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Mouloud Akkouche

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Billet de blog 20 janvier 2025

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D’ici ou de l’au-delà

Entre les deux, une adresse. De la naissance à la mort. La même adresse de ses premiers pas ou changeante. Celle où l’on vit. On peut bien sûr changer d’adresse. Sauf deux. Là où l’on a vu le jour. Où que l’on se trouve, sa venue au monde est localisée à jamais. Comme l’endroit de son dernier souffle. Lieu de naissance et de mort n’ont qu’une adresse : début et fin d’histoire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Photo: Marianne A

        Citoyen du monde. De plus en plus rare quand on entend quelqu’un s’en prévaloir. Même les plus mondialistes et sans frontiéristes ont du mal à le prononcer. Comme si cette formule était ringarde, naïve, et hors-sol. Se déclarer citoyen (de tout sexe et genre) du monde est une déclaration du vieux monde. Désormais, les conversations tournent le plus souvent entre droit du sol ou du sang. Une obsession qui gagne de plus en plus de cerveaux et de cœurs. Comme s’il fallait nécessairement se définir autour de ce droit. Celui du sol : être d’un village, d’une ville, d’un quartier, d’un pays. Parfois, l’espace s’élargit jusqu’à un continent. Le désir et l’affirmation d’être d’un territoire me semblent de plus en plus prégnants chez les uns et les autres. Un sentiment d’appartenance sûrement plus simple à prouver que l’affirmation d’être de tel ou tel sang. Surtout sur une planète avec tant de mélanges. Depuis la nuit des frottements de corps.

          La quête du sang pur. Nous en avons nombre d’exemples dans l’histoire de l’humanité. On sait où mène cette quête de pureté du sang. Entre autres, cette fameuse bête toujours féconde dans le ventre du monde. Elle renaît ici et là. Avec d’autres visages. Les cibles sont certaines du passé et de nouvelles. La bête immonde sait remettre à jour sa haine. Avec dans tous les cas, la volonté de détruire une population ne correspondant pas à celle habitant son miroir. La destruction plus ou moins violente de tout ce qui ne ressemble pas à soi et à ses proches. Que ce soit une différence sur le plan physique, les us et coutumes, les religions, la pensée… La liste ne peut être exhaustive. Quand on recherche la pureté du sang, il n’a pas de limites. Puisqu’il faut toujours prouver être de la « maison du sang pur ». Habiter le bon corps. Pas facile avec ce sang de la même couleur pour tout le monde. Même les animaux saignent de couleur rouge.

           Ce désir mortifère de pureté ne se limite pas à la chair. Aujourd’hui, elle s’attaque aussi à la pensée. En quelque sorte le droit du sens. Certains êtres persuadés de vivre à l’adresse de la bonne pensée. Celle où il faut habiter pour être du bon côté. Les autres pensées sont de fait sous le mauvais toit. Avec toute proportions gardées, le même réflexe que le droit du sang. Cette impression d’avoir la pensée pure : la seule issue d’une source non polluée. Toutes les autres idées étant donc plus ou moins impures. Certains et certaines ont cette tendance à penser qu’ils pensent mieux et être détenteur de la « bonne pensée ». Personne n’échappe à cette inclination. J’ai aussi cette tendance. Parfois persuadé d'être dans le camp qui a le meilleur point de vue. Oubliant juste que ce n'est que mon angle de vision et de mes proches. Pas celui de tous mes contemporains. Comment sortir de notre « bonne pensée et vérité unique » ?

          Pas qu’une seule solution. Chacun-chacune la sienne. D’autant plus que c’est un problème entre soi et soi. Une lutte interne pour se remettre en cause. Les combats contre ses propres travers sont souvent plus durs que contre ceux des autres et du monde. Penser contre son « entre-soi » peut-être une des pistes de travail interne. S’extraire de ses certitudes. Avec de temps en temps des déménagements mentaux. Changer parfois d’adresse de pensée. Pour aller vivre momentanément sous quel toit ?   Rue du Doute.

         Ton truc de citoyen du monde, c’est encore un conte de fées de l’Ancien Monde. La voix qui ne me rate jamais a raison. C’est de l’utopie d’une autre époque. Plus du tout compatible avec notre siècle avec de plus en plus d’entre-soi. Le communautarisme est une valeur en hausse. Chacun-chacune sa chapelle, chacun-chacune sa mosquée, chacun-chacune sa synagogue, chacun-chacune son temps, chacun-chacune son isme, chacun-chacune son sexe, chacun-chacune son genre, chacun-chacune sa bonne pensée… Rien de nouveau ? Peut-être. Mais la sensation – peut-être une erreur - d’une poussée de murs et frontières. Des fermetures visibles ou invisibles. La plupart de notre fait. Nos fermetures volontaires ?

