La chambre à coucher, le salon, et la cuisine. Un couple est assis à droite de l’entrée grand ouverte. Ils sont silencieux. Chacun a le regard absent. Soudés et distants l’un de l’autre. Ils sont très économes de leurs gestes. Comme la majorité des gens sous la canicule. Une cigarette se consume entre les doigts de l’homme. Deux gosses de l’autre côté de l’entrée. Ils jouent avec des voitures. Très concentrés dans leur jeu. Comme si tout avait disparu autour d’eux. Seuls en ville.
L’homme passe la main sur sa joue bien rasée. Il toussote et hoche la tête. Sans quitter des yeux le point invisible devant lui. Il repousse le moment de se lever. Pesant d’avance lourd, très lourd, à la perspective des mêmes gestes à venir. Mêmes mots. Mêmes murs. Rien de nouveau. Rêvant sans doute de rester dans ce moment comme on repousse le moment de sortir de la couette. Il tourne la tête. Un sourire fugace aux lèvres en regardant ses enfants. Le sourire d' un homme de trente sept ans très solide. Son seul excès est la cigarette. Mais l’âme barbouillée. Un homme résigné.
Contrairement à elle. Le regard brûlant de colère. Refusant de n’être qu’un bout de chair passant et repassant sur la photocopieuse. Pour des jours et des nuits uniformes. Un quotidien qu’elle subit et vomit. Son époux tient le choc par la résignation. Baisser la tête et survivre. Contrairement à elle prête à griffer le vide devant elle. Ce vide aspirant sa famille depuis des années.
Regarder ses gosses jouer ne l’apaise pas. Même en ce jour ensoleillé où ils peuvent s'installer devant la maison. Elle ne veut pas se laisser aller. Baisser la garde sous le ciel bleu. La réalité à toujours le dernier mot. Et le bleu finit par s'assombrir. Ses griffes ne seront jamais rétractiles. Elle est toujours prête au combat. Les griffes d’une mère sans rêve. Une combattante de chaque instant.
La petite fille s’est assoupie. Sa voiture à la main. Son frère continue de faire avancer et reculer son 4X4 sur le sol. Imitant moteur et coups de frein. Des bruits à peine audibles sur le boulevard. Difficile de rivaliser avec les sons des vraies véhicules. Plus tout le bruit d’une ville les pieds sous la table du déjeuner. Comme à la brasserie en face de la famille. Une terrasse se remplissant au bord de chez eux.
Une tente posée sur le trottoir.
NB : Toute ressemblance avec des personnes où des lieux existants est réelle. Les clients de cette brasserie ne sont pas responsables. Ni les passants détournant le regard à la vue d'une paume ouverte. Une misère devenue le papier-peint quotidien des villes et des villages.