Marcher pour éliminer le mauvais cholestérol du cerveau. Mais difficile de savoir quand on en a dans la tuyauterie mentale. Pas d’analyses de labo pour prévenir de sa présence. Pourtant nul n'y échappe. Même les têtes bien pleines. Ni tous les êtres persuadés d’être normaux, raisonnables, et fort bien adaptés à la société - un symptôme de déséquilibre caché ? Retour à notre marche de digestion de la tête. Un pas, encore un. Puis un nouveau. Chaque pas est unique. Quelle que soit la direction. Marcher pour se nettoyer de la pollution de son écran. Pas un jour sans que le cœur et le cerveau ne soient mazoutés. Nos organes vitaux englués dans la toile.
La marche ce n’est pas uniquement le décompte mécanique d’un objet connecté. Ni les idées et actes de certains individus et groupes poussant à la course au toujours plus. Pour aller où ? Droit dans le mur. Marcher ce n’est pas donc toujours aller dans le même sens. Toujours se méfier des foules avec une seule direction et voix pour la guider. On sait où ça mène. Marcher peut-être aussi pour se perdre. « Ne demande jamais ton chemin à quelqu'un qui le connaît, car tu ne pourrais pas t'égarer ! » Quel meilleur GPS poétique que l’invitation de Nahman de Braslaw. Marcher même si ce n’est que pour échouer plus loin. Quelle que soit l’arrivée, on aura vu du pays. Et en plus fait de belles rencontres. De mauvaises aussi. Pour essayer de progresser.
Échouer c’est aussi aborder. Certes pas de la meilleure manière. Parfois même mortelle. Dans tous les cas, on aura au moins une victoire : avoir tenté le voyage. Qu’il soit petit ou grand. Traverser un océan ou son village. Larguer les amarres d’ici pour un ailleurs. Parfois, le voyage est juste à l’intérieur de soi. Un plongeon sous sa peau. Ou un voyage de soi à l’autre. Départ pour l’amour, l’amitié, ou d’autres sentiments. Sans être sûr de pouvoir effectuer la traversée. Ni d’une arrivée le cœur haut. Rien n’est sûr. Sauf le désir de déplacement.
Chaque histoire est un tissu d’histoires. Sans les autres, le néant sous notre poitrine et crâne. Certes une lapalissade. Toutefois peut-être pas inutile de le rappeler en notre ère de « j’ai fait », « je ferais ça », « je suis là », « je serai là », etc. Toutes et tous devenus des commerciaux de notre propre chair biodégradable ? Que de circonvolutions pour tout simplement dire merci. À qui ? Celui dont le texte (en date du 25 mai) sur la marche a inspiré ce billet. Sans ses mots, je ne suis pas sûr du tout que les miens aient pu germer. Merci à Erick Auguste pour cette marche dominicale dans ma tête. Bien que ce soit quelque peu chaotique. Et tant mieux.
Chalouper c’est aussi une façon de marcher. Parfois sous les effets de l'ivresse si chère à Baudelaire. Certains chaloupent aussi pour essayer d’échapper à la marche au pas. Celle de la ligne politique, religieuse, éditoriale, psy… Tout ce qui veut coller nos histoires dans des boîtes. Une mise en rayon plus ou moins agréable et parfois avec du sens. Certains êtres ne sont pas gênés d’être mis en boîte. D’autres ont plus de mal à s’y ranger. Bien souvent les mêmes qui ne sont pas adeptes de la marche au pas. Ni de la soumission à une quelconque autorité. Préférant marcher à un autre pas. Lequel ?
Le pas du doute.