Une ville en France, été 2019,
Un poème n’arrête pas les balles. Même le plus fort d'entre eux. Pourtant j’en prépare un au cas où je me trouverai face à un fusil ou une autre arme. Je vais l’apprendre par cœur. Et au moment précis où tout basculera, je le réciterai tel un dernier geste de résistance. Serai-je encore maître de mon corps? La colère plus forte que la peur au ventre ? Capable ou pas d’ouvrir la bouche ? Toutes ces questions me hantent depuis quelque temps. Sans doute les nuits blanches générées par les menaces. Pourtant ce n'est pas la première fois que j'en reçois sur mon site. La haine numérique se propage plus vite que sur le papier. Peut-être devenu moins résistant à la connerie en vieillissant ? Usé. Difficile en tout cas de savoir comment je me comporterai devant ma dernière compagne. Homme debout ou animal traqué ? Avec ou sans voix ?
Pour l’instant, je suis assis à mon bureau, dans ma maison au milieu des vignes. Le chant croisé des merles monte du jardin. Au loin, les sons de la nationale qui alimente l’estomac urbain. Ma ville natale où j’ai tout fait. De l’école maternelle à jusque mes trente ans. Une ville que je connais sur le bout des rues. Elle m' a tellement donné depuis ma naissance. Je lui dois beaucoup. Pourtant, il fallait la quitter. J'étais devenu indésirable. Une cible permanente.
Douze ans que je ne l’habite plus. La première année, je suis parti vivre à l’étranger. M'éloigner dans un autre pays, entendre une autre langue que la mienne. Ma langue qui était mon seul outil. Et qu'on essayait de m'ôter par tous les moyens. Me faire taire dans mapropre ville. Puis, au fil du temps et de mes déménagements, je suis revenu dans mon pays. D'abord à la capitale. Une ville que j'aimais beaucoup. Mais pas ma ville. Et j'avais besoin de montagnes. J'ai déménagé en province mais encore très loin d'elle. D'autres montagnes très belles où je me sentais bien. Rien à faire. Ma ville natale me manquait plus que tout au monde. J'ai fini par me rapprocher peu à peu d’elle. Désormais cinquante kms nous sépare.
Et une nouvelle histoire. Depuis quelques années, elle est a beaucoup changé. Devenue comme une intime étrangère. Je ne la reconnais plus. Pour veiller sur ses rues et ses ruelles, son fleuve, elle s’est choisie les pires des femmes et des hommes. L’amour rend aveugle, dit-on. Elle ne voit plus rien. Et elle est sourde aux paroles des autres. De tous ceux qui l'ont prévenue et qui continuent de la mettre en garde contre ses nouveaux amants. Des amants qui veulent la réduire à leur image. Effacer ce qu'elle a toujours été: belle et accueillante. Sans oublier irréductible. Une ville libre et ouverte sur l'horizon.
Peut-être moi qui suis devenu complètement aveugle ? Je ne vois plus cette ville qu’avec les yeux du passé. Celle qui savait recevoir le monde entier à sa table. Ses gosses, du pire salaud au grand humaniste, n’avaient pas besoin de montrer patte blanche pour circuler. Bien sûr, les couteaux et les poings parlaient aussi. Loin d'être un havre de paix, une carte postale pour touristes. La violence ordinaire des corps qui exultent, l’irrépressible agressivité des hommes en cage au fond d’eux. Aujourd’hui, la haine n’est plus un coup de sang au coin d’une rue ou dans un bar. Elle est institutionnalisée. Inscrite dans la loi. Une haine légale.
Une loi que je tente de combattre avec mes mots. Pourquoi persister quand le combat est perdu d’avance ? Renoncer serait perdre deux fois. Devant eux et en plus face à mon miroir. J’ai appris par mes derniers amis en ville que j'étais devenu l'ennemi public numéro 1. Bien sûr, rien d’officiel. Ils bourrent le crâne des citoyens pour les pousser à me haïr. Surtout les plus fragiles qui me détestent sans même savoir qui qui je suis. Dressés comme des molosses pour l’attaque. Certains parmi mes ennemis ont été à l'école avec moi. Sans doute que mon inquiétude et mon isolement me font exagérer la situation. Bien sûr, rien de comparable à certaines périodes de notre histoire et ce que vivent en ce moment des habitants d'autres pays. Est-ce une raison pour ne pas être vigilant ?
