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Billet de blog 23 mars 2015

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Digues contre la Marine montante

 Hier, j’ai reçu un mail  de colère avec une liste en pièce jointe. Pas un problème  très important au regard de tout ce qui se passe. Les drames de la planète et en France sous un ciel de plus en plus sombre. Pleurnicher pour quelques festivals annulés. Quelle indécence ! Beaucoup d’autres sujets plus vitaux en ce moment. Encore un truc de bobos culturo-centrés. Des soucis de privilégiés.

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 Hier, j’ai reçu un mail  de colère avec une liste en pièce jointe. Pas un problème  très important au regard de tout ce qui se passe. Les drames de la planète et en France sous un ciel de plus en plus sombre. Pleurnicher pour quelques festivals annulés. Quelle indécence ! Beaucoup d’autres sujets plus vitaux en ce moment. Encore un truc de bobos culturo-centrés. Des soucis de privilégiés.

             Après réflexion, cette liste n'est pas si anecdotique et corporatiste que je ne croyais à la première lecture. Le nombre des festivals annulés est vraiment très important. La carte est mise à jour au fur et à mesure des annulations. Certes moins chargée que celles des candidats FN arrivés en tête ou très bonne position au premier tour des départementales. A priori, aucun lien entre ces événements tombés à l’eau et la vague Marine sur les départements. Pourtant, il y a quelques corrélations.

       Des relations certes indirectes. Droite ou gauche, des décennies que la culture est le plus souvent la cinquième roue du carrosse. Avec la droite, tout le monde était habitué. Pour une grande partie notamment de l’UMP, la seule culture valable est populaire, pour être bankable sur le plan électoral. Pas des défenseurs sincères de la culture populaire. Juste pouvoir continuer de régner.   

       Les cultures populaires, au sens le plus noble du terme, ne sont pas méprisables. Et même intéressantes. Elle reflètent et accompagnent toutes les générations. Du polar à la comédie, elles proposent des œuvres nulles ( vision totalement subjective) ou  de qualité. De Radio Nostalgie  (une radios que j'écoute souvent) à Plus belle la vie, elles ont  tout à fait leur  place dans le paysage culturel. Chacun heureusement libre de choisir son programme.

         Un choix pour chacun? Pas sî sûr quand on  ne propose qu'une culture unique à la majorité. Menu prémaché  de divertissement, pour ne pas dire de diversion pour acheter les produits manufacturés des annonceurs.Avec Marine Le Pen ou Sarkozy, le futur ministère de la Culture ( s’il y en a un) sera peut-être dirigé par Jean Roucas ou Enrico Macias. Tous un pays condamné à subir qu'une seule catégorie d'artistes. Perspective guère réjouissante pour la patrie des Lumières.

       Une grande partie de la culture « non populaire » a souvent été défendue sur le plan local ( mairie, région...) par la gauche. Ne pas oublier cette fameuse Ceinture Rouge qui ne caressait pas l’habitant - et contribuable -dans le sens du poil artistique. De l'autre côté du pérife, elle proposait des spectacles innovants, dérangeants, pouvant heurter une grande majorité. Et donc l’électorat . La gauche a donc été plus ou moins attentive à promouvoir cette culture dite difficile d’accès. Saluons ce courage.

        Mais, depuis des années, elle privilégie plus les résultats des élections qu’une véritable politique culturelle. Depuis l’arrivée d’Hollande, nombre de «cultureux» dont beaucoup de gauche, comédiens de rue ou de plateau, metteurs en scène, écrivains, chanteurs, sont très en colère contre ce mépris affiché de la culture. Aurélie Filippeti, pour des raisons que j’ignore ( peut-être le désintérêt total de François Hollande pour ce domaine), s’est contenté de faire de la figuration. Pour les plus optimistes et qui veulent encore y croire, elle a  géré la stagnation durable, sans faire de vagues. Les plus remontés contre son passage rue de Valois, considérant qu’elle  a donné un coup d’accélérateur dans la descente. Direct dans le mur.

           Avec Fleur Pellerin, excellente commerciale des nouvelles technologies, le coup de grâce a été donné. Sans doute une erreur de casting pour la direction du ministère de la Culture (sûrement meilleure à un autre poste). Beaucoup trop technocentrée et assujettie à " l'algorythme de recommandation de contenus". Personne d'autre à proposer ? Visiblement, les femmes et hommes compétents pour diriger ce ministère, à l'instar de Jean Vilar, Jacques Ralite, etc, semblent manquer au PS. Ou muselés pour ne pas gêner les courses électorales? Une absence inquiétante.

      Si elle n’explique pas évidemment les résultats des départementales, cette liste des festivals annulés n’est pas complètement étrangère à ce virage à l’extrême droite de tout un pays. La politique ce n’est pas uniquement « les Guignols de l’Info » ou des passages sur les plateaux des émissions les plus buzzantes. Tout le monde, après les résultats des départementales, n’a qu’un mot à la bouche : maillage électoral. Et le maillage culturel ?

      Culture populaire, ou très pointu, ne sont pas incompatibles avec un combat politique. Au contraire. Se battre pour des meilleurs conditions de vie sociale n'empêche de privilégier aussi la culture. Ce combat permanent d'Albert Camus qui écrivait: "Oui, il y a la beauté et il y a les humiliés. Quelles que soient les difficultés de l'entreprise, je voudrais n'être jamais infidèle ni à l'une ni aux autres." Rester fidèle à la beauté et aux humiliés est une belle gageure. Un défi à notre portée.

         Même dans le trou du cul de la France, le  plus petit des spectacles, permettant interrogations et réflexions, est un sac de sable contre la vague Marine montante. A chaque festival annulé, l’écume haineuse grignote de plus en  plus  la diversité des points de vue artistiques. Ces événements, petits ou grands, font corps avec des milliers d'autres digues essentielles contre les dégâts des tempêtes brunes. Sans oublier la préservation du très beau littoral et des paysages culturels ouvrant sur le monde. Pas que Jean Roucas ou Yannick Noah au répertoire de la culture si foisonnante de ce pays.

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