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Billet de blog 19 avril 2022

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Doute France

Notre histoire en attente sur le quai. Pas le même pour tous et toutes. Pourtant la même destination. Une fracture comme une réplique aux deux précédentes. D'autres lignes de fractures ont traversé notre histoire. Parfois très violemment. Mais la plupart absorbées au fil du temps. Aucune fracture comme celle en cours. Au bord de l' innommable. Comment colmater l'indicible qui nous sépare ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"Douce France", Carte de séjour © Cécile HARISTOY

                Notre histoire  se trouve en attente sur le quai. Pas le même pour tous et toutes. Pourtant en partance dans la même direction. Mais des rêves désormais différents. Séparés par la réalité et l'extrême confusion de l'époque. Tout s'est érodé entre nous. Une érosion en plusieurs décennies qui s'est accéléré depuis quelque temps. Jusqu'à la fracture finale. Une première ? Non. Quasiment programmée comme une réplique aux deux précédentes; elles ont laissé beaucoup de traces dans nos chairs blessées. D'autres lignes de fractures ont traversé notre histoire. Parfois très violemment. Notamment en périodes de gros conflits, bien localisés. Mais la plupart furent absorbées au fil du temps. Aucune fracture comme celle en cours. Plus profonde. Difficile à définir. Comme au bord de l'innommable. Les mots sont vains pour la présenter. Un trou béant au cœur de notre trajectoire commune. Accentué au fil du temps et des événements. Comment colmater l'indicible qui nous sépare ?

La fracture est aujourd'hui notre histoire. Incontournable. Plus qu'elle, partout autour de nous. Au fond de nos regards, sur nos lèvres, nos mots coupés en deux... Elle s'est glissée sous notre peau. Bien au chaud et camouflée, une présence d'abord invisible, pas " si gênante". C'est rien, ça va passer... Puis, peu à peu, elle a tracé de nouvelles frontières, dehors et dedans. Avec les proches et les éloignés. D'un côté ou de l'autre. Plus jamais côte à côte ? Comme quand tout allait bien, mal, bien... La vie avec ses flux et reflux.  Lumière et obscurité se côtoyant. Sans que l'obscurité ne puisse l'emporter. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. La nuit nous attend sur le quai d'arrivée.

Avec deux visages.

Chacun choisira le sien. Certains regards se poseront ailleurs, refusant de choisir entre les deux visages. Hués pour leur non choix. D'autres conspués pour leur choix. Culpabilisation, dénonciation, insultes, etc, au menu de ce dimanche d'avril. Dans tous les cas, l'arrivée à la même gare. Sur le quai, faisant mine de nous ignorer, les deux visages seront là. Et nous à traverser la gare, le cœur et la tête entre deux obscurités. L'une plus carnassière et dangereuse que l'autre. Quelle mâchoire choisir ? Celle qui nous déchiquettera très vite et laissera le cadavre de notre histoire dans les rues et villages de France ? Les crocs, plus souples, moins visibles, qui boufferont nos chairs sans trop de bruit ni de traces visibles de suite ? Quel que soit le choix, notre histoire va perdre.

Direction quelle perte ?

Le train ne va pas tarder à entrer en gare pour le départ. Notre histoire coupée en deux fait les cent pas. Fuir ? Ne pas grimper à bord du train "choix 2022" ? Beaucoup refuseront de le prendre. Trop usés à force de faire barrage? Désabusés ? Inconscients ? No future ? Sans doute nombre d'indécis débouleront au dernier moment sur le quai. Rares, très rares, les visages aux couleurs joyeuses d'un départ en voyage. Pas de vacances au terminus, ni de beauté et inconnu à découvrir. Nulle surprise. À l'arrivée, un visage ou l'autre. Tous les deux mortifères. Et la même sensation pour les passagers et passagères. Celle d'avoir voyagé en marche arrière.

Revenus à la même impasse.

Qui a choisi le meilleur trajet ? La question ricoche sur le quai silencieux. Un silence pesant. Une inquiétude plane dans l'air. La nuit en bout de voyage ? Encore un peu de pénombre ? Plus personne n'envisage une quelconque lumière à l'arrivée. Choisir entre la pénombre ou la nuit. Pas d'autres alternatives pour le moment. Peut-être plus tard... Pour ce moment de notre histoire, un voyage avec le cœur lourd. Le poids d'une histoire qui ne se rêve plus. Rongée par le doute et la trouille.

Notre histoire avec France.

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