Surtout quand j'apprends que le maire lâche devant le micro: " Certains hommes sont inutiles à notre projet de notre nouvelle société. La culture coûte cher et ne rapporte rien. ". Et pendant son discours, une émision littéraire (consacrée à mon dernier recueil de poésie) en arrière plan sur un écran. N'oubliez pas chers concitoyens de renouveler votre permis de chasse pour traquer les nuisibles. La chasse aux bobos et aux cultureux fainéants est ouverte ! Applaudissements et rires dans la salle des fêtes. Le premier magistrat de la ville, ancien journaliste, désigne traquillement des cibles à ses administrés. Un barbare ceint d'une écharpe tricololore. Quand ses chiens nourris à la haine seront lâchés, je ne donne pas cher de ma peau. A tout moment, ils peuvent passer à l’action et me traquer. La vengance des barbares de ma ville natale.
Mon poème sera prêt.
La mairie m’a trouvé un bon boulot. Je travaille dans la police municipale. Ils nous payent bien et nous on super équipés. Presque aussi bien que la police nationale. Depuis qu’on est là, plus de racailles qui font chier les gens dans la rue. On les a jetés de notre ville. Y a plus non plus de punk à chiens, de roms et de SDF qui salissent tout. Y a presque plus de femmes voilées dans notre ville. On est chez nous ici ! Pas chez eux. Moi si j’étais le maire, je nettoierai tout ça au lance-flammes. Mon brigadier m’engueule quand je dis ça. Il m’explique que j’ai raison de le penser mais qu’y faut jamais le dire à des inconnus. Faut que ça reste entre nous. On doit être discrets. Se méfier surtout des journalistes qui répétent et déforment tout. Mais il m’a dit qu’il y a de plus en plus de gens du peuple qui sont d’accord avec nous. Faut patienter. On finira par les avoir.
Y en a un que je déteste. Je pourris son site et je lui balance toutes les saloperies que je peux par le Web. C’est un écrivain qui est connu. Il vient d’une grosse famille de très riches de la ville. Ils sont tous pétés de thunes. Grâce au nouveau maire, on les a tous fait partir. La mairie a récupéré leur terrain et leurs maisons. Mais lui est revenu dans la région. Lui et ses amis sont des traîtres qui travaillent avec les musulmans, les nègres,et les juifs. Avec eux, y aura plus que des bobos et des tarlouzes dans tout le pays... Ce sera la fin de notre race. On veut plus de ces gens là chez nous. Y ont qu'a retourner d'où ils viennent. Cet écrivain il arrête pas d’écrire des saloperies sur notre maire. Que des mensonges.
Le brigadier m’a dit que cet homme est très dangereux pour nous. Il peut empêcher le maire et nous de travailler. On peut à cause de gens comme lui perdre la mairie. Ce salopard d’écrivain y connaît beaucoup de gens dans le pays et partout dans le monde. Chaque fois qu’il écrit quelque chose, ça se sait partout. Il passe tout le temps à la télé pour cracher sur nous. C’est un jaloux. Depuis qu’on l’a jeté de la ville, sa famille et ses amis aussi, tout va bien. Ca lui fout les boules de voir que notre maire réussit. Pas comme celui d'avant qui tenait jamais ses promesses. L'écrivain veut revenir comme avant. Reprendre notre ville.
Jamais de la vie, on le laissera faire lui et ses amis. Avec des potes de la brigade et d’autres aussi que je connais depuis la maternelle, ont est prêts à se défendre. Bien sûr, on fait ça discrétos comme m’a dit le brigadier. Personne sait où on s’entraîne. On se réunit dans un local où personne peut nous voir ou nous entendre. Et on se réunit jamais avec les uniformes de la mairie. Pas des abrutis quand même. On prend beaucoup de précautions.
Mes parents sont d’accord avec moi et notre nouveau maire. Mon père boit plus une goutte d’alcool. Il buvait comme un trou à cause du chômage. Depuis que le maire lui a trouvé un boulot, mon père est revenu comme avant. On peut rigoler avec lui. A la maison, c’est redevenu comme quand j'étais tout gosse. Comme quand il avait du boulot. Le maire a dit que le travail c’était prioritaire à ceux qui étaient de la ville depuis très longtemps. Pas ces étrangers des autres villes, et ceux pires venus de plus loin, qui viennent prendre notre boulot. Et salir nos rues. Ma copine, on va bientôt se marier, est enceinte. Je sais que notre fils ou notre fille sera sûr d’avoir du boulot. Notre gosse passera avant les autres.
Faut défendre notre ville.
Il est écrit sur une feuille de mon carnet. Pas un texte très long. Dès qu’il sera appris par cœur, je détruirai toutes les traces. Plus rien de palpable n’en restera. Mon seul poème qu’aucun éditeur ne pourra publier. Je refuse qu’il soit transmis aux générations futures. Seuls mes tueurs l’entendront. Je ne l’écris évidemment pas que pour eux. En fait, surtout pour moi. Me donner du courage au moment fatidique. Maîtriser ma peur.
