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Jeune et déjà à un quart de votre histoire. Et de la nôtre. Nous sommes des milliards à cohabiter avec vous. Certains vont ont connu à votre naissance. D'autres sont arrivés après. Et ça continue. Tout le monde pensait alors que vous ne naîtriez pas en poussant un cri. Ni avec un énorme rot planétaire. Pas du tout. Le monde entier attendait le bug de l’an 2000. La majorité d'entre nous était persuadée que votre arrivée occasionnerait un dysfonctionnement généralisé. Tout serait perturbé. Anxiété sur toute la surface du globe. Ce qui ne fut pas du tout le cas. Excepté des bugs intimes. Liés entre autres à des gueules de bois en ayant fêté votre venue. Pas une nuit comme une autre. Ce fameux an 2000 ayant peuplé nos imaginaires de gosse. Plus un fantasme : la réalité. Bascule dans un siècle nouveau.
Quelques jours avant votre arrivée, une sacrée tempête à traversé l'Europe. Sous mes fenêtres à Montreuil, toutes les installations du salon de Jeunesse éparpillées par des vents très forts. Des morceaux de barnum accrochés aux branches des arbres. Plus que les structures métallique comme plusieurs baleines sans chair échouées sous le ciel séquano-dionysien. Le XX siècle visiblement très en colère ? Voulait-il se venger d’une des nombreuses saloperies de notre espèce ? Nous faire payer toutes nos horreurs pendant son passage ? Un vieillard mécontent de devoir s’effacer et rêvant de continuer d’au moins regarder le monde ? Seul votre prédécesseur à les réponses. Et bien sûr les scientifiques spécialistes du climat. Mais une chose est sûre : le départ du XXe siècle n’est pas passé inaperçu. Parti avec pertes et fracas. En laissant dans son sillage de la boue et de la beauté. Comme tous les siècles. Comment se déroulera votre pot de retraite ?
Certes pas une question à l'ordre du jour. Vous avez encore 75 années à tenir. Devoir supporter (loin d’être une sinécure) notre espèce. En espérant que vos années à venir ne seront pas aussi sombres qu’ à vos débuts. Quoi que le siècle dernier était pire en termes d'horreurs entre « humains ». Dès 14 ans, son jeune nez d’ado planté dans la boue et le sang des tranchées. Expulsé de la jeunesse à coup d’obus ou de baïonnette dans la chair jeunesse envoyée à la mort par Les Maîtres des forges et autres « guerriers à distance » ; pour se donner bonne conscience, quelques commémorations « Mort pour la France » et la loterie nationale vendue par des gueules cassées (ayant raflé la mise au gros lot de l'horreur) sur des fauteuils roulants. La jeunesse d’un siècle anéantie dans les tranchées. Le « plus jamais ça » n’était pas fini ; notre espèce toujours capable d’ouvrir un nouveau chantier d’abominable. Comme deux décennies plus tard avec les camps de la mort. Autre temps, autres conneries humaines ; cher Siècle, vous avez débuté par des avions dans deux tours. Avec plusieurs milliers de morts. L’horreur à New York. À peine né et vous prenez ça en pleine gueule.
Puis peu après, nouvelle horreur en écho de la précédente. Perpétré cette fois par un cow-boy président aux destinées des États-Unis. Une vengeance ayant fait environ deux millions de morts. Dont nombre de jeunes soldats américains. Pour terminer la saga vengeance encore par une scène de western. La mort du terroriste le plus recherché de la planète dans une opération commando. Pas de procès, comme de nombreux criminels de guerre. Rien de tout ça. L’horreur du 11 septembre et celle qui l’a suivie s’est conclue dans un vulgaire règlement de compte. Le shérif en chef ayant orchestré le flingage n’était pas un descendant de cow-boy. Ni d’Indien. Mais le premier noir président de la plus grande puissance du monde. Une opération dont le nom de code pour annoncer le repérage du terroriste était: Géronimo. Le crâne et des objets du grand chef Indien volés par des étudiants d'extrême-droite dont un certain Bush - seraient exposée dans une fac américaine. Jamais rendus aux ascendants de Géronimo.
Nom de code donné par négligence ou cynisme ?
Ce n’était qu’un début de siècle.
