"Si un contemplatif se jette à l'eau, il n'essaiera pas de nager, mais de comprendre l'eau et il se noiera."
Henri Michaux
Durcissement de la loi à l’encontre des injures racistes. Heureusement qu'il y a prescription pour le fameux « blancos » de Manuel Valls. Plus des millions d’€uros pour le combat contre le racisme et l’antisémitisme. Malgré la « main jaune » de SOS racisme, toutes les lois, les manifs, les coups de gueule, débat, etc, on constate une augmentation des actes et injures racistes et antisémites. Sans oublier l’homophobie et le reste de la haine ordinaire. Apparemment, la gauche comme la droite, n’arrive pas à éradiquer ce fléau. Tout ce qu’ils ont fait et font ne marchent pas. Ne rien faire est pire. Que faire alors ?
Le livre posthume de Charb s'intitule "Lettre ouverte aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes. Je suis plutôt d’accord avec le titre ( pas lu son bouquin). Mais, avant sa lecture, je me suis fait déstabiliser par cet excellent billet. Entre autre, il m’a appris la création en 1910 du néologisme «islamophobie » par des ethnologues coloniaux français. Pas d’accord avec tout mais son texte, très argumenté et sans haine, permet de gamberger sur ce sujet. Mes raccourcis et mes certitudes en prennent un petit coup. Pas si simple que ça. Même si je crois que la pire des inventions sur cette planète demeure Dieu.
Sans Dieu,Charb,Tignous et leurs potes boiraient l’apéro ce midi et continueraient de nous faire rire ou agacer. Les clients de l’Hyper Cacher vaqueraient à leurs occupations. Les frères Kouachi et Ahmedi Koulibaly seraient restés chez eux jouer à la Playstation, un pétard ( moins dangereux qu’une Kalache)à la main, en regardant The Voice ou une quelconque émission de téléréalité. Imaginez, si ce personnage de sable n’avait pas été créé -par peur de la mort ?-, le nombre de morts qui auraient été évités en ces trois jours terribles de janvier. Ainsi que tous les massacres passés, présents ( ces femmes violées et traitées comme de la marchandise…) et malheureusement à venir. Aucune loi ne peut le traîner devant un tribunal. Dieu au-dessus des lois ?
Revenons à la législation et les actions antiracistes. Caroline Fourest, Rokhaya Diallo, le regretté Charb, l’équipe actuelle de Charlie, et de nombreux autres connus ou pas, tous semblent combattre - en apparence ? - la même bête immonde. Sauf que chacun, derrière un discours cohérent, glose à rallonges sur telle ou telle terminologie. Une guerre sémantique à grands coups de déclarations. Débat et joutes intellectuelles sont certes nécessaires. Sans intellos ni débat contradictoire, pas de démocratie. Cependant, quelques-uns donnent l'impression de délayer pour occuper du temps d’antenne. Regarde comme je pense mieux que mon voisin. Pire qu’un concours de longueur de queue ou de capots. Ce billet n'échappant pas à ce travers. Pathétique quand, volontairement ou pas, on s'écoute parler et penser. Mais la plupart d'entre eux défendent sincèrement leur bout de gras. Une profonde conviction.
Contrairement à ceux, sans scrupules, qui sont là uniquement pour défendre leur bout de terrain. Un conflit de territoire à la manière- toutes proportions gardées – de la mafia, de bandes de délinquants, ou de certains patrons voyous. Des marchands du temple « antiraciste » hurlant sur BFM ou ailleurs : « Il est frais mon antiracisme ! Ma lutte antisémite est la meilleure ! Promo sur mon combat antisexiste et homophobe ! Moi, je vous propose un panier garni « contre toutes les haines » pour un prix défiant toutes concurrences ! Tout doit disparaître !». Sans doute caricaturale mais, quoi qu’on en dise, c’est devenu un marché porteur. Combien de livres, de films, d’articles de journaux ou de blogs, sur le sujet. Une manne (Dieu est partout) financière et médiatique.
Laissons de côté les opportunistes qui ne cherchent qu’à engranger du blé ou trouver un poste médiatico-politique de premier plan avec chauffeur. Ils font carrière dans « l’humanisme » comme d’autre se lancent dans l’industrie ou la pub. Beaucoup se côtoyant au « Dîner du Siècle ». Pas d’aujourd’hui le business de la charité.
