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Billet de blog 24 mai 2025

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Les locataires du ciel

Certains êtres croient le ciel habité. Avec un vieux locataire qui aurait tout créé. Même lui? Une question à poser au «créateur». Ou à un moteur de recherche. Si réponse il y a, elle viendra plus sûrement du clavier. Pas sûr que nous le sachions un jour. Même si les interrogations non résolues deviennent une denrée rare. La question en berne dans un siècle de réponse à tout et tout de suite?

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Illustration 1
Paysage avec un ciel nuageux, Eugène Delacroix © Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot


               Certains êtres croient le ciel habité. Avec un vieux locataire qui aurait tout créé. Même lui ? Une question à poser au « créateur ». Ou à un moteur de recherche. Si réponse il y a, elle viendra plus sûrement du clavier et de la souris. Peut-être plus locataire depuis le temps qu’il y loge. À moins qu’aucune banque ne lui ait accordé de prêt pour un achat. Ou peut-être guère intéressé par l’acquisition du ciel et du reste de sa création. Pas sûr du tout que nous le sachions un jour. Mais pas le seul mystère dans l’air. Même si les interrogations non résolues deviennent une denrée rare. La question en berne dans un siècle de réponse à tout et tout de suite ? 

             Revenons au plancher des mortels. Parmi les milliards de Terriens et Terriennes, beaucoup ne croient pas le ciel habité. Même si, depuis des millénaires, on nous fait croire qu’il y a plus de regards imaginant un locataire divin. Ce n’est pas le cas ; nous sommes une majorité à n’y voir que des nuages, la lune, le soleil, des étoiles, etc. Ce qui n'empêche pas de nous raconter des histoires. Les croyants ont leur conte avec un super héros qui aurait bâti l'univers. Libre à eux d'y croire. Comme  les mécréants ont d'autres fictions. Dans les deux cas, le plus souvent des inventions pour tenter de semer sa trouille de la mort. Les cieux sont aussi source d'inspiration pour nombre d'artistes. Tandis que d’autres y croisent du regard des êtres aimés déguisés à jamais en poussières d’étoiles. Chaque passagêtre de la planète a donc sa vision du ciel. Un regard n’appartenant à personne d’autre. Chaque solitude a sa lecture du ciel.

           Le problème n’est pas le toit du monde. Même s’il y a des soucis. Notamment d’ordre climatique. Avec entre autres un soleil dont la mâchoire brûlante aura le dernier mot de l’humanité. Sans oublier les nouveaux colonialistes voulant s’approprier les étoiles. Voire même  le délire de vouloir privatiser les trous noirs de l’univers. Mais tout ça n’est pas pour aujourd’hui. Revenons à maintenant et ici-bas. Dans notre vaste merdier en orbite. Et la faute à qui ? Sûrement pas à cause des espèces animales. Ni non plus la flore. Le seul responsable, c’est nous : notre espèce humaine.

            Et ce n’est pas nouveau. Des milliers d’années qu’on merde. Pas vous ? Ça continue. L’une des caractéristiques de la plupart des membres de notre espèce est d’être persuadé de ne pas être le problème. Non. Le problème, c’est évidemment toujours l’autre homme, l’autre femme, l’autre genre, l’autre peuple… La liste n’est pas exhaustive des problèmes au bout de son index. En plus, ils nous permettent de lâcher notre bile. Suffit de se trouver un ou plusieurs autres à incriminer. Les coller au cœur de sa cible. Le tour est joué. En tout cas, en apparence. Et qu’un temps donné. Car le « vrai » problème revient. Autrement dit : soi. Ses petites ou grandes névroses. À un moment, l’autruche finit par se raser, se maquiller, se laver les dents… Et devenir le centre de la cible de son miroir.

          L’autre n’est bien sûr pas toujours un ange. Porteur aussi de petites et grandes névroses. L’autre peut être source de problème. Voire même un danger. Le fuir ou le combattre. Blessé, on peut tenter de se réparer. Pour essayer de vivre ou de survivre. Mais il ne s’agit que d’un autre. Peut-être quelques-uns. Mais pas tous les autres de la planète. À moins de ne vouloir vivre qu’à travers un conflit. Et, à ce moment-là, peu importe quel est l’autre. Suffit qu’on puisse se servir de lui comme d’un punching-ball. Ce qu’on nomme le bouc émissaire. Rassurant de savoir que le méchant est en face. Et soi dans le bon camp.

            Tant que le problème, c’est uniquement l’autre, rien ne changera. Nul progrès pour les individus et les peuples. Même si, bien entendu, il y a de vrais rapports de domination. Colonisation d’un corps ou d’un territoire avec sa population. Nous avons nombre d’exemples de domination non résolue. La résistance s’impose. Jusqu’à obtenir justice et réparation. Mais c'est à ce moment que débute un autre combat. Quand il y a justice et réparation. Comment vivre alors sans sa plaie ? Ça me semble difficile. Surtout si cette blessure a été très longtemps le centre de sa chair. On n'efface pas l’indicible. Que faire alors ? Se regarder droit dans son histoire. Et chercher l’autre en soi. Sa mauvaise part. Celle qu'on voit chez l'autre. Pour surtout éviter de se pencher sur sa face sombre. Pas si beau que ça l'intérieur des donneurs et donneuses de leçons que nous pouvons être. Dans une époque de raccourcis et jugements hâtifs de l'autre.

         Comment conclure ces digressions sans queue ni tête ? En levant les yeux vers le ciel. Pour se rendre compte d'un élément essentiel. De quoi ? Se rendre compte de sa petitesse. Juste une poignée d’atomes plus ou moins en équilibre sur le fil du temps. Avec en horizon sa chute finale. Rien de plus qu’une mécanique qui finit par se gripper et s’arrêter. Même si chaque histoire est une aventure unique, plus ou moins agréable, elle n’est que de passage. Tous et toutes logés au même Panthéon de l’éphémère. Se penser « poussières en suspens » peut nous fermer certaines portes. Comme celle de l'ego et du nombril toujours en bandoulière. Mais une prise de conscience de son éphémère qui peut nous ouvrir nombre de portes.

         Comme celle de profiter du temps qui court plus vite que toutes nos vanités.  Les hommes de pouvoir ne domineront jamais la moindre seconde. Pour reprendre la formule du grand auteur Didier-Georges Gabily, ils sont aussi des «  gibiers du temps ». Que faire quand on n’ a plus besoin de mesurer la taille de son égo ? Par quoi remplacer sa course à toujours plus ? Pas de recette. Chaque être fait comme il veut, surtout comme il peut. Mais pourquoi pas avoir un projet qui dépasse le territoire de son nombril. Et à défaut de ne pas avoir amélioré le monde, au moins ne pas le faire empirer. Vaste programme. C’est un projet difficile. Sans doute l’un des plus complexes. Et pas sûr d’y parvenir. Par quoi commencer ? 

         Le chantier de l’élégance.

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