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Billet de blog 18 novembre 2024

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Voleurs de beauté

Soudain, la beauté. Sûrement une fake news de plus. C'est fini la beauté et ses gains collatéraux. Désormais plus que de la merde et de la haine sur terre. Avec confusion et obscurantisme sans frontières. La pourriture de proximité et mondiale ne nous lâche plus. Et inversement. Nos corps jumelés à la planète entière. Jumelage de notre fin annoncée. Pourtant, la beauté est toujours présente.

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Illustration 1
Tv Rodin (Le Penseur) de Nam June Paik © ADAGP

   « Le poète est un marginal et un exilé : c’est dans cette position-là, précisément, qu’il peut s’adresser à l’homme. Le poète n’enseigne rien : il crée, et il partage. La poésie consiste à être, et c’est en cela qu’elle offre l’ultime planche de salut en un monde qui se noie. »

            Roberto Juarroz

           Soudain, la beauté. On s’interroge. Ce n’est pas possible. Sûrement une fake news de plus. C'est fini la beauté et ses gains collatéraux. Désormais plus que de la merde et de la haine sur terre. Avec confusion et obscurantisme sans frontières. Chaque jour, nous avons de nouveaux exemples de la fin de la beauté et de l’espoir d’un monde moins pourri. Vous les citez ? Ce serait trop long. En plus, vous êtes déjà au courant. Du réveil au coucher. Peut-être même qu’en dormant vous recevez des notifes sous la peau. La pourriture de proximité et mondiale ne nous lâche plus. Et inversement. Nos corps jumelés à la planète entière. Jumelage de notre fin annoncée.

    Pourtant, la beauté est toujours présente. En tout cas, ce matin-là pour moi. Alors que je ne m’y attendais pas du tout. Elle a surgi dans mon espace, effaçant tout le reste. À chaque être, son apparition. Elle ne revêt pas la même forme pour les unes et les autres. La sensibilité de chaque individu est unique. Ma beauté soudaine plus belle que la vôtre ? La concurrence n’est pas de mise. Pas de pouces levés ou followers de plus dans son sillage numérique. Non. Personne n’a le monopole de la beauté. Encore plus quand elle survient sans prévenir. Présente rien que pour soi. Un éphémère à rajouter dans sa collection. 

           Pendant ce temps, le monde est en train de crever. L’humanité mise à mort par notre espèce. Les tueurs et les tueuses (moins de femmes à la destruction) les plus efficaces sont quelques fous avides de pouvoir et de fric ; ils et elles soufflent sur les braises ici et là. Dans quel but ? Diviser pour avoir toujours plus, pour eux et leurs proches. Sans se soucier de la terre exsangue et de celles et ceux ayant toujours moins. Des souffleurs de braises qui finiront aussi en cendres. Peut-être beaucoup plus rapidement que ce qu'ils croient, si persuadés d’être à l’abri. Leur disparition plus rapide à cause de leur cynisme et ego à rallonges. Rien de nouveau sous le ciel. Si. Le ciel est usé. En quelques décennies plus encrassé qu’en des millénaires. Le ciel crache sur des villes et des villages noyés sous des trombes d’eau. La fin de notre espèce est dans les tuyaux. On nous le répète en boucle.

          Qui est responsable de chaos ambiant ? Une minorité de très puissants jouant avec le feu pour engranger toujours plus. Mais pas uniquement eux. Cette minorité n’est là que parce que le plus souvent nous lui donnons les clefs des pays et de la planète. Nous aussi, à notre petit niveau, sommes co-responsables de l’état de notre terre. Et du niveau de l’humanité qui baisse de plus en plus. Dans un cycle de néantisation de tout autre ne vivant pas et ne pensant pas dans la même direction que soi et ses proches. Pas de non-responsables dans ce merdier planétaire. Mais certains et certaines me semblent très actifs pour rajouter de l’huile sur le feu. C’est leur métier. Souvent extrêmement bien payés et profitant bien de la moindre niche fiscale pour participer le moins possible à la cagnotte républicaine. Mais jamais hésitant à pointer des doigts les plus pauvres en les accusant de tous les maux. Classique index tendu sur le petit escroc (il y en a.) du bas de l’échelle pour camoufler la grosse escroquerie de haut du panier. Quelle escroquerie des deux coûte le plus à notre société ? Suffit de fouiller sur le Net pour obtenir la réponse chiffrée. Qui sont ces mains dorées qui rajoutent de l’huile sur les feux contemporains ?

          Les voleurs et les voleuses de beauté. Parfois, je pense à elles et à eux. Des êtres très différents les unes des autres. Nous n’évoquerons pas les assassins du coin de la rue, sous son toit ( l’espace le plus criminogène) , ou en distanciel à coups de bombes et de missiles. Ce n’est plus du vol, mais de l’arrachage. Avec plus ou moins de violence. L’arrachage de la plus belle des mécaniques sur terre : l’humanité. Quel que soit son visage, son pays, sa religion, son sexe, son genre… L’être vivant est un produit extrêmement perfectionné. En ce moment, certains et certaines font dans l’industriel de l’arrachage de vie. Avec des faux bourrées de technologie dernier cri pour donner la mort. Sans oublier non plus la mécanique à blesser et amputer des chairs à perpétuité. La plupart du temps, c’est un arrachage sans se salir les mains. Ce n’est pas de ces assassins qu’il s’agit ici. De qui alors ? Des coupables de vol de beauté au quotidien.

