La rencontre de ce soir est super importante. Un match de finale de l'Euro à surtout pas rater. Je me suis super bien préparé. Vraiment très en forme. J'ai pas mal sué en salle de muscu. Fallait que j'élimine un peu pour être efficace. Avoir le même niveau physique que les collègues. Je sens que j'ai une pêche d'enfer. Imbattable. Même si c'est pas le top de chez top au niveau mental. A cause d'elle… Qu'est-ce qui lui a pris d'un seul coup dans sa tête ? On était vachement bien ensemble. Pourtant elle avait tout ce qui lui fallait. J'arrêtais pas de lui faire plein de cadeaux. Une vraie p'tite princesse avec moi. Pourquoi me plaquer comme un kleenex ? Juste quelques heures avant que je monte dans le car pour aller au match. Ce truc me déconcentre.
Aucun de mes collègues est au courant. Pas très envie que ça se sache pour l'instant. En plus, j'ai remarqué que plusieurs lorgnent dessus. Faut dire que c'est la plus belle parmi nos femmes. Un jour, ils finiront bien par le savoir qu'elle m'a....plaqué comme une merde. Qu'est-ce qu'elle m'a allumé verbalement. Je pouvais pas en placer une tellement elle parlait. Je savais plus ou me foutre. Mais pas le moment de parler de tout ça. On a une mission. Faut se concentrer. Je veux être le meilleur du groupe. Prouver que je suis le plus fort.
On est vachement soudés. Rarement je me suis retrouvé dans un groupe aussi proche. Pas de chacun pour soi. Presque aussi important que ma propre famille.On est tous ensemble. Hors de question de lâcher un collègue en pleine action. Ça se fait pas. «On est comme les cinq doigts du pied de la victoire.». C'est un des collègues qui dit ça. On ira jusqu'au bout de l'Euro.. C'te finale c'est pour nous. On va la gagner, c'te finale. On va mouiller le maillot national pour ça. Fiers de notre drapeau.
Des mois que j'attends ce moment là. Tous dans le groupe on pensait qu'à ça. Et l'autre qui me largue à ce moment. Une vraie salope. Pourtant elle sait bien à quel point c't Euro 2016 compte pour moi. C'est ma vie. Depuis tout gosse, je me consacre au foot. A six piges, je dormais même avec mon ballon. Maman l'a encore gardé. Il est plein d'autographes de mes idoles de l'époque. «Tu penses qu'à tes matches. Je suis devenue invisible pour toi. Juste une poupée qui t'attend après tes matchs. ». Elle a pas tort. C'est vrai que depuis qu'on a été sélectionnés en finale, je vois plus rien d'autre. Elle pourrait comprendre. C'est un très grand moment. Fallait que je sois concentré entièrement dessus. Me préparer pour être au top. Bien à fond avec le groupe.
A quoi pensent les autres dans le bus? Sûr qu'ils matent leur tablettes ou envoient des SMS.Je sens qu'avec eux je peux aller jusqu'au bout du monde. Une vraie confiance. Un super esprit collectif. Pas comme avec mes anciens collègues. Toujours à se prendre la tête pour des conneries. On pensait plus à nos p'tits trucs personnels qu'à défendre notre maillot. Pour ça que notre groupe marchait pas. On allait pas tous dans la même direction. Alors que nous, dans le groupe, on a qu'un seul objectif. Et on l'atteindra. On sera les plus forts. Personne pourra nous battre. On repartira avec la coupe.
Est-ce qu'elle va changer d'avis ? Je crois pas. Elle est vraiment butée. Le retour va être dur, très dur. Le seul du groupe sans gonzesse pour l'attendre. Arrête de penser à ça, mec. T'es pas là pour te lamenter sur ton sort. Faut montrer que t'as des couilles. Être fort. T'es pas une tafiole. Les autres gars comptent sur toi. Faut pas les décevoir. Déjà super difficile d'arriver dans ce groupe. Faut que je leur prouve que je suis un bon. Mec, lâche pas l'affaire. Surtout un jour comme ça de finale d'Euro. Donne tout ce que t'as dans le ventre.
