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Mouloud Akkouche

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Billet de blog 26 janvier 2016

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

René Char © Résonance(s)

          La nuit perd toujours. Le jour aussi. Pas tout à fait une perte, juste un effacement. N’importe quel être constitué de sa somme d’effacements. Des joyeux, d’autres douloureux. Certains artistes, à la différence d' autres individus, ressentent avec plus d’acuité ces fins. Des fins en boucle. Les secousses sous la poitrine, plus enavahissantes. De quoi s’agit-il ? Sans doute de la trouille de la mort, du temps qui file à chaque respiration. Trouille ordinaire, semblable  à celle des hommes et des femmes des cavernes. Comment se prémunir contre elle ? Chacun, artiste ou pas, dispose de sa méthode. Sport, sexe, drogue, pouvoir, bio… Moi, comme beaucoup, j’ai opté pour l’alcool. Un airbag contre l'assaut répété de toutes ces fins. Encaisser la fuite du temps.

Pas un hasard  si j’ai débarqué dans ce village. Venu ici pour retrouver le goût de l’eau. Plus que l’eau, le goût de moi. Ici, un poète a vécu. Le fief du résistant René Char. D’autres artistes, dont Albert Camus, sont venus lui rendre visite dans ce pays rocailleux. Des fantômes de bonne compagnie. Dans mes pires moments, je sais que je peux compter sur leur présence. La force de leur souffle.  La terre, le ciel, et tout le reste à portée de main et du regard, sont mes alliés. Ici, mon seul ennemi porte mon nom. Remonter une à une les marches à l’intérieur de moi. Ascension de tous mes abymes, une remontée vers la lumière. Le soleil brillera-t-il dans mon miroir ?

Marcher et écrire. Un pas derrière l’autre, sur la page traversée par le vent chaud et, l’autre, posée sur la table. Chemin, pierres, arbres, feuilles, écran… Chaque élément se nourrissant des autres. Et moi, ombre hésitante, marchant sans chercher à fuir mes ombres. Ni aller dans une direction précise. Juste fuir en m’aimant. Marcher avec l’enfant sous ma peau. Converser avec lui, sans un mot. Redevenus des complices. Prêts à comptabiliser l’éphémère, rêver plus fort que la mort ; la sienne et celle des autres. Se foutre du temps qui passe et ne repassera plus par là.  S’effacer sans perdre. Ni gagner.

Thierry Metz,  un homme blessé, a penché des années. Souvent, je pense à son combat d’homme- poète. Se battre contre son ombre, aimer et haïr le dernier verre, avant le prochain.  Seul apaisement  contre ses  ténèbres. Un jour, il a décidé d'arrêter de pencher. Pas cessé de penser. Ces mots sont encore là. Lui a fini par tomber. Les femmes et les hommes qui penchent ressentent-ils plus la gravité terrestre que les autres ? Je ne sais pas. En tout cas, ils vont au fond. Certains laissent dans leur sillage des pépites sombres, d’autres qu’une absence. J'ai échoué dans ce village pour me relever.

Cesser de pencher ? Je n’y crois pas. En plus, pencher est parfois un cadeau sans prix. Présent de l’interrogation de soi et du monde ? La seule façon de ressentir la magie de l’équilibre ? Pas de réponses, pour l’instant. Juste continuer de pencher, sans tomber entièrement. Ni cesser d’hésiter.

Pencher vers l’horizon.

NB) Fiction inspirée de l’interview de Renaud ce matin sur France Inter. Le chanteur remis sur pied à l’Isle-sur-la-Sorgue : le village de René Char. Le chanteur et le poète sont fort différents sur le plan artistique.

Mais peut-être que des fantômes se sont croisés... 

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