Les horreurs allaient continuer. Guerres, terrorismes, colonisation, apartheid… Sur toute la surface du globe. Des crimes contre l’humanité beaucoup trop nombreux pour les lister. Pas le terme exact ? Désole, mais je ne suis ni juriste, ni journaliste. Et pas historien. Pour ma part, tout meurtre, isolé ( Féminicide, meurtre d’enfant...) ou en série (Guerre, terrorisme, colonisation… ) est un crime contre l’humanité. Même si c’est pour abattre les pires des ordures. Et certes en légitime défense. Chaque être tué de mort violente est une amputation de l’humanité. Certes , parfois nécessaire d'éliminer des humains pour résister à telle ou telle oppression. Sans doute que les résistants s’en seraient bien passés d'avoir du sang sur les mains. Tuer un semblable n’est jamais un acte anodin. Des fantômes peuvent traverser certains miroirs. Et même parfois y camper.
Pas un beau cadeau que nous vous avons offert pour vos 25 ans. Ni pour toute la population mondiale. Le monde offert à deux carnassiers internationaux. L’un ayant déjà commencé à dévorer l’Ukraine. Avec sans doute d’autres envies de coups de fourchette sur l’assiette mondiale. Un ogre assoiffé de pouvoir et de sang. Et bien sûr d'avoirs. Comme son collègue ogre récemment élu. L’un et l’autre ont le même genre d’appétit. Prêts à tout pour s’engraisser. L’ogre élu en novembre lorgne sur le Groenland. Très intéressé entre autres par les terres rares pouvant rapporter énormément. Des ogres très puissant à ta table, Chère Jeune siècle. Mais ils ne sont pas les seuls. D'autres ogres de moindre puissance détruisent ici et là des populations. Des exemples ? Suffit d’ouvrir son écran et ses yeux. Les « peuples petits Poucet » ont intérêt à se méfier. Voire même se serrer les coudes. En évitant de vouloir se transformer en autre ogre. Affaire à suivre…
Impossible de le passer sous silence dans ce genre de courrier. Il est devenu un élément central des préoccupations planétaires. Reléguant le reste - même très grave - à une sorte de fait-divers. Lui œuvre sur du temps très long. Rien à voir avec notre temporalité de mortels. Planant comme une épée de Damoclès climatique. Ce fameux réchauffement. La majorité s’accorde à penser qu’il existe. D’autres nient ce réchauffement climatique. Dans tous les cas, lui n’oubliera aucun être. Jusqu’à effacer toutes les espèces et notre planète entière. Indéniable qu’il ne fera de cadeau à personne - même les ogres seront bouffés. Sur le panneau de la vitrine planétaire est déjà inscrit : Tout doit disparaître. Une fin incontournable. Et en petit caractères est rajouté : rien ne sera repris, ni échangé. Deux questions se posent.
Comment ralentir l’inéluctable choc contre le mur ? Compliqué car nous faisons tous pour accélérer l’échéance. Comme si notre espèce était passée en mode suicide planétaire. Sans se soucier des générations à peine débarquées et celles qui rejoindront notre véhicule en roue ultralibérale. Que faire pour se délester de notre connerie humaine (personne n'en est exempté. ) et profiter du temps qui reste à notre espèce bio-dégradable comme tout ce qui est vivant ? Deux questions qui me semblent essentielles, Cher Siècle. Sacré gageure pour l'avenir. Et pas facile avec les huit milliards de sacs de nœuds à ciel ouvert. Notre toile d'egos et de nombrils.
Bon courage pour la suite.
Une lettre ou un faire-part de décès ? On dirait qu’il n’y a eu que du sombre sous vos pas de jeune siècle. Ce qui n'est pas du tout le cas. De très belles choses ont vu le jour depuis votre naissance. Et dans de très nombreux domaines. Notamment la libération de la parole du plus ancien damné de la terre: la femme. Mais aussi une très grande avancée technologique. Équivalente à un autre progrès au XVe siècle. Vous avez bien sûr deviné de quoi il s’agit: le numérique. Les fake-news, la fachosphère - identitaire ou intégriste religieuse - partout sur la toile, la haine sur les réseaux sociaux, la connerie, la division, le harcèlement, la terre redevenue plate… Indéniable que ce progrès ne va pas sans générer des dégâts collatéraux.