              Tout ça est sans doute motivé par nos peurs de l’inconnu. Rien de plus naturel. On a tout plus ou moins besoin de se rassurer. Sa famille, ses amis, ses voisins, sa religion, son courant de pensée, sa radio, sa télé, son quotidien et hebdo… Une trouille bien entendu qui peut être vaincu. Et doit l’autre pour ne pas devenir un mur sur deux pattes. Mais plus compliqué en ce moment à se battre contre cette trouille. Pourquoi un combat « contre soi » plus complexe de nos jours. Cette trouille est attisée par une très grosse force de frappe médiatique. Comment la reconnaître ? Elle a des dizaines de millions de fils sur tout le pays. Tous sont branchés sur nos écrans en France.

           Que se passe-t-il quand on remonte ces fils ? On arrive jusqu’aux marionnettistes. Celles les moins dans l'ombre. Comment sont ces marionnettistes ? Des visages de toutes les couleurs, des hommes, des femmes, d’autres genres ... Difficile de tracer un portrait-robot. Des individus pouvant être fort différents dans leur us et coutumes. Mais tous et toutes ont un point en commun. Lequel ? Alimenter nos trouilles non-stop sur nos petits carrés lumineux et mobiles. Nous replonger systématiquement dans l’anxiété en nous inondant d’images sombres. La plupart sont réelles. Pas des images bidonnées ; même s’il y en a de temps en temps. Ce que nous voyons est bien telle ou telle violence. Avec du vrai sang versé. La silhouette dessinée sur le trottoir est celle d’un être de chair et d’os. Une histoire qui ne se relèvera jamais. Encore du gâchis humain.

         Des images réelles avant une autre violence. Moins bruyante et spectaculaire. La violence des images balancées en boucle jusqu’à nous faire croire que le danger est toujours derrière notre porte. Voire même sous son toit (ce qui est vrai pour les féminicides et la majorité des meurtres : commis la plupart du temps par un proche). La réalité sombre exploitée pour nous faire croire qu’il n’y a que le pire. Et donc une invite martelée pour être en vigilance permanente. Mais un martelage pas qu’en France. Des milliards d’autres fils tendus ailleurs sur la planète. Entre les mains de marionnettistes mondialisés. Dont l’un d’entre eux  qui visent les étoiles. Avec le rêve d’aborder d’autres planètes. Dans quel but ? Pour les coloniser. Mais d’abord en agitant la boue extrême sur terre.

           Revenons à notre ici. Avant l’au-delà, il y a encore des choses à faire ici. Même si l’érection de nouveaux murs semble actuellement le seul horizon du siècle. Avec de plus en plus d’entre-soi. Indéniable que la chanson de ce début de siècle ne sera pas « Douce Planète ». Surtout pour certaines populations. Mais pas une raison pour baisser les bras et laisser nos histoires - uniques - entre les mains de quelques marionnettistes. On peut échapper à leurs mains cherchant à nous diviser sans cesse. Avec la volonté de nous compartimenter. Pendant ce temps, ils continuent de piller les ressources de la planète. Sans se soucier des dégâts humains, de la faune et de la flore. Peu importe tant que ça rapporte. Un pillage derrière le même étendard : toujours plus. Comment couper au moins quelques fils de nos marionnettistes ?

        Déjà en essayant de s’extirper de cet entre-soi où nous sommes tous plus ou moins confinés. Peut-être aussi retrouver le goût de l’utopie. Comme celle de la citoyenneté mondiale. Sans pour autant renier son ici. Quel plus beau cadeau offert à huit milliards de mortels. Avant de passer dans l’au-delà. Avec ou sans adresse éternelle. Mais en attendant, habiter le mieux possible ici. Et faire en sorte que ce soit en bonne intelligence de voisinage. Avec un grand gain pour chaque citoyen (de tout sexe et genre) du monde. Ce qu'aucun mur ni entre-soi ne peut offrir. Quel est ce gain ? Un immense territoire.

           D’ici et de partout.

          Citoyen de l'éphémère.

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