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Billet de blog 20 avril 2025

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Au village de Mon Ici

« À peine sorti de mon insomnie que ces connards me réveillent. Même pas une heure de sommeil. Un jour, je vais ouvrir la fenêtre et tirer dans le tas. Pas qu’eux que j’ai envie de buter. Y en a plein qui mérite de crever. Tous ceux qui emmerdent des gens comme moi. Nous, on est normaux. Pas des dégénérés. Du monde des vraies couilles. Et je suis fier d'être de notre bon village de Mon Ici.»

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Peinture: André Nouyrit

          À peine sorti de mon insomnie que ces connards me réveillent. Je venais  de réussir à m'endormir. Même pas une heure de sommeil à cause de ces connards. Un jour, je vais ouvrir la fenêtre et tirer dans le tas. Pas qu’eux que j’ai envie de buter. Y en a plein qui mérite de crever. Tous ceux qui emmerdent des gens comme moi. Nous, on est normaux. Pas des dégénérés. Des mecs avec des vraies couilles. Et qui veulent vivre avec des vraies femmes, comme avant, comme nos mères et grand-mères. Même si… Aucune est restée sous mon toit. Mais c’est une autre histoire. Pourquoi y m’ont réveillé ces connards ? Un jour, ils auront le droit au coup de fusil. Tirer dans le tas.

Les bobos

          Toujours à me sourire et venir me parler. Mais je sais bien qu’ils me méprisent. Comment je le sais ? Ça se sent. Que le méprisé qui le sent le mépris. C’est animal, quoi. Ils ont racheté la grange du vieux Marco. Une vraie ruine. C’est vrai qu’ils l’ont retapée vachement bien. Faut dire qu’ils sont pétés de thunes. Mais je préférais croiser le vieux Marco que ces… T’imagines que leur garçon est venu me voir l’autre fois tout fier pour me montrer ses ongles maquillés. Encore à cause de ces putains de journalistes qui parlent de genre, de transition de genre de mes couilles. Y en a que pour ça et les viols dans le milieu du cinéma. De toute façons chez les cultureux, ils pensent qu’au cul et à se défoncer. On dirait qu’il a pas d’autres infos. À force, ils foutent des sales trucs dans la tête des gosses. Heureusement que j’ai ma chaîne à moi. Elle parle au moins de trucs qui m’intéresse, moi et les gens normaux. Je lui ai dit au p’tit nouveau voisin que c’était un truc de PD et qu’il fallait pas qu’il fasse ça. Ses parents sont venus me faire la morale. Ça a duré des plombes. Je lui plus dit que c'était un truc de PD. Mais ils m’ont pas fait changer d’avis : un garçon c’est un garçon, une fille c’est une fille, point barre. Mais leur gosse est vraiment sympa. Je l’emmène quelques fois à la pêche. Il se débrouille pas mal. je lui ai aussi appris à tirer. En cachette de ses vieux. Le gosse a aussi un bon coup de fusil. Pas sûr que ses vieux acceptent que je l'emmène à la chasse. Dommage qu’il a des parents dégénérés. C’aurait pu être un bon gars.

        Ma chaine télé

        Font chier avec leurs conneries ! Suffit d’une bonne bombe comme à Hiroshima et Nagasaki. Surtout qu’on en a des nouvelles super balèzes. Tout ça serait réglé d’un seul coup. Qu’est-ce qu’on en a foutre de leur 7 octobre et de leur Gaza. D’un côté, ils arrêtent pas de pleurnicher avec leur Shoah. C’est bon, on a compris. Pas qu’eux qui ont souffert sur la planète. Et de l’autre côté, t’as les autres qui arrêtent pas de pleurnicher à cause de la colonisation, de plus avoir de pays, de vivre l’apartheid, comme en Afrique du Sud. Si ça tenait qu’à moi, une ou plusieurs bombes là-bas. Plus d’Israéliens et de Palestiniens. Et le monde entier sera enfin peinard. Le problème réglé. Ils viendront plus nous faire chier. Qu’est-ce qu’on fera après de toute la terre là-bas. Moi, je dis qu’on peut en faire un nouveau Cayenne. Pour y envoyer tous les violeurs, tueurs, et dégénérés. Vasectomie pour les hommes et ablation de l’utérus. Faut pas que les dégénérés se reproduisent. On les laisse entre eux se débrouiller. Avec des grillages comme les réserves de chasse. Et on les laisse se bouffer et s’entre-tuer. Sûr qu’on aurait moins de monde d'agression dans nos rues. Et ça fera du bien à notre humanité.

