
La main a de l’orgueil.
Elle refuse de se tendre.
Caresser,
Cogner,
Prendre.
Jamais demander.
Son orgueil est un mur. Elle vient sans cesse s' y heurter. Perdante un jour, toujours.
Sa dignité d’abord.
Elle s'a pas appris à négocier sa position verticale. Toujours à hauteur de miroir. Là où elle croise son reflet.
Face-à-face.
Sans écran.
Ni devoir de séduire.
Le reflet de son exigence.
Même si la main ne pèse rien. Invisible sur la balance du temps.
Mais poids unique.
Comme les lignes de sa paume. Au creux se feuillette son histoire. Des lignes rédigées seconde après seconde.
Parfois, la main se tend.
Dans la rue ou ailleurs.
Cinq doigts tendus.
Pour relever une autre main.
Si ça se reproduisait, en aurait-elle la force ?
La main dit oui.
Son corps répond non.
Des semaines qu’il lui annonce le signal du départ. Le compte à rebours dans chaque geste.
Sous son crâne, des absences.
La vieille main a-t-elle peur ?
Non.
Oui.
Non.
Demain, il fera encore peur.
La main dort peu.
De moins en moins.
Immobile jour et nuit devant sa fenêtre. Avide du monde derrière la vitre.
Se remplir. Un nuage, le vol d’un instant, les étoiles… Tout gober. La main a faim.
Elle ne veut rien laisser sur la table.
Partir le ventre plein.
D’autres fois, la main est à vide. Pressée que ça finisse. Ne plus traîner le boulet du présent. Hâte que la nuit impose son rideau.
Coincée.
Boulimique du temps qui passe. Ne pas en laisser une miette.
Puis le désir de partir, ventre vide.
Flux et reflux sous sa peau.
La main s’est posée sur la valise.
Dehors, le jour défile.
La nuit attendra encore un peu.
Une semaine sous le ciel de son enfance.
Sur des falaises.
Enfant, elle s’ y rêvait oiseau.
Pas une main de terre,
ni de mer.
La main de l’air.
Elle laisse sa valise. Comme tout le reste. Effets personnels et bagages sont déposés.
Dans la consigne du vent.
Au cœur de sa paume : le point final.
Elle l’a inscrit.
Enfin, sourit-elle.
La main a ouvert ses ailes.