           Sans rien d’illégal. Un vol aux yeux et au sus de tout le monde. Tout est dans la légalité de la liberté d’expression. Parfois un dérapage – pour ne pas dire saloperie - les conduit devant un tribunal. Avec ou sans condamnation. Sans pour autant cesser leur vol. Ni prendre conscience du tort qu’il cause à court et long terme. Comment reconnaître ces voleurs et voleuses de beauté ? Au son et aux gesticulations. Des grandes gueules avec peu d’oreille. Elles savent et ne doutent jamais. N’hésitant pas à manier la fake news et la violence verbale. Plus la pensée est courte, plus les grandes gueules ont du pouvoir et de grands espaces pour brailler leurs certitudes. Surtout important pour elles d’éradiquer toute poésie, la pensée complexe, les doutes et interrogations. Souvent des marionnettes œuvrant pour des marionnettistes de la division. Pour avancer leurs pions. Chaque être vidé avant d’être gavé de néant est une victoire. Des marionnettistes prêts à la destruction de tous les vivants si ça leur rapporte.

           Désormais des grandes gueules présentes dans quasiment tous les bars de France et de Navarre. Elles balancent leur haine et tordent la réalité dans le sens qui importe aux marionnettistes. Rien de nouveau dans certains médias. Mais la différence est que les grandes gueules ne jouent plus à domicile dans nos salons et cuisines privées. Polluant désormais une très importante université et source d’échanges et de savoir de ce pays. La Sorbonne ? Non. Quel est ce grand lieu de savoir ? Le bistrot. Rebaptisé par Balzac : le Parlement du Peuple. Nous sommes nombreux et nombreuses à y avoir traîné nos oreilles et bouche. Pour le meilleur et le pire. Pas toujours que de la poésie verticale (expression empruntée à l’immense poète Roberto Juarroz) et de la pensée de haut niveau. Mais comme dans n’importe quel groupe d’individus. Dont les voleurs et voleuses de beauté cathodiques. Néanmoins avec une grande différence. Un pochetron de bar – même le plus con et virulent - fera toujours moins de dégâts qu’un animateur ou une animatrice télé, un youtubeur ou une youtubeuse, touchant une grosse partie de la population. Notamment les jeunes.

            Des noms ? Désolé mais pas adepte de la délation. De plus, vous les connaissez. Difficile d’échapper à leur bruit permanent et vidage de cerveau quotidien. Elles et eux se reconnaîtront aussi. Interdire leur bruit et travestissement de la réalité ? Surtout pas. Ne jamais oublier la liberté d’expression ; même si nous sommes en désaccord avec tel ou tel propos ou idées. Qui suis-je pour dire ce qui est bon ou mauvais à écouter ou entendre ? Et peut-être que la beauté se trouve dans des lieux où l’on ne pense pas la trouver. De grands poèmes sont nés sur le terreau de l’abominable. La beauté peut donc même se cacher sur le terrain des voleurs de beauté. Dans tous les cas, personne ne m’oblige à regarder et à écouter ces grandes gueules. Ce que je fais très rarement ; sauf quand leurs éructations et divisionnisme débordent sur la toile. Je ne suis ni juge, ni flic, encore moins censeur. Juste un point de vue parmi de très nombreuses autres. Quel juge (sur le plan de l’éthique humaine) alors pour ces grandes gueules ? Leur miroir. Sans oublier leurs enfants (ou d’autre proches) s’ils en ont. Quelle sera leur image après leur mort ? Que vont laisser ces grandes gueules dans leur sillage ? Un héritage de haines et de chaos.

               Laissons les voleurs de beauté. Désormais entre les mains de leur miroir. Pour revenir aux enchanteurs de présent. Une beauté soudaine rencontrée grâce à qui ? Ce que les voleurs et voleuses de beauté ne cessent de critiquer. Voire même une grande volonté de voir disparaître pour que leurs grandes gueules occupent tout l’espace et tous les cerveaux. Quel est cet ennemi qu'elles veulent éradiquer ? Le service public. Pour être plus précis : Radio-France. Cette grande maison ronde ouvrant sur le monde et l’autre. Avec bien sûr une ouverture sur soi. Un toit grâce auquel nombre d’oreilles de tout horizon ont pu s’élever. De l'émission très pointue sur le plan intellectuel au divertissement et à l’humour. Des propositions diverses et pas incompatibles pour grimper plus haut dans la connaissance de soi et du monde. Avec toujours un stock d’interrogations. Fort heureusement, tout ça continue. Une élévation rendant folle de rage les grandes gueules. Préférant l'abaissement général pour pouvoir mieux régner. Sous l’étendard du néant généralisé.

           Une des pièces de cette grande maison se nomme France Musique. Ouverte chaque jour à qui veut y entrer de chez lui. Récemment, on pouvait y entendre un son du monde. Une musique loin, très loin des grandes gueules. De la beauté sonore livrée à domicile. Celle que les grandes gueules voudraient empêcher de circuler. Pour que règne leur circulation du vide. Mais il y a de la résistance. Des êtres refusant d’être aspirés par la machine à vider les cerveaux et les cœurs. Avec aussi la volonté de ne plus voir le monde qu’à travers le filtre de l’écran. Même si certaines images ont du sens. Quel bel outil que la télé et le numérique; quand ils ne sont pas aux mains des voleurs et des voleuses de beauté. Pourquoi pas de temps en temps se faire une « purge d’images ». Un jeûne d’écrans. Cliquer sur l’image (même les ondes n’y échappent plus.) et fermer les yeux. Ouvrir grand ses oreilles. Pour accueillir cette beauté soudaine. 

            Rendez-vous ici.

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