La voilée

       Manquait plus que ça dans notre bon village de Mon Ici. Un barbu et une voilée. En plus, elle est arrivée avec un gros ventre. Futur barbu ou voilée. Je supporte plus de les voir. Pas au village, pas dans notre pays. Si elle veut se déguiser en boîte aux lettres qu’elle aille dans un pays où elles sont toutes comme elle. Qu’elles viennent pas nous polluer le regard. Les musulmans : encore un problème qui serait réglé d’un seul coup avec de bonnes bombes. Mais plus difficile, car ils sont disséminés partout sur la planète. Y a toujours une solution. On peut tous les envoyer avec les autres dégénérés, là on a libéré de la place avec les bombes. Ouais, mais ils sont pas mal. Jamais ils tiendront tous sur un petit espace. On peut les éliminer. Avec la science, on a plein de possibilités de faire ça sans qu’ils souffrent. De toute façon, ils ne servent à rien, si ce n’est à faire chier les autres. Plus de musulmans, plus de problèmes de femmes voilées. Et on peut rajouter aussi tous les juifs, les noirs, les chinois.  Sans oublier tous les trucs de transgenre. Réussir enfin à se débarrasser de tous ceux qui sont pas comme nous. Pour faire une  sorte de planète de Mon ici. Entre nous, c'est tout. Et puis en plus ça réglerait le problème de la surpopulation. Nos gosses voudraient se remettre à faire des gosses. En tout cas, jamais je lui ai parlé à la voilé. Ni à son barbu. Je sais pas ce qu’ils fabriquent dans leur terrain. Ils arrêtent pas de recevoir des trucs par Amazon et de planquer des trucs dans la terre. Pas net leur truc. Sûr qu’ils planquent des armes. Un jour, quand ils seront pas là, je vais aller voir ce qu’ils planquent. Et direct gendarmerie.

Mon frangin

        Lui, c’est mon pote. On se connaît depuis la maternelle. On a fait un paquet de conneries ensemble à Mon Ici et dans les autres villages du coin. On s’est perdu de vue à 14 piges. Moi, je suis allé en apprentissage chaudronnerie. Et lui interne au lycée. Pas longtemps. Il est parti faire la route à 16 piges. Même ses vieux savaient pas où il était. Que moi à le savoir, puisqu’il m’envoyait des cartes postales. Dans des enveloppes pour que le facteur ou d’autres voient pas qui c’était. Je les ai gardées. Un carton rempli de cartes postales. Qu’est-ce que j’ai voyagé avec lui quand j’étais jeunot.

        À la mort de ses vieux, il est revenu à « Mon Ici ». J’ai eu du mal à le reconnaître. Cheveux longs et barbu. Comme les hippies qu’on voit à la télé. Mais il est plus comme ça maintenant. Quelqu’un de normal. Sauf qu’il fait de la peinture et qu’il sculpte. Les gens d’ici l’appellent le peintré. Je trouve ça bizarre ce qu’il fait. Mais à force, j’aime bien. Normal puisqu’on est vraiment pote. Pas pareil du tout que moi sous la tête. Mais on est… Ouais, on est comme deux frères. On s’engueule souvent et on se réconcilie toujours. D’ailleurs quand on était gosse, on s’est taillé les veines pour faire comme les Indiens : frères de sang. On vote pas pareil, on pense pas pareil, on se prend la tête. Mais on est des frangins. je me ferai tuer pour lui. Et réciproquement.

        L’autre fois, on a eu une embrouille à cause de la voilée et de son barbu. On en avait déjà eu une quand j’ai lancé une pétition pour qu’ils s’installent pas à nôtre Mon Ici . J’ai eu la moitié du village. Divisé comme la fêlure du tableau du frangin. Je m’égare... Revenons à nos moutons. Le frangin organise une expo dans son atelier et dans une grange qu’il a aménagé en salle de concert et d’expo. Pas la première fois. Mais comme il commence à être connu, il y a la télé et les journaux qui en ont parlé. La mairie et la communauté de communes a voulu aussi s’en occuper. En général à ses expos, y a toujours des gonzesses. Pas mon genre. Elle sont un peu... Comment dire ? Des bourgeoises qui font des nœuds avec leurs phrases. Le frangin y parle avec les mêmes mots. Mais lui je le comprends. Même si elles et moi on se parle pas, ça me fait plaisir aux yeux et aux narines avec leur parfum. Et puis il y en a des pas mal gaulées. Même si je sens que le plouc du coin les intéresse pas. Mais on sait jamais, comme disait l’autre, sur un malentendu… Je me sape comme un dimanche et qu’est-ce que je vois. La voilé et le barbu qui vont à l'expo. Pourquoi il les a invités ? Je passe la soirée à la fenêtre. Plusieurs heures. Et dès que le barbu et sa voilée sortent de chez le frangin, je cours chez lui. Mais c’était la fin.

