Le soleil se couchera sans elle

Son regard souvent posé sur lui
Au moment où il se couche
Un rendez-vous important pour elle
Quand c’est possible
Elle s’installe ici ou là
Très concentrée sur l’horizon
Jusqu’à l’habiter à distance
Géolocalisé sur sa rétine
Debout ou assise
Toujours immobile
Le moins de gestes
Le soleil remplit chacun de ses souffles
Rouge feu avant noire crépuscule
Elle aime ce passage de relais
Depuis tes premiers mois, lui a dit sa mère
Vingt-cinq printemps de témoin 
Du soleil qui se couche
Aujourd’hui aussi témoin des êtres
Femme, enfants, hommes…
Captant leur histoire
Un quotidien lacéré 
Nuits et jours éventrés
Demain déchiré
Photos de visages en ruines
Sur des décombres d’immeuble
Leur chez eux et le chez les voisins
Désormais tous logés
Sous le toit de l’angoisse
Parfois au détour de la peur
Une lumière dans un regard
Un sourire au coin de lèvres
Une éclaircie dans la nuit
Entre les paupières
Aujourd’hui pas d’êtres
Dans son objectif
Elle reviendra à eux
Pour qu’ils ne meurent qu'une fois
Pas une double mort
Sous les bombes et le silence
Pour l’heure, tout entière à lui
Le soleil dans son viseur
Boule rouge qui descend
Le soleil se couche dans son œil
Elle sourit
Même sourire qu’une petite fille
Toujours présente sous sa peau
La petite fille et la femme ne savent pas
Double sourire
Sur leur dernier coucher de soleil

NB :  Poème inspiré de cet article sur l’assassinat de Fatima Hassouna. Elle était photo-reporter.  Des êtres sont en deuil. Et lui aussi. Le soleil couchant en deuil.