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Ganté et masqué. Il glisse le pistolet dans sa poche. Tout est prêt pour l’opération. Personne n’est au courant. Il agit seul. Prévenir quelqu’un ? Il y a songé. Jusqu’à prendre son téléphone et raccroché avant d’avoir la tonalité au bout du fil. Difficile a expliquer. Qui d’assez fou pour le suivre dans une telle initiative ? Sans doute même qu’il aurait été balancé. Et son opération serait tombée à l’eau. Pas d’autres opérations que d’opérer seul. Être rapide et le plus discret possible. Tout se déroule sur l’espace public. En plus dans un endroit très fréquenté. Tout était planifié, dans les moindres détails. Moins d’une heure avant de se trouver sur place.
Il s’approche de la fenêtre. La circulation est peu intense sur le grand boulevard. Il pose le front contre la vitre. Le doute revient le troubler. Comme pendant sa nuit d’insomnie. Il n’a pas cessé de peser le pour et le contre. Son pistolet posé sur la table de chevet. L’idée lui était venue quelques jours après. Sa première réaction a été de la balayer. Fallait trouver une autre façon d’opérer sur le terrain. Puis la même idée est revenue sans cesse. Jusqu’à ce qu’il se décide à l’accepter. Puis la mettre en place. Première fois qu’il passe à l’action sans prévenir qui que ce soit. Même pas demander un conseil. Il doit agir seul. Sans le moindre soutien sur le terrain. Et sans doute attaqué par la suite.
Sa main gantée serre l’arme. Il a encore temps de renoncer. Tout annuler. En parler à sa sœur ? Elle a toujours été de bons conseils. l’un et l’autre sont très proches depuis l’enfance. Solidaires contre les coups du sort et du père. L’un et l’autre s’en sortis complètement différents. Malgré leurs nombreuses divergences de points de vue, surtout sur la religion; ils sont restés très proches. Chaque fois très heureux de se revoir. Sans pourtant de grandes effusions ni Niagara de paroles. Juste besoin de se serrer l’un contre l’autre et échanger des petits sourires. Sourires complices de deux gosses qui se sont sauvés ensemble. Elle a toujours conservé son regard de grande sœur sur lui. Il jette un coup d’œil à sa montre. Elle doit être encore chez elle. Il compose son numéro.
Le message se déroule lentement. Elle doit-être sous la douche ou dans son jardin. « C’est moi, je…. Je… Je t’appelle juste pour savoir si on peut déjeuner ensemble dans quelques jours. Parce qu'après je dois partir pour pas mal de temps. Rappelle-moi quand tu as ce message. Je t’embrasse. Très fort.». Il regrette son coup de fil. Elle allait deviner au ton de sa voix que ça n’allait pas. Elle allait s’inquiéter et le harceler de coups de fils et textos. Il retourne à la cuisine et se ressert un café. « Qu’est-ce qui se passe ? ». Premier texto inquiet. Lui répondre ou pas ? Il coupe son portable. Trop peur de craquer et tout lâcher. Pas le moment de lui parler. Il l’appellera dans la journée. La porte s’entrouvre. Le chat se glisse dans la cuisine. Il se précipite sur sa soucoupe à croquettes.
L’air est déjà chaud. Il essuie la sueur sur le front d’un geste. Une vieille voisine est assise sur le pas de sa porte. Comme chaque jour, il lui adresse un geste de la main et remonte la rue. La quasi-majorité des rideaux de fer est baissée. Une rue d’habitude très passante. Depuis quelques semaines, elle est à l’image de la ville. Comme en salle d’attente. Les rares passants, ombre masquée, ne traînent pas. Il se dirige vers le rond-point. C’est le lieu du rendez-vous. Près de l’abri bus. Dos à l’église et face à une pharmacie. Un chantier de démolition sur sa droite. Avec le bruit d’une pelleteuse et d’un marteau-piqueur. Il s’arrête. Un coup d’œil à droite à gauche. Puis sur sa montre. Dix minutes d’avance. Faire quelques pas et revenir à l’heure pile ? Il se pose la question sans bouger. Incapable du moindre geste. La tension lui noue le ventre. Son geste sera irrévocable.
Surtout à l’ère de l’image. Le type sur son balcon en train de fumer sa clope ? La jeune fille assise sur un banc les yeux rivés à son smartphone ? La pharmacienne derrière sa vitrine ? Le livreur en double file ? L’un des ouvriers du chantier ? Il promène le regard de l’un à l’autre. Qui, parmi eux, dégainera son portable ? Son acte a peu de chance de passer inaperçu. Sa sœur le saura très vite. Plus tous ses autres proches. Ne te disperse pas, soupire-t-il. S’efforçant de fixer un point invisible. Immobile au bord de la rue. La sueur tapisse à nouveau son front. Elle colle aussi son masque. Il consulte sa montre. Qu’est-ce qui se passe ? Le véhicule aurait dû passer depuis deux minutes. Il se tord le cou. Un sourire aux lèvres. Il rajuste son masque et se redresse. La main sur son arme. Le visage crispé.
La voiture remonte la rue. Une grosse berline blanche. À l’intérieur, un homme et une femme. Plus que quelques secondes. Qu’en pensera sa sœur ? Et comment réagiront tous les autres ? Leur avis n’est que celui de simples mortels. Il lève les yeux au ciel. Seul Dieu jugera son acte. C’est lui qui lui a demandé de le faire. Sa main ne tremblera pas. Il ira jusqu’au bout. Le véhicule s’arrête devant lui. La vitre se baisse. Il s’adresse au couple. Ses mots sont bouffés par le bruit du chantier. Il fait un geste rapide et sort son pistolet. La pharmacienne ouvre des yeux ronds. La jeune fille se recule et lève son Smartphone. Il braque l’arme sur la voiture et tire deux coups. D’autres yeux numériques sont braqués sur la scène. Le véhicule s’éloigne aussitôt. Lui reste sur le trottoir. Son arme à la main.
Un pistolet à eau bénite.
NB: Une fiction inspirée de cette info. Fake-news ou pas ? Dans un cas, c'est très drôle. Et dans l'autre drôle mais aussi inquiétant sur notre siècle. Affaire divine à suivre…