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Billet de blog 19 septembre 2023

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Circulez, il n'y a plus rien à rêver

La patrouille de la réalité. Elle tourne autour de chaque rêve. Petit ou grand. Prête à contrôler l’être rêvant. Lui rappeler que l’excès de rêve peut-être un délit. Le ramener à la réalité. L’empêcher par tout moyen de rêver. Lui renfoncer dans le crâne que le principe de réalité a toujours le dernier mot. Rajouter que tout est pourri. Et l’espèce humaine la pire espèce

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Illustration 1
© Marianne A

              La patrouille de la réalité. Elle tourne autour de chaque rêve. Petit ou grand. Elle est prête à contrôler l’être rêvant. Lui rappeler que l’excès de rêve peut-être un délit. Et, s’il insiste,  le ramener à la réalité. L’empêcher par tout moyen de rêver. Lui renfoncer dans le crâne que le principe de réalité a toujours le dernier mot. Rajouter que tout est pourri. Martelant que  l’espèce humaine est la pire espèce. rien à en tirer. C'est l'espèce  qui a tout détruit sur son passage. Une prédatrice autocentrée et sans le moindre scrupule. Âpre au gain, elle est capable d’essorer la terre, les océans, la faune, la flore, jusqu’à la dernière goutte de vivant. Tout doit disparaître après son passage sur le globe. Si aveugle et vaniteuse qu’elle est en train de réussir à s’autodétruire. Personne ne regrettera notre humanité.

            Aucun  avocat pour la défendre dans la soirée. Tous les individus autour de la table étaient ligués contre elle. Avec ma participation active pour la dénigrer. Notre espèce coincée à table dans un tribunal. Elle a encore pris cher. Comme bien souvent depuis quelque temps. De plus en plus rarement défendu. Jugée donc sans la moindre présomption d’innocence. Ce qui est tout à fait normal. Elle a prouvé depuis très longtemps qu’elle n’était pas innocente. Bien au contraire. Une véritable criminelle planétaire. Capable d’étendre ses crimes à travers l’univers. Elle est coupable de nombre d’exactions. En faire la liste ? Beaucoup trop long. Mais nous avons des preuves irréfutables de ses crimes. L’espèce humaine est coupable.

               Pas seulement l’homme. Même si le patriarcat a fait plus que des dégâts. Femme, enfant, tous les genres, noir, blanc, jaune, pauvre, riche ; personne de notre espèce n’est innocent. Chaque respiration, chaque geste, chaque déplacement motorisé, chaque mail… Le moindre acte de sa présence sur terre participe à la mort programmée de la planète et du vivant. Même les décroissants sont complices en partie du meurtre de masse planétaire. Nul ne peut y échapper. Tous, toutes et les autres, nous sommes pieds et poings liés avec notre smartphone, notre bagnole, notre vélo électrique, notre tablette, et tous ces outils dont il serait très difficile de se passer. Voire impossible. Guère un scoop. Tout le monde le sait. Même les individus critiquant les ravages de la religion Capitalisme et de son Dieu Fric. Et à juste titre. Mais avec quel outil s’opère leur critique ?

             Vraiment des pourris. Le constat après le repas. Tous, toutes, tous les genres, pourris. Personne de notre espèce à sauver. Pas si grave qu’elle finisse cramée par le soleil. Dernier grand feu avec la population mondiale au milieu. Pour laisser place à d’autres espèces, moins puissantes que la nôtre, mais finalement beaucoup plus intelligente car elles n’ont pas chercher à détruire et s’autodétruire. Le paradis existe sur terre. Après le départ des humains. La planète, la flore, la faune, vont enfin souffler. Tenter de se reconstruire. Pas facile après tout ce que nos mains ont bousillé. Bref, de nombreux nuages sombres, après la soirée. La tête chargée de fin du monde et de tout est foutu. Circulez, il n’y a plus rien à rêver.

          Nous, soussignés humains, nous nous déclarons coupables de crime contre la vie, etc. Pourtant une fort belle soirée. Avec des rires, du bon vin, de la bonne bouffe, quelques frottements d’idées entre individus capables de débattre… Et une putain d’envie de chialer. Jeter l’éponge. Inutile de rajouter sa dose de pire. Des images sans espoir embouteillant ma nuit blanche. Pourquoi se relever dans quelques heures ?Justement le jour pointe son nez. Venu me narguer ? Les premiers pas d'une nouvelle journée. Sûrement  une photocopie de la précédente. Le jour soupire. Si tu n’as rien à rêver, faire, espérer ; reste sous tes draps. Ne te lève pas. Ne viens pas rajouter ton impasse sous les draps du monde. L'espèce; tu l'aimes ou tu la quittes.  Après une nuit blanche, les morsures de la lucidité. Retourner au lit ou attaquer le chantier de la journée ?

           J’écarte le rideau. Incroyable ! Qu’est-ce qu’ils foutent là ? Une foule occupe la cour la maison. Et pas n'importe qui. Homère, Socrate, Shakespeare, , Rimbaud, Olympe de Gouges, Dostoïevski, Zola, Céline, Yourcenar, Duras, Soulages, Van Gogh, Bach, Pierre et Marie Curie, Simone Weil et Veil , Gréco, Brel, Ferré, Brassens, Arno, Bashung, Jo Strummer, Mandela… La cour se remplit de plus en plus. Ça afflue de partout. Seul ou à plusieurs. Des scientifiques, des artistes, des politiques, des sportifs, des journalistes… Des têtes connues ( visages publics de personnalités du passé et de nos jours) mais aussi inconnus hors médias. Infirmiers, enseignants, boulangers, agriculteurs, routiers, pompiers… Comme si l’espèce humaine d’hier, d’aujourd’hui et de demain, s’était donnée rendez-vous au même endroit. Pour rappeler qu’elle n’est pas que pourrie. Dévoilant la belle face de sa médaille que nous traînons sans cesse dans la boue. Notre espèce est aussi porteuse de grande beauté. Très vite, la foule s’est dissoute. Jusqu’ à ne laisser place qu’à un chat allongésur l’herbe. Imperméable aux déboires de l'espèce dominante.

              Et à un café solitaire. Les yeux sur le jour entièrement levé. En effet, qu’est-ce que notre espèce est dégueulasse. Pour ne pas dire à vomir quand on se remémore les horreurs perpétrées depuis la naissance de l’humanité. Nul peuple ou individu n’a les mains propres. Bien que certains et certaines se trouvent tout en haut du podium de la saloperie et des tragédies dont nous sommes capables. A chaque siècle, sa nouvelle technologie et avec elle l'imaginaire de la cruauté des passagers de la planète. Le jour à raison. Autant rester dans mes draps. Ratiociner dans mon coin avant de calancher. Ne pas rajouter du pire au pire. Facile de noircir encore plus le déjà sombre. Et guère original.

           Soit tu te lèves, sois tu crèves dans ton coin sans emmerder les porteurs d’espoir. Et tous les vivants qui continuent d'avancer. Ne plombe pas l’espèce du poids de  ton désespoir individuel. Éteins la lumière et mets un silencieux à tes larmes quand tu désespères de tes contemporains. Cette journée n’est pas uniquement la tienne. Ni cette planète. Tu viens rêver, espérer, vivre, ou tu restes dans tes draps sans horizon ? Du côté des vivants ou des morts en attente ? Tu reprends une tournée d’être ? Préfères-tu te momifier de ton vivant ? Que choisis-tu solitude de l’espèce humaine ? Le jour fixe la fenêtre. Bien déterminé à obtenir une réponse. Que répondre au jour ?

          Viens prendre un café.

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