Et aussi offrir à ce texte une plus grande force que tous les précédents, publiés et lus dans le monde entier. La puissance de ce qui passe sans laisser la moindre trace. Comme les vols des oiseaux, un regard croisé une seule fois. Peut-être complètement idiot de ma part mais je crois à la puissance de l’invisible pour opérer sur la réalité. La transformer. Il ne s’agit pas de Dieu auquel je ne crois pas du tout. Quel est donc cet invisible ?
Il me semble préférable d’utiliser le terme éphémère. Quelques mots jetés dans l’air avant mon dernier voyage. Sans doute pas entendus ou écoutés par les oreilles à proximité au moment où je les prononcerai. Peu importe. Je ne suis pas là pour alimenter ces chiens haineux qui me tueront. Ce texte aura une existence propre, fluide, sans le poids de mon ego, ni soumis aux vanités de chaqua individu. Mon poème sera comme le souffle du vent. Insaisissable.
Folie ou prétention ? Sûrement les deux. Encore un truc de rêveur hors réalité, m’aurait dit mon père, physicien de formation, qui ne croyait qu’aux sciences dures. Il répétait que le reste, tout le reste, n’était que sciences molles. Moi j'entendais « couille molle ». J'ai toujours su que c'est ce qu'il pensait mais n'aurais jamais exprimé de cette manière. Trop bien élevé pour basculer dans la vulagarité. Lui l’ancien résistant avait un gosse poète et peintre. Quel déshonneur pour son nom. Même sur son lit de mort, je sentais que son regard vide portait encore ce reproche. Le fils pas à la hauteur de ses espoirs.
Ce poème lui est en fait adressé. Une réponse bien tardive à vingt ans d’incompréhension entre un homme et son fils. Deux visions du monde différentes. Pourtant très proches l’une de l’autre sur de nombreux points. Ses idées et ses combats ont beaucoup représenté pour moi. Au fond, tous deux résistants, sans les mêmes armes. Ses actes de résistance sont gravés sur un monument aux morts et dans des livres d’Histoire. Les miens sont mes mots et ma peinture. Même s’il les a toujours méprisés, ou pire, considérés comme un divertissement. Un jeu de gosses né avec une cuillère à la bouche. Un "fils de".
Dans le maquis quand tu te trouves seul face à un ennemi, tu ne recherches pas la gloriole. Rien à prouver au monde entier. Pas là pour te raconter ton histoire. C’est ton ventre qui parle. Seul compte ton geste. Longtemps, ces récits de résistance m’avaient agacé. Quoi que je fasse, jamais je n’aurais eu autant la trouille que lui face à l'adversité; encore moins son courage. Se rendait-il compte à quel point il m’écrasait ? Impossible d'égaler ses faits de guerre.
Mon dernier geste pour nous réconcilier ?
J’ai la rage. Elle veut plus se marier avec moi. Je viens de recevoir son texto. Elle est partie avec un gars que je connais pas. Il est de la ville d’à coté. Je savais bien qu’il fallait pas la laisser y aller. Mais y avait pas le bac pro d’assistante maternelle qu’elle voulait faire dans notre ville. Elle était interne là bas. Je la hais. M’avoir plaqué pour un mec de l’autre ville. Une putain ! Me faire ça à moi. Je dois rêver, c'est pas possible autrement. C'est un cauchemar.
Personne le sait. La honte auprès de mes parents et de mes potes invités à la fête. Comment je vais le dire ? Dire que mon brigadier était mon témoin de mariage. Je sais pas quoi faire. Je peux même pas aller m’expliquer avec elle et fracasser la tête de son putain de mec. Le défigurer à coups de rangers dans la tronche. Ils ont quitté la région.
Pourquoi elle m’a fait ça ? Je comprends pas. Avec elle, j’ai toujours été parfait. Jamais un mot de trop. Je lui faisais toujours des p’tits cadeaux. Je suis pas un alcoolo comme beaucoup de mes potes. Un p’tit verre de temps en temps, pas plus. Elle avait tout pour être heureuse avec moi. On venait de la même ville et on pensait la même chose. On était pareils tous les deux. Pas possible. Le mec a dû la droguer. Je sais qu’y a des mecs qui font ça pour baiser avec des gonzesses sans qu’elles le sachent. Sûr qu’il lui a bourré le crâne pour qu’elle fasse ça. Pas d'autres solutions. Elle était pas dans son état normal.