Après les réels problèmes, si nous listions tous les aspects positifs. Beaucoup plus de moyens d’expression, une nouvelle presse, de la culture, des sciences, de l'humour, des progrès pour la médecine … La liste n’est pas exhaustive des possibilités très intéressantes offertes par ce nouvel outil. Je vous laisse rajouter d’autres points positifs. En fait, le numérique génère beaucoup plus de meilleur que de pire. Et ce n'est que le début de cette aventure humaine. Ce qui n’empêche pas que ce soit un outil critiquable. Mais désormais incontournable. Comme l’a été l’imprimerie.
À propos d’écrit, vous êtes aussi le siècle de la poésie. Comme tous les précédents. Pas de présence humaine sans traces de poésie. Qu’elles soient orales ou écrites. Même après les pires exactions de notre inhumanité, elle aide à percer toutes les obscurités. Certes pas la première sur le terrain de l’aube. Mais une petite main incontournable. Après la nuit, toujours le retour de la poésie et de tous les arts en général. Que serait un siècle sans littérature, musique, cinéma, jeux vidéo, opéra, danse, peinture ? Une vaste enveloppe vide avec des corps-robots programmés par le radio-réveil et un rôle dans la machine. S’agiter derrière un masque social toute la journée avant de règle son réveil pour reprendre le collier du lendemain. Même si c’est une activité choisie, important de s’aérer le cœur et le cerveau. À travers l’art au sens le plus large du terme.
Imaginez un monde avec que des chaînes d’infos tournant en boucle. Dont certaines ayant pour mission principale de souffler sur les braises de la haine. Un monde sans livre, film, spectacle vivant… Après « L'origine du monde », la peinture de sa fin : un corps pendu dans l’univers. La planète au bout d’une corde. Malgré les difficultés, n’oubliez jamais la culture. Ni l’éducation. Jamais accessoires. Et contrairement à ce qu’on nous fait croire, un duo qui rapporte beaucoup. Un gain hors de prix pour la vulgaire finance. Mais qui contribue 7 fois plus au PIB que l'industrie automobile. Le cœur battant d’une civilisation avec des lumières dans les yeux. Pour s'éclairer et éclairer. Des battements sous la poitrine de notre espèce passagère.
Pour un souffle poétique.
Prétentieux et pompeux. Chaque fois la même impression quand je rédige une lettre ouverte. Qui suis-je pour me permettre un tel courrier ? La prétention du regard en surplomb ? Ma parole - sentencieuse ? - plus intéressante que celle de la majorité ? Mes propos sont-ils plus essentiels que le silence ? Des questions de fond juste pour la forme. ; la preuve sous vos yeux. Dans tous les cas, rien que la formule est étrange. Qui penserait à écrire une lettre fermée ? Ce serait de l’intime de tiroir. Toute lettre est censée être ouverte à lecture. Quelle que soit sa destination. Du branlage de mouche, comme dirait le grand Boris Vian. Et en plus trop tard. Désormais aux internautes de juger. Un quelconque intérêt ou « néant numérique » de cette lettre ?
Que vous souhaiter pour vos 75 prochaines années ? Moins d’ogres et plus d’humanité mondialisée. Ce n’est pas gagné. Mais ici et là des poches de résistance contre ces dévoreurs. Mais pas uniquement un combat contre les ogres puissants. Ne pas oublier non plus, les ogres de plus petit niveau, plus nombreux que ceux du haut du panier ; tout en bas, les petits crocs des bas du front identitaires et leurs clones en obscurantisme que sont les intégristes religieux. Plus tous les coqs se rêvant ogres. Cher Siècle, vous avez du pain sur la planche. Soyez rassuré, ça ne reposera pas que sur vos épaules.
En réalité, la majorité de la population mondiale penche du côté des lumières et de l’humain. Fort heureusement. Même si cette immense foule a du mal à se fédérer. Si notre espèce daigne à être moins conne et sortir de ses certitudes d’être au-dessus de tout le vivant, vous serez aidé dans votre chantier. Pour une fin de votre chantier en beauté. Pas sur une tempête comme le siècle précédent. Cher Siècle, je vous souhaite une bonne continuation. En espérant que votre pot de départ sera très beau. Parce que notre humanité le vaut bien. Et nous n'en avons qu'une. Bon futur 31 décembre 2099 !
Une retraite en bulles et poésie.