Les autres, engagés sincèrement (quoi que personne n’est jamais un humaniste immaculé) dans ces luttes légitimes, me paraissent disperser souvent leur énergie. Guerre d’égo? Perfectionnisme intellectuel ? Impossibilité de décoller d’un regard formaté par un mentor ou directeur de thèse à Normale Sup ou ailleurs ? Sûrement que quelques-uns sont coincés dans une ou plusieurs de ses postures, peut-être d’autres plus complexes.
Pendant ce temps, loin de ces polémiques, les commerciaux de l'obscurantisme gagnent des parts de marché sur la haine. A leur tête la nouvelle "égérie française" classée parmi les 100 personnes influentes dans le monde. Danser avec des néo nazi antisémites non disqualifiant pour être classée par le Times. Des heures sombres de l'histoire à l'influence brune ?
Dans le combat contre toutes ces haines, chacun est en droit de vouloir conserver son regard, préserver sa différence de point de vue sur le sujet débattu. Mais, quand la maison brûle ; peu importe que le feu soit accidentel ou meurtrier, le premier réflexe est d’aider les victimes et d’appeler les pompiers. Après, on glose sur l'orgine de l'incendie et des mesures à prendre pour éviter ce genre de sinistres. De l’injure aux urnes en passant par les blessés et mort, les feux de la haine prospèrent dans ce pays. Des hectares virtuels et réel du pays des lumières partent en fumée. Encore le temps de jouer sur les mots ?
A ce propos, pourquoi pas inventer un mot qui engloberait toutes les haines. Le même vocable pour désigner « racisme, antisémitisme, sexisme, homophobie… » pour ne pas perdre de temps. Juste une base commune pour s’attaquer concrètement à la connerie humaine. Celle qui, contrairement à l’esprit et le doute, ne perd jamais de temps en conjectures. Surtout quand un ancien président et d’autres politiques rajoutent de l’huile sur le feu.
Interdire la haine et la misère serait l'idéal. Pour la seconde, c'est possible si on s'en donne les moyens. Contrairement à la première qui revêt des formes tellements différentes. De la petite haine entre voisins, amis, dans un couple, à celle qui conduit aux pires barbaries et génocides. La combattre est important. L'anéantir me semble un objectif très difficile à atteindre. Mais peut-être faire en sorte qu'elle reste cantonnée au stade de la détestation.
Qui n'a jamais détesté ou déteste encore son voisin, un cousin, une collègue... ? Exceptés de rares individus, nous avons tous quelqu'un que nous considérons comme con et insupportable. Un ennemi de proximité détesté pour telle ou telle raison- bonne ou mauvaise. Les affinités et détestations électives. En fait, la force serait de réussir à détester l'autre - ce con ! - sans être raciste, antisémite, sexiste, homophobe... Sacrée gageure?
Même si une démocratie ne peu vivre sans règles, force est de constater que cette connerie humaine est insensible aux lois et discours en boucle depuis des décennies. Comment l’influencer et surtout lui faire perdre de sa grande vigueur actuelle? Désolé de mon irrépressible poujadisme mais, malheureusement, nombre de politiques sont disqualifiés pour ce combat. Espérons que d’autres, moins vénaux, prendront le relais. Que reste-t-il pour combattre cette connerie ? Pas une arme isolée qui puisse en venir à bout. Pourquoi pas, dans la boîte à outils, privilégier l’éducation et la culture ? Elles son très efficaces contre la haine. Leur redonner la priorité ?
Dans une cité dite sensible, Franck Lepage, avec ses conférences gesticulées, aura plus d’impact que Manuel Valls ou un autre politique ( à part Marine et les intégristes), de gauche ou de droite, débitant un discours déjà trop entendu. Un roman comme « La Douleur de Manfred » - ou d’autres œuvres de fiction - plus efficace que n’importe laquelle de ses lois et coups de mentons cathodiques. Comment faire en sorte que ces « armes de construction massive de soi » parviennent plus dans les quartiers populaires. Du fric, du fric… La culture est guère en odeur de sainteté numérique rue de Valois. L'exemple de l’Odéon est flagrant de ce peu d'intérêt pour le droit à l’accès à l’éducation et à la culture. Certes un droit qui a un coût.
Le coût de soi et des autres.