Lui a trouvé un boulot loin d’ici. Elle a pas voulu me dire où. Juste que c’est une bonne place dans une boîte de commerce. Encore un gosse de riches. Comme ceux qu’on a jetés d’ici. Ils ont tout et viennent nous faire la morale à nous qui venons d’en bas. Mon père et le brigadier me disent que c’est à cause d’eux que ça va pas. Avant on les voyait ici, y foutait rien à traîner en vélo dans le quartier des bobos là haut. Le nouveau maire a changé tout ça. On l’a récupéré leur quartier. Les mecs et les gonzesses qui bossent pas, on en veut pas ici. On a fait des listes de ceux qui pourrissent la ville. En plus, y a beaucoup de tarlouzes et des gens pas comme nous. Le maire leur a fermé leurs théâtres et leurs putains de galeries. Il a sucré toutes les subventions à leurs assoces et annulé tous les festivals. Faut voir la merde que mettent ces festivals dans la ville. Et c'est même pas pour nous leurs spectacles. On a mis l’argent dans autre chose, du concret, des trucs qui servent tous les jours. Et elle… J’y crois pas. Elle m’a plaqué pour un mec comme ces putains de bobos. Me faire cocu avec mon pire ennemi. J’ai des putains de boules. Si je le chope, je le bute !
Qu’est-ce que je peux faire pour la récupérer ? Rien du tout. C’est trop tard. Je vais… Faut que je me calme. Je sens que je vais péter un câble. Faut pas que je garde ça pour moi sinon je vais devenir barge. Me foutre une balle dans la tronche.
Ce soir, j’ai une réunion secrète avec mes potes. On s’est jurés de jamais se baratiner. On se dit tout. C’est comme des frères. Ils peuvent compter sur moi. Et je sais que si j’ai une merde, ils seront là pour me filer un coup de mains. Je peux pas leur cacher ça. En plus, ils vont tout de suite voir que ça va pas.
Je vais le buter !
Souriant, je trinque avec mes deux amis. De temps en temps, nous venons déjeuner dans ce restaurant. Il se trouve dans un petit village, près de la ville où tous deux vivent encore. Ils me donnent des nouvelles. Rien de très réjouissant. Tous deux songent à déménager. Ils ne subissent aucune violence physique mais la pression est permanente. Les derniers citoyens ne correspondant pas aux critères du nouveau maire sont harcelés. Leurs enfants sont mis de côté à l’école, le courrier est rarement distribué, les éboeurs ne vident pas leur poubelles… A bout de nerfs, ils finissent par vendre et s’enfuirent. La mairie préempte et redistribue ces logements vacants aux gens de sa cause. La ville est peu à peu verrouillée.
A la fin du repas, je les salue sur le seuil du restaurant. Ils remontent l’artère principale. Un vieux couple très soudé. Deux hommes qui s'aiment depuis si longtemps. Aujourd'hui, ils sont obligés de cacher leur histoire. Depuis l'arrivée de la nouvelle municipalité, les homophobes ont repris du service. Des conférences contre le mariage pour tous dont une intitulée "Impasse de l'homosexualité" font salle comble. Des gosses leur ont envoyés des pierres, la plupart des restaurants refusent de les servir. Peu à peu leur vie sociale se rétrécit. Pourtant je ne peux m'empêcher de les envier de pouvoir se retrouver dans moins d’une demi-heure dans les rues de notre ville. Ma ville à perpétuité.
Mon casque à la main, je me dirige vers ma moto garée dans une ruelle. Ça me fait du bien sortir un peu de mon antre. Voir des amis mais aussi des inconnus. Se sentir vivant, toujours de ce monde. Heureusement que mes deux amis ont là pour me remonter le moral. Et surtout pour éviter que je déraille trop. C'est vrai que j'ai tendance à sombrer dans une forme de parano. Même si les temps sont plutôt sombres, nous ne sommes pas dans une dictature. Ils peuvent me molester, pas m'assassiner comme en d'autres temps ou ailleurs en ce moment. En démocratie, les poètes meurent dans leur lit.
Soudain, des pas derrière moi. Je me retourne. Trois jeunes fêtards complètement ivres. Ils passent devant moi et s'éloignent. Sans doute de retour d'une soirée bien arrosée. Comme celle de ma jeunesse en ville. La machine à remonter le temps se met en marche.
L'enfance est-elle notre seule vraie patrie ?