            Il m’a offert un coup à boire et demandé pourquoi je n'étais pas venu. Je lui ai expliqué pourquoi. Et il commence presque à m’engueuler. Eh, le frangin, faut que t’arrêtes avec tes conneries. Moi aussi, je ne les aime pas les culs bénits. Qu’ils soient chrétien, juifs, musulman, même bouddhiste. Tous ceux qui croient en des forces autres que la nature et les molécules ce n'est pas ma tasse de thé ni mon verre de pinard. À ce propos, on s’en reprend un petit dernier. . Le frangin était bien pété. Il nous ressert un coup. Croire en une religion, c’est du masochisme. Se soumettre à un désir tout-puissant. C’est comme la sexualité sado-maso, on a absolument rien à dire si c’est entre adultes consentants. Le reste ne me regarde pas. Et si une femme veut se coller un voile ou une perruque sur la tête, ou une croix énorme sur le sillon mammaire, ça la regarde. Et puis on a tous et toutes nos soumission. Le frangin se rallume une clope. Il commence à dire n’importe quoi et bouffer ses mots. Écoute, moi, je suis pas… Il m'a coupé. Impossible d’en placer une. Quand il est bourré et parle politique, il est toujours en « oreilles bouchées ». Le frangin écoute plus que ses mots.

         Autant la fermer. Et nous, on est peut-être pas des soumis ? Tu as vu comment toi et moi, on picole et on clope. Sans oublier le p’tit porno pour tenir chaud à notre solitude. Me dis pas non, je le sais bien. Tu n’es pas le seul. Soumis au pinard, à la nicotine, et au cul de femmes obligées de faire du porno pour vivre. Balayons un peu devant notre porte de mec qui savent tout. Je sais bien que beaucoup de femmes sont obligées de le porter ce voile. Un voile non consenti. Et je serai toujours du côté de celles qui refusent de le porter. Comme les résistantes en Iran. De sacrée nanas, elles. Chapeau. Mais je n’irai jamais arracher un voile de la main ou d’un sale regard. Parce que respectant les femmes consentantes qui le portent. Et, si on est honnêtes, on doit dire qu'il y a des voilées consentantes. Même si ça m'emmerde. Il y en a. Et j’en connais. Qui suis-je pour imposer ma vision du monde avec mes yeux de mécréant ? Et si avant de s’occuper des poux dans la tête des autres, on s’occupait des siens. Et je peux te dire que j’en ai un paquet. Des poux plein mon crâne de fêlé. J’ai secoué la tête. Pas du tout  d’accord avec le frangin. J’ai voulu répondre, mais il pionçait. Je l’ai allongé sur le canapé, j’ai éteint les lumières, et je suis sorti. Comme toujours, j’ai craché sur la boîte aux lettres du barbu et de la voilée. Avant d’aller me coucher.

Le vieux paysan

           Toi, t’as encore fait de l'excès d'eau plate. C’est le vieux paysan qui se fout de moi devant l’épicerie. Il est venu acheter son journal. On l’appelle le vieux paysan. Mais il l’est plus depuis 18 piges. C’est le plus ancien du village. Lui à 95 piges et moi à 67, on a un point en commun. Lui, moi et mon vieux pote, nous sommes les derniers à être dans une des maison du village. J’aime beaucoup cet homme. Jamais, il a bougé du village. À part pour son armée. Mais on a l’impression qu’il connaît la planète entière. Sûrement, parce qu’il écoute la radio en boucle. Pas les mêmes ondes que moi. Jamais il est devant la télé. Lui a aucun problème avec les nouveaux arrivants. Ils sortent d’un ventre comme nous et ils finiront dans la terre et en poussières comme nous. Tant qu’ils m’emmerdent pas, je vois pas pourquoi je vais les haïr. En plus, j’ai plus de temps à perdre pour ces conneries. Et puis ça fait un peu d’animation dans notre village qui est en train de crever. Dis pas le contraire. Pour aller à l’épicerie ou acheter le journal, faut faire 7 bornes. Moi, je préférais voir des étrangers à Mon Ici  qui font revivre notre village que de crever en me disant que notre village c’est le cimetière. Il avait haussé les épaules. En plus, partout il y a des villages ou des villes de Mon ici . Mais notre dernière adresse c’est toujours  Rue de L’au-delà. Jeune homme, arrête de picoler comme un trou. Sinon, tu vas y aller avant moi dans le trou. Je l’aime bien notre vieux paysan. Notre sage à nous.

