
Agrandissement : Illustration 1

« L'humanité devra mettre un terme à la guerre, ou la guerre mettra un terme à l'humanité. » John Fitzgerald Kennedy
Mourir de faim ou s'exiler. Pas la première fois de l’histoire de l’humanité que se produit un bras de fer alimentaire. Même César avait affamé les Gaulois lors du siège d'Alésia. Au fil du temps militaire, la famine a toujours été une arme de guerre. Affamer son ennemi en l’empêchant de se ravitailler ou en détruisant ses capacités de productions alimentaires. En plus des morts, des amputations, de la puanteur des cadavres, des cris, des silences entre deux frappes aériennes ; le ventre est en guerre. Une cible elle aussi à atteindre. Mais nul besoin d’envoyer des troupes ou d’utiliser du matériel militaire. Tout se fait à distance, sans se salir les mains. Juste attendre que la faim tue. Ou qu’elle pousse à l’exil.
Rien à voir avec ce qui se passe aujourd'hui, me dira-t-on. On pourra même rajouter que c’est une très mauvaise comparaison. Et sans doute à juste titre. Mais il ne s’agit pas ici d’un texte historique et technique. Juste un billet d’humeur ancré sur du sensible. Et la mémoire d’une émotion remontant à la surface. Avec le regard de cet enfant traversant le temps. Jusqu’à arriver en notre jeune siècle. La famine était aussi une arme redoutable pour détruire tous ces pauvres gens. La voix de mon instit de primaire revient aussi en mémoire de mes oreilles. Qui est cet enfant ? Le garçon à la casquette du ghetto de Varsovie. Il lève les mains. Un SS pointe son fusil-mitrailleur contre l'adolescent. Instantané de l’abominable.
Cette photo avait tordu mon cœur de gosse. Même réaction un demi-siècle plus tard en la revoyant. N'importe quel être doué d'empathie ne peut rester insensible à ce regard. Un enfant immobile face à ses tortionnaires et au monde entier. Dans les yeux de cet enfant, le reflet de toute une population broyée par la haine anti-juive. Des familles et des individus massacrés par une machine à détruire. Avec des millions d’êtres jamais revenus des camps de la mort. Cet enfant sur la photo avait à peu près votre âge, nous expliquait l’instit. Un ancien résistant n’hésitant pas à nous montrer des images de barbarie. L’horreur absolue vue par des gosses d’une école primaire. Avec les explications d'un instit de la République.
Revenons à notre époque. Autre temps, autres haines. Aujourd’hui, les massacres se font à coup de bombes et de missiles. Des massacres de population souvent à distance. Malgré de grandes différences avec le ghetto de Varsovie, il y a au moins un point en commun avec la situation actuelle de Gaza. C'est la famine. Détruire une population par son estomac. Comme la fameuse «Maladie de famine » lors du ghetto de Varsovie ? Toutes proportions gardées, la question peut se poser. Dans les deux cas, la destruction aussi par la faim. Pourquoi la volonté d’affamer toute une population à Gaza ? Pour la pousser à fuir. Laisser sa terre à des envahisseurs. Un pays envahi par une puissance étrangère. Comme l'Ukraine.
Nombre de génocideurs du milieu du siècle dernier ont été jugés et condamnés. Répondant de leurs crimes contre l'humanité. D’autres (Srebrenica, le Rwanda ...) à la fin du XXᵉ siècle ont aussi été traînés devant la justice. Certains, comme les génocideurs - entre autres affameurs -des amérindiens, ne sont jamais passés devant un tribunal international. Espérons que les « architectes et arpètes » des génocides en cours soient aussi jugés. Comme leurs clones sanguinaires du passé. Pour rendre la justice, les images et les témoignages ont de l’importance. Le frêle enfant aux bras levés, les yeux terrorisés, aura eu un grand poids sur l’histoire. Mais aussi sur nombre de regards de tout âge. Pour ma part, cette photo a contribué à mon éducation. Comprendre l’horreur vécue par les Juifs au mitan du siècle dernier. Une des pires nuits sur l'Europe et le monde entier.
Cette photo (son regard-témoin de l'horreur est toujours présent en mémoire) et d’autres ont construit ce que je sus devenu. À dix piges, la lutte contre le racisme et l’ antisémitisme était déjà intériorisée. Au fil des années, je me suis beaucoup documenté sur ces sujets. Natif d'une ville communiste avec un maire et un député anciens résistants, on ne rigolait pas avec le génocide nazi dans la commune. Et dans la Bibliothèque Robert Desnos, une grosse documentation sur cette période noire de l'histoire de France. J'y ai passé des heures de lecture. Plus l'écoute des conversation des anciens au bistrot du quartier. Avec de plus en plus d’outils en mains pour pouvoir argumenter et tenter de comprendre les racines de la haine de l’autre. Les combats contre le sexisme et l’homophobie ont été intériorisés plus tard. Comme d’autres luttes. Avec une constatation récurrente. Laquelle ? La persistance de notre connerie humaine
Merci à cet instit de nous avoir montré la photo de l’enfant du ghetto de Varsovie. Elle nous a secoué. Cet enfant pouvait être l’un d’entre nous. En plus de nous secouer, la photo nous a aussi permis de prendre conscience de la réalité d'un génocide. Nous qui étions nés une vingtaine d'années après la barbarie nazie. Méfiez-vous toujours du fascisme, il peut revenir à tout moment bouffer la démocratie. Nous avons beaucoup entendu cette phrase. À l’époque, on le trouvait obsessionnel. Certains gosses avec même des petits sourires en coin. Aujourd’hui, tous les voyants au « brun » lui donnent raison. Un fascisme avec de nouveaux visages. Parfois là où l’on ne l’attend pas du tout. Toutefois, un élément ne change pas. La même haine de l'humanité sous les nouveaux masques du fascisme.
Après l’école, le travail de mémoire a continué. Une réflexion alimentée par des textes. Pour ma part, mon éducation historique s’est faite beaucoup à travers des romans. La fiction restant un bon support pour s’immerger dans la folie humaine. Mais éduqué aussi par des photos ayant fait le tour de la planète. Dont celle d’une petite fille courant nue pour échapper au Napalm. Du ghetto de Varsovie au Vietnam, toujours les civils en première ligne. Et souvent les plus fragiles. Comme en ce moment sur nos écrans. Les coupables seront-ils jugés ? La balle dans le camp de la justice internationale. En attendant, le massacre continue. Visible sur tous les écrans du monde.
Milliards de vues sur l’enfer de Gaza.