On fait un selfie avec lui. Il tremble de trouille. L’un de mes potes le filme avec son téléphone. On le tient ce fumier. Belle prise pour notre première opération. Je sais pas ce qui me prend mais je le colle contre le mur et commence à le cogner. Pourquoi t’as piqué ma gonzesse ! Je suis comme un barge. Il allait trinquer pour lui, pour l’autre salope qui est partie avec lui, pour tous les autres que je hais. A cause d’eux qu’elle m’a laissé tomber. Je cogne de plsu en plus fort. Il est coincé contre le mur. Arrête tes conneries ! Mes potes me prennent par le bras et m’éloignent de lui. Heureusement qu’ils m’ont retenu sinon je le massacrai direct à coups de poings. Pourquoi elle m’a plaqué ? Je lui ai rien fait de mal, moi. Je suis un mec bien.
On l’a chopé à la sortie du restaurant. On savait qu’il allait souvent bouffer avec deux potes à lui. Des tarlouzes qu’on a repérées en ville. On est en train de leur pourrir la vie pour qu’ils dégagent. Mon père aimerait bien déménager dans leur appart, beaucoup plus grand que le nôtre. C’est un serveur du restau qu’on connait bien qui nous a prévenu. Avec mes meilleurs potes, on l’a mis dans une bagnole et on l’a emmené dans une ferme complètement délabrée. On y bouffe souvent au moment de la chasse. C’est un p’tit coin peinard au bord du fleuve. Il peut gueuler ce qu’il veut. Personne peut l’entendre ici.
On avait prévu autre chose pour lui. Un peloton d’exécution comme à l'époque de nos grands parents. Et de la guerre pour résister et défendre notre pays. A l'époque, on prenait pas de gants avec les traitres. De vrais hommes. C'était mieux avant.
On a tous levé nos fusils de chasse. Sauf celui qui doit faire la photo et le film avec son I-phone. C’est que pour nous. On veut pas la mettre sur Facebook. C’est trop dangereux. Mais un jour, nos gosses seront fiers de nous. De notre geste de combattant. Pour l’instant, on la ferme. Et on l’ouvrira quand on aura gagné. Sûr que ça va bientôt arrivé.
Qu’est-ce qu’il fout ? Il est complètement barge ! On va le buter et le mec nous récite un poème. On comprend rien de ce qu’il dit. Il parle super vite. Avec les potes, on éclate de rire. Moi à sa palce, j'aurais demandé une dernière clope ou un truc de ce genre. Ce mec manquera à personne. Un parasite de moins. Je lève la main et je compte jusqu’à dix.
Il tombe d’un seul coup. Je hurle de joie. Avec mes potes on se tape dans les mains. On est super heureux. On a buté le pire ennemi de notre ville. Y pourra plus cracher sur notre maire. On lui a fermée sa grande gueule pour toujours. Première sorti et gros gibier abattu. On est super balèze. Le brigadier le maire peuvent compter sur nous. On va tous les buter les parasites. Tout nettoyer.
Bon, faut qu’on balancer son cadavre à la flotte. Avant, je braque ma lampe torche sur son visage. Mon pote filme son visage avec son I-phone. Sûr que ce film vaudra de l’or un jour. Et on aura une plaque à notre nom dans la ville.
Pas possible ! Je lui met un coup de latte. Une vraie lopette ce mec là. Il s’est fait dessus. Ca pue grave. J’ai envie de gerber. En me pinçant le nez, je lui enlève sa montre. Pas avec mon salaire que je peux m’en payer une comme ça. Un de mes potes lui enlève ses deux bagues. C’est de l’or. C’est ce mec bourré aux as qui nous donnait des leçons. je lui redonne un coup de latte.
On le tire par les pieds et on descend jusqu’à la berge. Un pote sort des poids en ferraille de son sac. On lui en met dans ses poches et on rajoute des grosses pierres. Il remontera pas avant longtemps. On le pousse jusque dans l’eau. Quand il sera remonté, personne le reconnaîtra. J’ai vu à la télé que les poissons bouffent les yeux des cadavres. On attend qu’il coule avant de se barrer.
Sur la route, on met la radio. Un comique balance une vanne qui nous fait plier de rire. J'ai tous ces DVD à la maison. On est contents d’avoir réussi notre première opération. Dommage qu’on puisse pas en parler. Dire à tout le monde que c'est nous. On passer pas à la télé. Pourtant on vient de faire quelque chose de très important. Mais la chasse fait que commencer.
_ On va se fêter ça en boîte !
La photo d'illustration du billet circule beaucoup sur la toile. Certains internautes prétendent qu'il s'agit de Garcia Lorca déclamant son dernier poème. Cette version me semble très peu vraisemblable. Les historiens vont sans doute nous éclairer sur ce sujet. En tout cas, la mort de Garcia Lorca suscite depuis quelque temps des controverses et des actes de vandalisme.