             Quand il va partir, on sera plus que deux natifs du village. Un vieil artiste qui me radote souvent : je préfère parler aux étoiles qu’à mon écran et aux cons. Avec elles au moins, il y a du silence et de la beauté. Ce qui manque de plus en plus à notre putain de monde qui ne jure plus que par des pouces bleus. Et il restera moi. Un vieux con qui a jamais réussi à fonder un foyer. Ni à être heureux dans sa solitude. Un vieux con devant sa télé. À haïr des gens que je connais pas. Et qui m’ont rien fait. À vouloir le retour d’un monde qui reviendra plus. Et en plus… Ouais, je peux le dire. Le vieux monde, je l’aime pas non plus. Il m’a pas beaucoup aidé. Sinon, j’en serai pas là. En fait, y a quelqu’un que je déteste plus que tous les autres. Je le croise tous les matins.

        Dans mon miroir.

La femme voilée

     J’y crois pas. Elle ose venir sonner à ma porte. Je vais pas répondre. Elle insiste. Putain, elle fait chier. Est-ce que je vais sonner chez eux, moi ? Chacun chez soi. Elle va pas s’arrêter ou quoi. Bon, je vais voir ce qu’elle me veut.

   J’ouvre la porte. Avec ma plus belle gueule de porte de prison. Elle va m’entendre la voilée. Et si barbu de mec, il bronche, direct un coup de fusil. Vont arrêter de me faire chier ces deux-là. En plus, ils se sont reproduits. L’horreur : un gosse de voilé au village. À la télé, ils ont dit que ça commence par un voile. Puis deux deux. Et après, la flotte de voiles. Sur une mer de barbus.

_ Pour vous.

       Elle me tend un cageot.

_ C’est notre première récolte.

       Je sais pas quoi dire. Quand même pas remercier une voilée. Juste un merci de la tête. Elle insiste pas et rentre chez elle.

        Comment ils ont fait pour avoir des tomates comme ça. Les miennes ont la taille de fraises. Pas normal qu’ils en aient d’aussi grosses et moi que dalle. Pourtant la même terre.

       En plus, elles sont bonnes.

Le gosse des bobos

        En larmes sur la route. Je m’arrête en bagnole. Qu’est-ce qui t’arrive mon p’tit gars. Le gosse a l'air sacrément perturbé. Ça me fout les boules de le voir dans cet état. C’est les mecs là-bas au garage. Il pointe l’index devant lui. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait. Ils m’ont traité de tafiole et m’ont baissé le pantalon. Je lui ai ouvert la portière. Monte, p’tit gars. Direct le garage.

         Qu’est-ce qu’ils ont pris. Je peux te dire que jamais plus ils le feront chier. Les mecs savent bien que j’ai du matos qui envoie du dur à sanglier et que je suis sanguin. Arrête de chialer, p’tit gars, t’es pas un… J’ai retenu ma connerie. Et je l’ai emmené au bistrot. Moi, pour mon p’tit blanc à rallonges. Et le gosse, son coca. Lui et moi installés au soleil de la terrasse. Sans parler.

        Ça doit être bien d’être un daron.

Tirer dans le tas.

           Encore réveillé par ces connards. Cette fois, pas que des paroles. Ils vont voir de quel calibre je me chauffe. Je sors à poil du pageot. Direction le garage. Là où j’ai planqué tous mes fusils. Plusieurs générations ont tiré avec.

      Je reviens dans ma piaule. Ouvre la fenêtre et claquent les volets contre le mur. Le jour s’est à peine pointé. On voit même pas la colline d’enfance. Je tire en l'air. Pas besoin de balancer un deuxième coup. Tous se sont barrés.

       Je me recouche.

        Sans ces putains d’oiseaux.

        NB :  Fiction inspirée d’une conversation .«Faudrait ligaturer de force les trompes de toutes les femmes d’Afrique, d’orient, et d’Asie. Pas d’autres solutions pour enrayer la surpopulation et régler le problème des migrants qui envahissent nos villes et villages. » Puis il a repris un verre. Avant de passer à un autre sujet. Une histoire qui  peut aussi se dérouler en ville. Ici ou là. Et partout sur la planète.

          Peut-être un jour d’autres nouvelles du Village de Mon ici ...

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