de terminer par cette p'tite histoire toute chaude en direct de Montreuil(93). Elle me fait penser à la morgue de certains politiques qui oublient de balayer devant leur vitrine....

MONTREUIL OCTOBRE 2015

 Je suis rue Edouard Vaillant en direction de Vincennes. Il fait beau, des mômes jouent au foot et m’applaudissent lorsque je reprends le ballon de la tête. Fier comme Zidane, je continue mon chemin et rencontre un pote. « Comment ça va ? Ca fait une paye ! » « Je viens de passer une pige en taule ! » Un bistrot nous ouvre les bras, nous nous y engouffrons. « Salut m’sieurs-dames, deux demis s’il vous plaît ! »

« Qu’est-ce qui t’es arrivé ? » Il m’explique que son collègue l’a balancé aux flics. En gros, ils ont braqué un appart pour une poignée d’euros et se sont fait serrer. Jusque là, rien de plus normal. Le soleil ne s’est pas caché pour autant.

Et puis nous sortons pour fumer une clope. « T’as du feu ? » Ca tombe plutôt bien, j’en ai ! On blablate quelques minutes et passe un Rom de mes connaissances. Un type que je croise régulièrement. « T’as pas un euro ? C’est pour le bébé qui est malade, ah s’il te plaît ! » Bon ! Je lui refile son euro. Et là, tu as le mec qui sort du chtard (prison) qui me dit : « Faut pas leur donner du pognon ! Ce sont des voleurs ! »

Elle n’est pas bonne celle-là ?  

Erick Auguste

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