On descend tous du bus. Une putain de chaleur dans ce pays! Des flics partout. Y nous escortent. Les gens nous regardent. La presse est là. Je supporte pas ces charognards de journalistes. Surtout ces enfoirés de photographes et cameramans. Tous arrêtent pas de nous critiquer mais y vivent sur notre dos. Y sont payés à rien foutre. Pas eux qui mouillent le maillot comme nous pour assurer le spectacle. Et ce soir, ils vont pas être déçus. Je vais me donner à donfe. Va y avoir du sport. Un festival de chez festival.
Coup de pied. Il fait une feinte de corps et se met à cavaler. Je suis nul ou quoi ? Je le rattrape. On est face à face. Coup de boule direct. Il s'écroule. Ce sale nègre a essayé de m'arracher mon drapeau. On touche pas au drapeau national. En plus avec des mains de singe. Y va payer ce négro de mes deux. On veut plus voir de singes et de bougnoules dans nos équipes. Que des joueurs de chez nous. White, white, white. Pas besoin d'aller en chercher ailleurs. On veut des crampons bien de chez nous. Y a même aujourd'hui des équipes de gonzesses au foot. Et encore pire : de tafioles. N'importe quoi. La honte pour le foot. Moi, je suis... « T'es qu'un gros sac à bière. Ton cerveau, ta bouche, tout ton corps pue la bière et de connerie.». Pourquoi repenser à ce truc ? Je me souviendrai toute de ma vie de ce qu'elle m'a balancé. En plus, devant mon p'tit frère. Je suis pas le seul des collègues à boire de la bière. Elle en boit aussi de la bière.
Pour qui elle s'prend ? Pas meilleure et plus intelligente que nous. Depuis qu'elle va chez ce putain de psy, c'est plus la même. Elle nous regarde de haut. Comme si on était des bêtes sauvages. J'aime pas son nouveau regard. L'impression qu'elle me regarde comme si j'étais moins qu'une merde. Sûr que c'est le psy qui lui fout des sales idées dans le crâne. Elle est plus normale du tout depuis qu'elle le voit. Et puis, après tout… Une de perdue, dix de retrouvées. Pas me mettre à chialer comme un gosse. On est en Euro, mec. Faut être les plus forts. Point barre !
Le négro se relève et ferme les poings. Ce con a pas compris. Allez, viens, on va se la donner… Viens mon p'tit Mamadou. L'enculé de sa race ! Y vient de m'en coller une. Mon pif est p't'être cassé. Je vais le massacrer. Deuxième coup de boule. Bien placé cette fois, en pleine arcade. Le sang pisse sur sa face de singe. Deux à zéro Mamadou. Tu vas payer pour c'te salope, pour l'enculé qu'a pas voulu me garder comme barman, pour ce putain de psy qui m'a piqué ma gonzesse... Pour tout le monde qui me fait chier! Ça y est, ce connard a eu son compte. Pas prêt de se relever tout seul. Je vais aller aider le collègue qui en a trois gros balèzes sur lui. Merde ! Les flics débarquent dans les tribunes. Pas eux qui vont me foutre la trouille.
En plus, notre équipe mène au score. Les autres sont complètement dans le vent. Ils touchent pas une balle. Sûr que c'est plié. Ils sont rincés, plus rien dans le ventre. Faut les user jusqu'au bout, pas les laisser souffler. On est partis pour la finale. Tous les exploser ces blaireaux. C'est nous les meilleurs. On va le gagner c't' Euro 2016 ! Normal parce qu'on la meilleure équipe.
Et qu'on est les meilleurs supporters, les plus forts. Personne peut nous… Qu'est-ce qui se passe ? Les joueurs bougent plus. C'est bizarre. Jamais vu un truc comme ça dans un stade. Pas la première fois quand même qu'on bastonne dans les tribunes. La sueur du maillot dans les tribunes et la rue c'est nous. Faut bien montrer que notre drapeau à des couilles. Y a un mec en costard qui prend le micro.
NB ) Une fiction inspirée de la minorité de sans cerveaux qui s'autoproclament supporters. Juste des pourrisseurs de spectacle. Sans l'humour noir du grand Desproges qui sait tacler avec élégance les joueurs. Et nous les spectateurs.