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Mouloud Akkouche

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Billet de blog 30 septembre 2015

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Décapitulation

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 « Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine; partout où la peine de mort est rare,
la civilisation règne » (Victor Hugo ) 

         Ma tête roulera-t-elle aujourd'hui sur le sol ? Cette question doit bouffer chaque seconde d'Ali Mohammed Al-Nimr. Ma dernière journée ou pas ? Incertitude carnivore dans le couloir de la mort. La réponse à cette question appartient à une autre tête. Pas n'importe laquelle. C'est une tête couronnée venue récemment passer quelques jours en France dans sa somptueuse villa, au bord de la méditerranée. Quelque peu chahutée dans notre pays, elle a décidé d'aller se mettre au vert chez une autre tête couronnée.  Pas les résidences secondaires qui lui manquent. Pendant ce temps, un jeune homme de 21 ans meurt chaque jour à l’intérieur de son corps. En attente de sa décapitation.

A-t-il du sang sur les mains ? Tueur ou violeur ? Non. Il est juste coupable d’avoir défilé dans la rue. Protester sur la voie publique contre un dictateur. Quel autre nom donner à un dirigeant qui décapite ses opposants et traite les femmes comme des esclaves? Ali est donc condamné à la décapitation uniquement pour avoir manifesté. Une manife sous des cieux toujours muets. Aphone ou aveugle ce fameux Dieu chargé d’amour? Visiblement toujours plus du côté des palais que des manifestants.

 Contrairement à ce jeune homme, la tête couronnée, qui décidera de sa vie ou de sa mort, a beaucoup de sang sur les mains. Des mains que nos têtes élues n’hésitent pas à serrer sur les perrons des palais républicains. Business is business. Quand l’opinion gronde, nos têtes élues tancent quelque peu le coupeur de têtes. Un coup de menton, quelques mots, devant une caméra à forte audience, avant de passer à autre chose. Revenir au principe de réalité qui remplit les caisses. La tête d’Ali ne fait pas le poids contre un Rafale ou un Mistral. Le combat de la chair contre l’€. Le mistral soufflera-t-il bientôt dans la tête d’Ali ? Son corps saignera-t-il sur une croix ? Moins important que la signature d'un contrat.

 Tout a été dit sur la complicité de nos têtes - couronnées par nos bulletins de vote - avec des dictatures telle l’Arabie Saoudite.  Ainsi qu'avec la Chine et d’autres états loin d'être des modèles de démocratie. Des tyrans reçus en grandes pompes en notre nom. Bien sûr, comme nous les simples citoyens scandalisés par le calvaire de ce jeune homme, nos représentants ne sont pas directement responsables. Pas une goutte de sang d’Ali n’éclaboussera leur costume ou leur tailleur. Peut-être même que, parmi eux, certains culpabilisent et sont contre des relations avec des pays ne respectant pas les droits de l'Homme. Pourquoi ne se font-ils pas entendre. Sans doute plus d’intérêts à se taire qu’à parler. Responsables mais pas coupables ?

 Si Ali est décapité, l’humanité sera tranchée d’un coup de sabre. Sa tête, comme celles de tous les décapités, porte le visage de notre époque. Une civilisation capable de détecter la présence d'eau sur Mars mais incapable d’empêcher des tyrans de faire couler le sang. Impuissante comme face au gosse échoué au bord de l’eau.  L’un sans regard, l’autre avec des yeux qui fixent la planète entière à travers des écrans. Le premier, nous l’avons regardé en boucle. Le second nous regarde et attend le verdict royal. Pour paraphraser le poète, ta mort viendra et elle aura nos yeux… Espérons qu’elle ne vienne pas pour Ali et tous ceux dans son cas. Lui est aujourd'hui enfermé, face à plusieurs milliards de spectateurs indignés. Et totalement impuissants.

Que faire ? Que dire ? Pétitions, billets, manifs, etc, me semblent inutiles. Pourtant les seules actions qui restent à notre portée de simples citoyens. Combat perdu d’avance ? Pisser dans un violon international plein à ras bord de pétrodollar ? Sans doute vrai mais toujours mieux que de complètement abdiquer. Ne pas imiter l'immobilisme de nos gouvernants qui, eux, contrairement à nous, pourraient influer sur ces dictatures. Les soumettre notamment à une vraie pression. Mais le client est roi… d’Arabie Saoudite. Nos élites à genoux devant le fric. 

  Pendant ce temps, Ali et d’autres sont ou seront assassinés en Arabie Saoudite et ailleurs sur la planète. La sauvagerie n'a pas de frontières. Chaque fois, l'opinion publique s'indigne à juste titre mais, très souvent, les enjeux économiques et géopolitiques on plus de poids dans la balance internationale. Une coupe du monde ou un avion pèsent plus lourd qu'un individu décapité par des barbares à kalaches ou avec palaces.  Les intérêts financiers passent avant les droits de l'Homme. Peu importe les sacrifiés sur l'autel du Dieu g€opolitique.Victimes aussi de la décapitulation de nos têtes dirigeantes.

Combien d'Ali et d'autres encore sacrifiés ?

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